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On nous assure que le conclave démocratique-socialiste, réuni aujourd'hui dans l'ancien local de l'école du commerce, rue de Charonne, à l'effet de nommer le candidat du parti socialiste à l'élection du 28 de ce mois, a fixé son choix sur M. EUGÈNE SUE.

Le 5 010 a varié aujourd'hui dimanche, au cercle de l'Opéra, de 88 30 à 88 60, et est resté à 88 50 deux heures et demie.

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Les immenses travaux de dragage du lit de la Seine qui se font dans Paris découvrent tous les jours des objets curieux pour l'archéologue. Ce sont des armes de toutes sortes et de toutes les époques, des médailles, des vases, des objets de serrurerie, jusqu'à des éperons de cavaliers et des débris d'armures.

On nous assure que plusieurs pensionnats primaires s'ouvriront prochainement dans le département de la Somme. La nouvelle loi sur l'enseignement facilite l'établissement de ces institutions si utiles à la propagation des saines doctrines.

On écrit de Jonchery (Marne): Un accident épouvantable vient d'arriver dans la petite église de Bouvancourt.

Depuis quelques semaines, on s'était aperçu qu'une des voûtes s'affaissait sensiblement; de larges crevasses indiquaient une chute prochaine. A cause du danger évident, les cérémonies du culte y avaient été interdites à partir du JeudiSaint. Quelques habitants de la commune avaient critiqué cette mesure, préte:dant que le danger n'était pas aussi grand qu'on voulait le faire croire; mais il n'était malheureusement que trop réel.

Le mercredi 3 avril, vers dix heures du matin, M. Villemet, curé de la paroisse, par une imprudence qu'on peut à peine s'expliquer, cut la témérité de s'avancer sur la partie la plus défectueuse de la voûte, qui s'affaissa aussitôt sous son poids et l'entraîna dans sa chute. Le premier choc dut être terrible; cependant il fut amorti par des fascines de branches de sapin qui avaient été étendues sur le pavé par précaution. Mais la voùte une fois entr'ouverte, les pierres se détachèrent successivement, s'amoncelèrent autour de l'infortuné prêtre, et finirent par couvrir entièrement son corps.

Par malheur, il se trouvait seul dans l'église quand cet accident est arrivé. Malgré l'état où il était, il eut encore la force cependant de dégager un bras pour écarter les pierres qui pesaient sur sa tête, et d'appeler du secours. Mais ses cris ne furent point entendus, et ce ne fut qu'après être demeuré une heure dans cette horrible position, enseveli sous un tas de pierres et de décombres, qu'il fut trouvé baignant dans son sang et meurtri de toutes parts. Néanmoins, malgré les larges blessures qui lui ont déchiré la tête, on espère le sauver.

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Nous croyons devoir communiquer à nos lecteurs les détails suivants que nous extrayons d'une lettre du R. P. César de Castelfranco, missionnaire Capucin à Gondar, au T. R. P. Guido da Busseto, exprovincial du même ordre:

« 28 mai 1848.

« .....Nous sommes toujours en Abyssinie; c'est un pays où on trouve des prodiges de mémoire faits pour étonner notre Europe si

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éclairée. Beaucoup sont en état de réciter d'un bout à l'autre toute l'Ecriture sainte, et quelquefois avec des commentaires. M. Antoine d'Abbadie, voyageur bien connu, se trouvant à Gondar, voulut un jour en faire l'expérience: il fit venir l'Abyssin qui lui enseignait la langue ghez (la langue sacrée), et commença à lire en sa présence le livre de Job, en omettant de temps à autre quelque verset. « La co< pie que vous lisez, dit alors le savant éthiopien, est très-défectueuse, car il y manque ce passage, et celui-ci et celui-là.» Or, T. R. P., cet Abyssin n'avait pas depuis cinq ans jeté les yeux sur le livre de Job. Mais là se borne toute leur science. Ils ne connaissent ni mathématiques, ni métaphysique, ni aucune partie de la philosophie, et s'ils assistaient à quelques-unes de nos expériences de physique ils l'attribueraient sans aucun doute à la puissance du démon. Le peu qu'ils savent de théologie est infecté d'erreurs. Ils sont Eutichéens et Pélagiens; et outre ces hérésies, qui sont, on peut le dire, communes à tous, trois sectes divisent les Abyssins. La première, celle des Teoreado, affirme que Jésus-Christ est né Dieu et homme en même temps, et qu'il a pris une troisième naissance de grâce par le baptême du Jourdain. La seconde, des Kebat, suppose deux naissances, dont une est divine et due à l'onction de l'Esprit-Saint. La troisième, enfin, celle des Karra, admet deux naissances comme les Kebat, mais avec cette distinction que ce n'est pas l'opération du Saint-Esprit qui a produit simultanément dans le sein de la Vierge la naissance divine et la naissance humaine, mais bien la volonté de Dieu se faisant homme.

Quant aux mœurs, les Abyssins ne sont pas aussi religieux que les représente un écrivain moderne. « Les Ethiopiens, dit-il, ne man❝gent pendant le carême qu'après le coucher du soleil, et seuleament après avoir quitté le travail pour faire leur prière. » Ceci n'est pas rigoureusement vrai, car les Ethiopiens, en temps de carême, mangent vers les trois heures après-midi, excepté pendant la Semaine-Sainte, où réellement ils ne prennent aucune nourritore avant le coucher du soleil. Quant à la prière des paysans, qu'il suffise de dire qu'on peut aisément compter ceux qui, parmi eux, savent le Pater noster. « Dans les églises, continue l'auteur, on n'entend jamais parler, on ne voit pas les têtes tourner de côté et d'autre. Pour aller à l'église, on revêt une robe blanche, sans laquelle on ne vous laisserait pas entrer. Au moment de la communion, tous se retirent, et il ne ❝ reste dans l'église que les prêtres et les communiants; c'est chez eux une marque de respect de la part de ceux qui ne se regardent "pas comme dignes de communier. » Les Abyssins, peu nombreux, qui vont à l'église, ne sont pas si scrupuleux à l'endroit du silence; ils se saluent, s'embrassent et sont loin de se tenir les yeux baissés. Ceux qui peuvent avoir un vêtement blanc le mettent sans que, pour cela, on refuse l'entrée à qui se présente, même en haillons; il est

faux qu'on se retire au moment de la communion; mais il est trop vrai que très-peu s'approchent de la Sainte-Table, non par sentiment d'humilité, mais parce que telle est leur coutume. Dans ce pays-ci, pour communier, il faut être ou moine ou marié, et la dépravation universelle est la raison de cette règle invariable. On dit que chez les moines seuls et les gens mariés, on trouve quelque retenue. La corruption est arrivée à un tel point, qu'on ne sait plus rougir.

« Si vous voulez que je vous fasse en un mot connaître les Abyssins au milieu desquels je vis depuis dix-huit mois, je vous dirai : Les Abyssins sont chrétiens par le baptême; scribes et pharisiens par les pratiques religieuses; musulmans par les mœurs; idolâtres souvent par leurs infinies superstitions; gens, en somme, incapables d'un acte héroïque, parce que leur cœur n'est que chair et leur esprit que matière. Cette horrible esquisse suffit pour inspirer à tous les cœurs pieux comme le vôtre les vœux les plus ardents en faveur de ces peuples si malheureux.

« Je vous parlais de leur superstition: voici un fait arrivé il y a peu de jours. Un de nos frères va chez un marchand de grain pour en acheter quelques mesures :-Oui, dit le marchand, je vous le vendrai, mais revenez demain, car il commence à se faire tard: or, voyezvous, un ange du Seigneur a l'habitude de passer la nuit dans mon grenier, il se peut qu'il y soit entré déjà et qu'il soit couché juste sur les sacs que je veux vous vendre. Dans ce cas, ils suivrait son sac, vous l'emmeneriez avec vous, et moi, je ne l'aurais plus.

« L'archevêque hérétique d'Abyssinie, appelé abba Salamo, est un homme plein d'orgueil. Enivré par les marques de respect que ces peuples prodiguent à leur Père spirituel, il veut dominer sur tout, et lance à tout propos les excommunications contre ce qui résiste. Il travaille à semer la discorde parmi les princes du pays Has-Ali, Ubié et le roi de Choa, non sans soupçon de vouloir s'élever sur leurs ruines et se faire roi lui-même: Ubié le poursuit et voudrait le chasser de sa province; mais le prélat s'est retiré dans un monastère situé sur une montagne, et dans lequel on ne peut entrer qu'en se faisant hisser avec des cordes. Il y a trouvé des provisions de bois, d'eau et de grain, et peut défier les gardes qu'Ubié a postés autour de la montagne. Tout cela tourne à l'avantage de la mission catholique, dont les œuvres font un admirable contraste avec celles de l'hérétique. Cette partie du champ du Seigneur est échue à MM. de Saint-Lazare, qui la cultivent sans relâche et avec fruit, malgré les épines et les mauvaises herbes dont elle est obstruée; mais rien n'est impossible à qui travaille pour l'amour de ce Dieu qui change les pierres en enfants d'Abraham. >>

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp, BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2,

MARDI 16 AVRIL 1850.

(N° 019.)

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L'AMI DE LA RELIGION.

Périls et salut de la société.

Nous vivons au milieu d'un concert de plaintes et de récriminations. Nous voyons des hommes qui s'étonnent de ce que la liberté n'est pas très-respectée et la fraternité très-pratiquée, bien que la Constitution nous ait ordonné d'être libres, et de nous traiter fraternellement. Il leur semble que toutes les difficultés devraient être surmontées par la seule adoption de cette Constitution, et il n'en manque pas, parmi eux, qui regardent comme de mauvais citoyeng les commerçants qui ne commercent plus, les propriétaires qui ne dépensent plus, les industrieis qui ne font pas travailler les ouvriers. Ils reprochent quelque chose à tout le monde.

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Tout le monde a donc tort?

Les riches se privent-ils à plaisir de la jouissance de leurs richesses?-Les possesseurs de capitaux s'amusent-ils à les laisser inactifs et à perdre le fruit de leurs travaux et de leurs économies, par pur esprit de contradiction? - S'est-on donné le mot d'ordre, d'un bout de la France à l'autre, pour suspendre le grand mouvement qui creait et distribuait le bien-être, et s'accorde-t-on à se ruiner uni

pour avoir la satisfaction d'en accuser la République? La France est-elle folle? Non, mais elle a peur, peur de tout: peur du socialisme, du vote universel, de la République, de la royauté, de la démagogie, de l'autorité, de la liberté, de la paix, de guerre, des émeutes, de l'intérieur, de l'extérieur. Tout le monde

la

a peur.

Mais pourquoi a-t-on peur?

On

a peur, parce que les esprits sont troublés, parce que les principes sont ébranlés.

On a peur, parce que le lendemain est incertain, parce qu'on ne prévoit rien et qu'on redoute tout, parce que les perturbateurs veillent el que les honnêtes gens s'endorment, parce qu'on ne sait quel édifice bâtir sur un sol où tous les édifices croulent.

On a peur, parce que les uns croient user le mal en fermant les yeux, tandis que les autres croient le conjurer en remportant une victoire dans la rue; parce que la moindre imprudence peut amener les conflits les plus redoutables.

On a peur, parce qu'après tant de révolutions, on en est arrivé à ne plus croire à rien, et que quand on ne croit plus à rien, on s'abandonne au hasard qui, à un moment donné, jette la société aux pieds de je ne sais quelle force brutale.

Oui, la société a peur, et une société tout entière n'a pas peur d'un
L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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fantôme; elle ne suspend pas sa vie, son activité, sans motif. Cette frayeur est un enseignement; elle prouve qu'il nous manque quelque chose il nous manque le respect pour l'autorité.

Nous l'avons calomniée, méprisée, brisée; nous avons cru nous élever bien haut en l'abaissant bien bas. Nous pensions travailler ainsi pour la liberté; nous ne faisions que lui préparer des chaînes. Sans doute on bégaic encore le nom de liberté; mais on adore, au fond du cœur, cette force matérielle et brutale qui remplace l'autorité dont on a perdu la trace. On sent le vide causé par l'absence d'autorité; on veut le combler; on demande, on appelle un pouvoir : les uns en vue du bien public, et pour diriger une société sans boussole et sans gouvernail; les autres pour faire triompher d'exécrables doctrines.

Mais s'il y a entraînement général vers ce qui ressemble à l'autorité, il n'y a pas conformité de vues et de but entre les uns et les autres.

Les révolutionnaires veulent disposer du pays à leur gré; ils savent à quelle bassesse en arrive une nation tuée par les excès; ils lui offrent le poison d'une apparente liberté pour qu'elle vienne bientôt baiser les chaînes dont ils la garrotteront; ils comptent sur cet instinct providentiel du peuple, qui veut une autorité et qui, dans sa lassitude, se courbe sous le premier jong qui se présente.

Les contre-révolutionnaires, c'est-à-dire les défenseurs de la civilisation et des intérêts populaires, ceux qui acceptent les progrès accomplis et qui ne redoutent aucun de ceux qui peuvent s'accomplir encore, ceux qui veulent éclairer le peuple et non l'enivrer, l'instruire et non l'abrutir, lui donner l'habitude de la liberté et non la fièvre de la licence; les vrais libéraux, enfin, veulent l'autorité comme garantie nécessaire de la liberté. A une société aussi malade que la nôtre, ils ne refusent pas les remèdes indispensables; l'expérience ne les trouve pas aveugles; ils veulent rendre à l'autorité son empire, c'est-à-dire sa force morale.

Malheureusement, la force morale de l'autorité ne se refait pas en un jour : il faut, quand on l'a discréditée, qu'on travaille patiem ment à la réhabiliter. Il faut que le peuple, en la voyant agir librement, en comprenne la force pour en sentir plus tard les bienfaits. Il faut lui rendre loyalement et courageusement les hommages qu'on lui doit pour qu'elle puisse, à son tour, rendre les services qu'on en attend. Il le faut dans une République comme dans nne monarchie, dans une démocratie comme dans une aristocratie; car l'autorité est un principe social et n'est pas un rouage de convention dont on se passe à volonté.

Si le respect, j'allais dire l'amour de l'autorité, est rétabli dans une nation, il n'est pas de libertés auxquelles elle ne puisse prétendre. Si ce respect a disparu pour toujours, il n'est pas d'esclavage auquel on ne doive se préparer.

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