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De l'enseignement en France et en Belgique. Nous avons les yeux fixés, avec la plus vive anxiété et les plus douloureuses sympathies, sur les dangers qui menacent en ce moment la religion et la liberté en Belgique.

La Belgique catholique a respiré depuis vingt ans. Mais un ministère doctrinaire et une majorité sortie des clubs et dominée par les clubs, sont à la veille de la rejeter dans les luttes et dans l'oppression qui ont précédé 1830.

Pour donner une idée du régime que le projet de loi de M. Rogier va peut-être inaugurer chez nos voisins d'ici à quelques jours, il suffira de citer la comparaison que le Journal de Bruxelles établit à juste titre entre l'instruction publique, telle qu'on veut l'organiser dans un pays où elle n'existe pas et où elle n'est nullement utile, et la France qui a eu le triste privilége de ne pas connaître d'autre enseignement depuis soixanté années :

Sous le régime universitaire français, avant même la nouvelle loi que l'Assemblée nationale vient d'adopter, dit ce journal, la centralisation de l'enseignement secondaire public était moins forte, de beaucoup, que celle qu'on veut établir ici; le gouvernement n'y possédait qu'un nombre de lycées royaux ou d'athénées proportionnellement de moitié moins considérable que celui que fixe le projet de M. Rogier; - le gouvernement n'avait élevé aucune prétention à créer un enseignement professionnel dont l'organisation était laissée aux communes et à la liberté ;-au lieu d'établir des écoles moyennes, comme on le propose ici, on y supprime les écoles primaires supérieures créées par la loi de 1833; -l'école normale de Paris ne jouissait aucunement du privilége et du monopole que le projet de loi belge attribue aux écoles normales à fonder près des Universités;-enfin au lieu de confier la direction de l'instruction publique secondaire à un conseil de perfectionnement nommé arbitrairement par le ministre, comme on veut le faire chez nous, on a donné cette direction à un conseil supérieur et à des conseils d'académies, composés, en grande partie, en dehors de l'influence ministérielle, et dans lesquels la loi fait entrer les principaux éléments de la société : le clergé, la magistrature, l'institut, l'enseignement public, l'enseignement libre et l'administration. ›

Il est fort remarquable que les feuilles ministérielles elles-mêmes confirment, par leur tacite assentiment, la justesse de ce parallèle. L'Indépendance, la plus habile d'entre elles, n'a toujours répondu qu'une chose à ces plaintes : c'est que la liberté demeurait en Belgique, et que la liberté y avait toujours élé et y serait toujours plus grande que chez nous,

Assurément, avant l'adoption de la loi de M. de Falloux, cette objection, si fausse qu'elle peut être, aurait fait une certaine impression. Mais aujourd'hui que les choses ont été profondément changées par la nouvelle législation, le Journal de Bruxelles s'écrie :

Pour en revenir à la France, les entraves laissées à la liberté de l'enseignement sont-elles bien fortes? Quelles sont ces entraves, pour l'enseignement secon

daire, que la nouvelle loi a laissé subsister? On va voir que ces entraves sont telles qu'elles ne peuvent, en fait, entraver personne.

Pour ouvrir un établissement d'instruction publique, il faut produire :

« Ou bien un certificat de stage passé dans un établissement public ou privé, Ou bien le diplôme de bachelier,

«Ou bien un brevet de capacité délivré par le conseil académique, formé presque entièrement en dehors de l'influence du gouvernement et renfermant un évêque et un autre membre du clergé.

« Le conseil supérieur pent dispenser du stage.

Toute.preuve préalable de moralité est supprimée.

« La surveillance de l'Etat ne peut porter que sur la moralité, le respect de la Constitution et des lois et l'hygiène, et nullement sur l'enseignement même.

« Les associations religieuses ne sont plus exclues, par le serment du test de 1828.

<«< Nos lecteurs voient combien on exagère, quand on prétend qu'en France Ja liberté de l'enseignement n'existe pas. Cette liberté est moins illimitée qu'en Belgique, sans doute; mais en vérité, ces conditions de capacité et de surveillance ne sont-elles pas rendues tellement inoffensives et faciles à remplir, que la distance qui sépare la liberté française de la liberté belge, ne puisse être aisément franchie?

Mais qu'on n'oublie pas, que si la liberté est heureusement plus complète chez nous, l'enseignement public y sera aussi plus centralisé, le monopole de l'Etat dans la formation du corps professoral y sera plus absolu, l'action sur l'enseignement professionnel des classes bourgeoises beaucoup plus étendue, la composition du conseil supérieur plus ministérielle, la liberté laissée aux communes d'accorder au clergé des locaux et des subsides beaucoup moins sincère et moins large.

On nous permettra de le dire : c'est une grande satisfaction pour nous de penser que la loi, désormais en vigueur, est ainsi appréciée hors de France. Ainsi, non-sculement elle assure à la religion et à la liberté ici même des améliorations précieuses et des avantages considérables; mais, de plus, elle fournit aux catholiques de Belgique et des autres Elats de l'Europe des arguments et des armes contre leurs adversaires acharnés, et elle ne permet plus à ceux-ci de se prévaloir contre eux de l'exemple encore si puissant et de l'autorité si souvent invoquée de notre pays!

Le Rapport de la section centrale sur le projet de M. Rogier a paru dans le Moniteur belge; la discussion s'ouvrira dans la Chambre des représentants aussitôt après les vacances de Pâques. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce grave débat. Nous y apporterons des renseignements très-autorisés et dont la communication bienveillante nous inspire une vive et respectueuse reconnaissance, et nous pourrons ainsi en indiquer sûrement la portée générale, les points essentiels, capitaux, et les conséquences malheureusement si redoutables pour l'Eglise et pour la civilisation chrétienne dans une contrée où la situation des catholiques paraissait naguère si florissante et à l'abri de toute atteinte.

Le discours de M. Berryer va être imprimé à part. Ce sera un devoir pour tous nos amis de le répandre et de le propager autour d'eux.

Bulletin de la politique étrangère.

ESPAGNE. On voit déjà dans Madrid quelques-unes des personnes qui doivent représenter la principauté des Asturies aux couches de la reine. On sait que l'héritier présomptif de la couronne d'Espagne porte toujours le titre de prince des Asturies. Les députés de cette province assistent à toutes les cérémonies en usage à la naissance du prince. Si la reine, au contraire, donne le jour à une fille, ils abandonnent immédiatement le palais.

Il paraît certain que toute la famille royale sera réunie à Madrid pour cette époque. L'infant D. François de Paule a reçu de S. M. la permission de rentrer dans la capitale, et y reviendra dès que seront achevés les préparatifs que le roi, son fils, dirige en personne dans le palais de S. Juan, au Retiro.

-Le confesseur du roi, D. Fulgenzio, rendu fameux depuis la crise du ministère Cléonard, et qui avait été exilé, a obtenu de rentrer à Madrid; on ajoute que la même grâce est accordée à M. Rodon, secrétaire de S. M. à cette époque.

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'L'Assemblée continue l'examen du budget du ministère de l'instruction publique. Les chapitres relatifs à l'Académie de médecine, à l'école des Chartes, à celle des langues orientales, aux souscriptions, sont votés presque sans discussion et avec les réductions proposées par la commission.

Sur le chapitre des encouragements et secours aux gens de lettres, M. Poujoulat comhat la réduction proposée (17,000 francs.) M. Ch. Dupin prend part à la discussion. M. Berryer, rapporteur, répond à l'un et à l'autre; l'Assemblée adopte le chiffre de la commission: 180,000 francs.

M. EMILE BARRAULT se plaint de l'organisation universitaire en Algérie.

L'orateur, entrant dans les détails de l'enseignement public en Algérie, énumère les élèves des diverses classes du collège d'Alger; on compte 12 élèves en seconde, 10 en rhétorique, 1 seulement en philosophie. Et pour conférer à cet élève le grade de bachelier ès-lettres, on a envoyé à Alger quatre examinateurs de Montpellier; on voit que le grade de bachelier coûte cher en Algérie. (Hilarité.)

Il faut mettre un terme à cette fantasia universitaire. (Nouvelle hilarité.)

M. Emile Barrault demande une réduction de 33,000 francs, qui est combattue par M. Dufaure et rejetée par l'Assemblée.

M. RAUDOT a proposé comme amendement de restreindre la réduction à 10,000 fr. M. RAUDOT. Je demande aux Algériens combien il y a de colléges en Algérie.

M. DE RANCÉ demande la permission à l'Assemblée de protester contre cette expression d'Algériens dont on se sert souvent ici. Nous représentons comme nos autres collègues la France entière. (Oui! oui!)

Voix Combien y a-t-il de colléges?

Plusieurs voix: Un! un seul !

M. DE KERDREL. Je modifie l'amendement de M. Raudot en réduisant le chiffre à 5,000 fr.

On ne supprimerait ainsi que l'inspecteur de l'instruction secondaire.

M. DE PARIEU, ministre de l'instruction publique. J'accepte la réduction dans les limites où la pose M. de Kerdrel. (Ah! ah!)

La réduction de 5,000 fr. est adoptée.

On passe au budget des cultes.

Le traitement du directeur des cultes est diminué de 3,000 fr.

Chap. 5. Traitements et indemnités des membres des chapitres et du clergé paroissial, 32,155,450 fr.

M. J. FAVRE. Je viens appeler l'attention de l'Assemblée sur une question grave et délicate qui touche aux intérêts de la partie la plns importante du clergé, en même temps que la plus digne de votre intérêt. Je viens vous parler de la position anormale faite aux curés de campagne, appelés desservants et succursalistes par la législation exceptionnelle qui les a privés de l'inamovibilité. (Mouvements divers.)

Je viens vous demander qu'on fasse cesser cet état de servitude et d'oppression. (Rumeurs.)

M. DE PARIEU. Quel est votre mandat?

M. J. FAVRE. Mon mandat, c'est celui de député, et cela me suffit; mais j'ai en outre mandat de l'Eglise, et je vais vous le prouver. (On rit.)

Je viens demander à l'Assemblée de vouloir bien voter l'article additionnel suivant : « A l'avenir, les curés succursalistes et desservants jouiront de tous les droits des curés de canton.

« L'article 31 de la loi du concordat est abrogé. » (Rires et murmures.)

Plusieurs voix: La question préalable!

M. J. FAVRE, Continuant. « En ce qui touche la révocation des succursalistes et desservants. >»>

Voix nombreuses: La question préalable!

M. J. FAVRE. En vérité, je ne comprends pas ces susceptibilités.

Une voix Ce n'est pas ici le lieu de soulever la question.

M. J. FAVRE. Il est de tradition parlementaire que le budget permet d'aborder le fond de toutes les questions qu'il touche.

Vous allez voir que la question n'est pas nouvelle. (Interruption.)

M. LE PRÉSIDENT. Ayez donc un peu de tolérance, législative seulement. (On rit.) M. J. FAVRE fait à son point de vue un long historique de la question. Puis il continue:

De quoi s'agit-il? Il s'agit uniquement de demander à l'autorité civile de revenir sur un point de législation entièrement civil.

Pour moi, le pouvoir civil est investi d'une autorité suffisante pour statuer sur une pareille difficulté.

Je vous demande d'assurer aux desservants succursalistes la liberté de la pensée, la dignité de l'indépendance. (Approbation à gauche.)

M. DE PARIEU. M. J. Favre, s'est servi des mots de servitude, de despotisme, de chaînes du clergé je crains que le préopinant n'ait cherché à propager des sentiments qu'on s'est efforcé de répandre dans d'autres classes de la société. (Très-bien! C'est cela!) Je puis lui dire que s'il l'avait entrepris, il se serait trompé. (Très-bien! applaudissements.)

M. J. FAVRE se plaint que M. de Parieu ait attaqué ses intentions.

M. BERRYER monte à la tribune. L'heure avancée ne nous permet pas d'attendre davantage les épreuves du Moniteur. Nous donnerons demain ce magnifique discours.

BOURSE DU 2 AVRIL.

Le 5 p. 100, 90 23 à 89 60. Le 3 p. 100, 55 90 à 55 50.

Actions de la Banque, 2,200. Obligations de la Ville, 1,272 50.- Nouvelles Obligations, 1127 50.5 p. 100 belge, 99 010. Emprunt romain, 78 112.

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L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

JEUDI 4 AVRIL 1850.

(No 3007.)

L'AMI DE LA RELIGION.

Grise de l'Anglicanisme.

Les doctrines hardies de M. Gorham et les conséquences qu'a amenées leur manifestation, ont pour l'Eglise établie d'Angleterre une trop grande importance, pour que nous ne tenions pas nos lecteurs au courant de cette affaire.

M. Gorham est un ministre de l'Eglise anglicane; à l'occasion de sa présentation à un second bénéfice dans le diocèse d'Exeter, auquel il appartient, l'Evêque le soumit à un examen sévère et prolongé qui fut suivi d'un refus d'institution. M. Gorham appela de cette sentence à la cour ecclésiastique de l'Archevêque de la province (the court of arches). Sir Herbert James Furst qui, quoique laïc, est le juge de cette cour, décida que la doctrine de M. Gorham, condamnée par son Evêque, n'était point conforme à celle de l'Eglise anglicane, telle qu'elle est formulée dans les 39 articles et dans le Book of common Prayers. Nouvel appel de M. Gorham à la cour du conseil privé (judicial committee of the privy council), qui depuis. dix-huit ans a remplacé la cour extraordinaire (the court of delegates) instituée par Henri VIII, sans hériter de toute son exorbitante juridiction.

Les juges ordinaires du conseil privé furent aidés des conseils des deux Archevêques anglais et de l'Evêque de Londres, et malgré l'opposition de l'Evêque de Londres et de l'un des juges, ils cassèrent la décision contraire à M. Gorham.

Aussitôt un cri s'éleva dans toute l'Eglise anglicane. M. Gorham est hérétique, s'écria-t-on, et c'est une cour laïque qui décide d'un point de doctrine! Les réclamations, les adresses, arrivèrent de tous côtés; et bientôt on eut le scandale d'un acte public, la protestation de M. Denison, vicaire d'East-Brent, qui envoya à son Evêque la pièce suivante après l'avoir lue dans son église :

Au nom de la Sainte-Trinité, Amen.

«Considérant que l'Eglise universelle seule possède, par l'institution et le commandement de son divin Fondateur, le pouvoir de définir en matière de doctrine, et que l'Eglise d'Angleterre soumise à cette Eglise, possède seale, dans sa sphère, le pouvoir d'interpréter et de déclarer le sens des définitions établies par l'Eglise universelle ;

Que le pouvoir d'interpréter les lois de l'Eglise par un jugement définitif, sans que les synodes soient, dans la pratique, admis à déclarer la doctrine de Eglise, constitue le pouvoir de définir et de donner des interprétations qui obligent l'Eglise;

• Que, en conséquence de la cause, Gorham contre l'Evêque d'Exeter....» il appert que la couronne, par l'intermédiaire d'une cour constituée seulement par L'Ami de la Religion. Tome CXLVII,

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