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C'est un douloureux spectacle que celui d'une société qui a peur; mais le jour ou cette société comprend pourquoi elle a peur, elle est sauvée; car au lieu d'errer au milieu des écueils, elle va droit au but et elle trouve dans la vérité, l'énergie nécessaire pour combattre et pour vaincre le mal.

L. DE GONTAut Saint-Blancard.

D'un article du CORRESPONDANT contre le dernier

écrit de Mgr l'Evêque de Langres.

Le dernier numéro du Correspondant contient un article qui a la prétention de critiquer la dernière publication de Mgr l'Evêque de Langres, et d'en atténuer l'autorité par des observations présentées avec une apparence de modération qui est loin du véritable respect.

Nous ne rentrerons pas, à ce sujet, dans la polémique rétrospective qu'on essaie de renouveler. Nous devons seulement relever brièvement des erreurs étranges et insoutenables.

En premier lieu, on reproche à Mgr de Langres d'avoir compté parmi les résultats acquis et consacrés par la loi, l'abolition du certificat d'études:

Cette injuste prescription, dit-on, n'était pas l'œuvre de la législation, mais d'un pur caprice universitaire... La LOI N'EN DIT PAS UN MOT; et, sous ce rapport, il n'y a pas de reproche à lui faire; car enfin c'était l'enseignement supérieur qui exigeait le certificat d'études; et comme la loi nouvelle a-réservé tout ce qui concerne l'enseignement supérieur, y compris l'examen qui sert à constater les résultats de l'enseignement secondaire, il FAUDRA LA LOI DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR pour savoir enfin s'il sera LÉGALEMENT INTERDIT d'en revenir à ce raffinement de la tyrannie universitaire. Nous ne comprenons donc pas trèsparagraphe 6 se trouve compris dans le résumé de Mgr

bien comment ce

Parisis.

Si l'on avait bien voulu se donner la peine de lire la loi, qui n'est pas censée dire un mot de l'abolition du certificat d'études, on aurait sans doute remarqué l'article 63, ainsi conçu :

Art. 63. AUCUN CERTIFICAT D'ÉTUDES ne sera exigé des aspirants au diplôme de bachelier ou au brevet de capacité. ▸

Cette disposition, adoptée dès l'origine par les deux commissions, se retrouve encore dans le projet inséré à la suite du Rapport de M. Beugnot et dans la rédaction qui a été soumise pendant les trois délibérations de la loi, à l'examen de la presse aussi bien qu'à celui

de l'Assemblée.

Mgr l'Evêque de Langres ayant d'ailleurs eu le soin de publier le texte même de la loi à la fin de son ouvrage, il faut espérer qu'à l'avenir on voudra bien, avant de se permettre de lui faire la leçon,

consulter ce document.

En second lieu, le Correspondant n'a pas lu non plus, à ce qu'il

paraît, les lettres du vénérable prélat au Moniteur universel et à M. Soubies: car il reproduit sur l'opinion de NN. SS. les Evêques en général, et sur la conduite de Mgr Parisis en particulier, des allégations et des suppositions contre lesquelles ces lettres réclamaient

par avance.

Comme l'avait fait le représentant de la Montagne auquel répondait alors Mgr Parisis, ou infère encore aujourd'hui de la correspondance du prélat avec ses vénérables collègues au sujet de l'inspection, que la majorité de l'épiscopat repousse la loi; qu'il y a plus d'Evêques contre que pour la loi. C'est tout à fait inexact.

Le Correspondant étend à la loi tout entière, ou du moins à l'ensemble de la loi, ce qui ne s'applique qu'à telle ou telle de ses dispositions. C'est conclure du particulier au général. Qui ne voit qu'on peut regretter tel ou tel article, telle ou telle clause particulière d'un acte, et cependant ne pas rejeter l'acte lui-même ? N'y a-t-il pas, nonseulement dans la loi actuelle, mais dans la Constitution même et dans toute la législation, surtout en ce qui touche les rapports de l'Etat et de l'Eglise, bien des choses que l'épiscopat tout entier ne souffre qu'avec peine, et contre lesquelles cependant ni l'épiscopat, ni qui que ce soit n'a l'idée de réclamer ou de protester en ce moment?

D'ailleurs, Mgr l'évêque de Langres l'a écrit formellement à M. Soubies : « Aucune des lettres qu'il a reçues n'avait le caractère ni la teneur d'une protestation. »

Mais ces erreurs de fait ne sont pas les seules que renferme l'article du Correspondant.

Ainsi, sous le rapport de la liberté, le Correspondant indique trèsclairement qu'à son avis les conditions préventives de moralité et de capacité sont, non pas démesurées, mais TROP MODÉRÉES :

« Reste, dit-il, la modération mise aux garanties de moralité et de capacité exigées par la Constitution. Mais sur ce point, notre satisfaction n'est pas encore sans mélange. Nous ajouterons même qu'au besoin, nous n'aurions pas exigé une

AUSSI GRANDE MODÉRATION.

• Oui, si l'on nous avait laissé la liberté du choix; si l'on nous eût dit : Qu'aimezvous mieux, ou d'une carrière difficile à l'entrée, mais sûre APRÈS l'accomplissement des garanties d'admission, ou d'une profession dont l'abord est engageant, mais dont l'exercice peut être semé d'entraves et de déceptions, nous n'aurions pas hésité. Nous anrions dit : L'OBSTACLE d'abord, pourvu que la liberté vienne

ensuite. >

Pour appeler les choses par leur nom, le Correspondant eût accepté des examens plus difficiles que ceux du baccalauréat ou du brevet de capacité, d'autres grades, d'autres garanties préventives, à l'exercice même de l'enseignement.

L'enseignement, dit-il, est une carrière, une profession; l'important, c'est qu'elle soit sûre, exempte d'entraves et de déceptions. Mais y a-t-il une carrière, une profession que la loi puisse placer dans de telles conditions?

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Et, de plus, l'enseignement n'est pas seulement une profession ou une carrière: c'est une liberté. On dit : « L'obstacle d'abord, la liberté viendra ensuite. » — Comment la liberté viendra-t-elle, si l'obstacle commence par lui barrer le passage?

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Mais, sans reprendre l'un après l'autre des mots dont chacun est une confusion, il nous reste à signaler un dernier point qui étonnera plus tristement les catholiques, parce qu'il atteint de plus près les doctrines les plus certaines et les plus nécessaires.

Le Correspondant ne se contente pas de critiquer Mgr l'Evêque de Langres, de dire que l'éminent prélat n'a pas vu le principal vice de la loi. Le Correspondant a uu système; il faut qu'il montre aux yeux, qu'il proclame ce que Mgr Parisis n'a pas vu, ce que Mgr Parisis n'a pas dit. Et pour faire cela d'une manière plus péremptoire, il émet les propositions qu'on va lire, et que nous ne reproduisons pas sans un chagrin égal à notre surprise.

Il pose d'abord en fait que :

Rien au monde n'est plus dissemblable que l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire, ou, pour mieux dire, que l'enseignement populaire et la préparation à l'enseignement supérieur. ›

Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas au point de vue purement littéraire ou scientifique que cette dissemblance est absolue, selon le Correspondant; c'est au point de vue RELIGIEUX.

Dans le premier système (dans l'enseignement populaire), l'instruction générale qu'on donne n'est qu'un corollaire de l'enseignement religieux. Dans le second (dans l'enseignement secondaire), on n'a besoin, sous le rapport RELIGIEUX, que d'entretenir les IMPRESSIONS données par la premiere communion, et l'effort se concentre principalement sur le développement des connaissances litté

raires.

C'est précisément ce second système que l'Université a si longtemps préconisé, défendu, pratiqué; c'est ce système contre lequel n'ont cessé de protester non-seulement les catholiques, mais même les hommes les plus intelligents et les plus consciencieux du corps enseignant; c'est ce système-là qu'on essaie aujourd'hui de remettre en honneur avec tous les faux principes sur lesquelles il se fondait et les désastrenses conséquences qu'il a produites.

Il faut voir, en effet, d'où l'on fait dériver et jusqu'où l'on pousse la prétendue dissemblance, sous le rapport religieux, des deux enseignements primaire et secondaire; il faut voir les distinctions incroyables que l'on établit, toujours à ce point de vue, non-seulement entre les élèves, mais entre les maîtres de l'un ou de l'autre degré. Quant aux élèves d'abord, on veut bien accepter la tutelle religieuse pour les enfants du peuple; mais pourquoi? Uniquement parce qu'en politique, il y a, malgré notre Constitution, à côté des classes émancipées, « des classes qui ne le sont pas, des classes nécessairement maintenues sous une tutelle, » et qu'alors la tutelle de la religion est encore la plus sûre et n'a rien de dégradant.

Aujourd'hui, dit le Correspondant, à côté des insensés et des criminels qui espèrent profiter de la victoire des barbares...., il n'y a plus que des hommes convaincus de la nécessité de donner un frein aux passions et aux appétils populaires, autrement dit de rétablir la tutelle des classes inférieures. Or, pour que cette tutelle n'ait rien de dégradant, il faut recourir à la religion chrétienne. ›

Donc, pour le peuple et pour les enfants du peuple, un enseignement qui soit seulement le complément de l'enseignement religieux; A la bonne heure! Mais pour les autres classes et pour les autres enfants, c'est bien différent, selon le Correspondant. Ces classes sont émancipées; hélas ! oui. Les enfants de ces classes doivent l'être également. D'un côté, la religion est nécessaire; de l'autre, efle ne l'est pas. Là, le prêtre doit être appelé; ici, ce ne serait peut-être pas juste, et ce serait certainement imprudent!

Voilà pourtant où l'on en vient! On aurait de la peine à nous croire, si nous ne citions textuellement :

«Que si l'on se transporte, dit le Correspondant, dans l'enseignement prépatoire (ou secondaire), la question change de face. Le prétre peut y remplir les fonctions d'instituteur, il peut y être même le meilleur instituteur; mais AUCUNE PORTION DE SON CARACTÈRE SACERDOTAL n'est NÉCESSAIREMENT attachée à cet emploi.»

Eh quoi! l'enseignement secondaire peut donc être séparé de l'éducation religieuse, de la direction religieuse, des habitudes religieuses! Ou bien l'éducation, la direction, les habitudes religieuses peuvent être données à des enfants sans l'intervention des ministres du calte, et notamment pour des catholiques, sans l'autorité ou du moins la surveillance du sacerdoce? Oui! répond-on, car

« Le sentiment de la liberté exige qu'on laisse chacun en user avec le prêtre COMME IL L'ENTEND, l'appeler ou se PASSER DE LUI. »

Le sentiment de la liberté ! quelle liberté ? Chacun! qui? Le père de famille, l'enfant, le maître de pension, ou l'État qui fonde et soutiente

des établissements?

Et cette doctrine, on l'applique à des corporations laïques, comme on dit, à l'Université ancienne, à l'instruction publique, donnée au nom et aux frais de l'Etat ; on l'applique ainsi sans hésitation et sans réserve!

« Il aurait été de la prudence comme de l'équité de ne point faire les membres du clergé les surveillants directs de l'enseignement préparatoire... » Pourquoi? Voici les motifs:

Par cela même que certains ecclésiastiques professent l'opinion, d'ailleurs très-permise et très-respectable, que l'enseignement même littéraire, même scientifique, appartient au clergé au même titre que l'enseignement religieux. »

En d'autres termes, l'opinion de certains ecclésiastiques qui réclament, pour le clergé, le privilége et le monopole de, l'enseignement littéraire et même scientifique, justifie, quoi? cette autre opinion: que l'enseignement donné aux classes émancipées et à leur

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fants, peut être purement laïc, en ce sens que l'enseignement religieux serait banni tout à fait de leurs écoles, ou donné sans le concours des ministres du culte.

Ce qui, assure-t-on, serait parfaitement d'accord avec le droit, la morale et l'intérêt social :

En face de cette prétention (du privilége de l'Eglise) existe celle de l'enseignement laïc; cette dernière n'a RIEN DE CONTRAIRE A L'ORDRE MORAL; elle ne crée pas un danger immédiat pour la société. En cas pareil, la SÉPARATION est

de DROIT. »

Ce n'est pas encore assez !... En prenant pour exemple l'application de ces principes à l'interdiction ou à l'approbation des livres, on revient encore ici à la fameuse distinction entre les livres de

l'instituteur du peuple et les livres que le savant destine aux fils de la bourgeoisie :

Quand il s'agit du peuple, livré malheureusement aux influences les plus grossières, on se sent disposé à approuver le législateur. Il intervient dans cette question pour ainsi dire de salubrité morale. Mais quand il s'agit de l'enseignement préparatoire, l'instituteur offrant, par son INSTRUCTION même, une garantie plus sérieuse à la société, réclamera aussi avec plus de succès contre les entraves, etc., etc.

C'est-à-dire que l'on prend la science, même sans la religion, comme une mesure plus ou moins approximative de la moralité! c'est-à-dire, que le professeur des bourgeois sera toujours moins dangereux que le maître d'école des pauvres; c'est-à-dire que le plus ou moins grand degré de corruption, dans les classes inférieures, intéresse la salubrité publique ! Mais la perte de la foi et des mœurs. dans la jeunesse des classes émancipées, ne motive pas l'intervention du législateur; non pas même quand l'enseignement de cette jeunesse, mis à la charge du budget public, dépend souverainement de la volonté et du vote du législateur.

Voilà le droit commun, voilà la logique, voilà les conclusions, voilà les doctrines de l'organe le plus modéré des séparatistes; voilà les motifs pour lesquels il a repoussé et repousse encore la loi de l'enseignement.

En vérité, ces citations suffisent; elles n'ont pas besoin de commentaires; elles éclaireront les esprits les plus prévenus.

Rapprochons seulement de l'incroyable article d'où sont tires ces extraits, les belles paroles sorties d'une bouche que les plus ardents universitaires ne croiront pas suspecte, et que disait, il y a déjà long-temps, dans un désir sincère d'amélioration et de réforme, l'un des chefs les plus éminents du corps enseignant :

J'ai souvent entendu parler de ce qu'on appelle l'unité de la civilisation. Il faut que la civilisation ait un principe commun; il faut que les hommes s'unissent dans la communion de certaines idées ; or, ce n'est pas, dit-on, dans l'étude des sciences nécessaires aux professions industrielles qu'ils trouveront ces idées qui rallient les esprits; c'est dans l'étude des lettres seulement, de ces lettres

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