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«La langue française, a dit M. Michaud à l'Académie française, n'a << point l'afféterie de la langue italienne; elle n'a point l'enflure de « la langue espagnole; elle a beaucoup moins d'exagération dans le « style figuré; elle est soumise à des règles plus certaines; elle a << moins de néologismes que la langue anglaise. Tous ces avantages « ont dû lui mériter une honorable préférence sur ses rivales. »

Nous ajouterons que l'espagnol a souvent une force gigantesque et une grandeur fastueuse; l'italien, une fade douceur; l'allemand, une incertitude grammaticale décourageante et une obscurité de style impénétrable; l'anglais, enfin, comme le remarque La Harpe, une inconcevable prononciation, qui semble heurter les principes de l'articulation humaine, qui le sépare de toutes les langues du monde, et qui lui rend applicable le vers que Virgile appliquait autrefois à la position géographique du pays où on le parle :

Et penitùs toto divisos orbe Britannos.

« On peut, en parlant français, disait déjà Bossuet, joindre la dé«licatesse et la pureté attique à la majesté romaine; et, quelque << peine qu'ait l'Italie d'abandonner tout à fait l'empire, elle est prête « à nous céder celui de la politesse et des sciences..... Les véritables « beautés du style se découvrent de plus en plus dans les ouvrages « français, puisqu'on y voit la hardiesse, qui convient à la liberté, « mêlée à la retenue, qui est l'effet du jugement et du choix. La li« cence est restreinte par les préceptes, et toutefois une trop scrupu« leuse régularité, une délicatesse trop molle n'éteint pas le feu des « esprits, n'affaiblit pas la vigueur du style. Ainsi nous pouvons dire << que la justesse est devenue le partage de notre langue qui ne peut « plus rien endurer ni d'affecté ni de bas, si bien qu'étant sortie des « jeux de l'enfance et de l'ardeur d'une jeunesse emportée, formée « par l'expérience, et réglée par le bon sens, elle semble avoir at<< teint la perfection qui donne la consistance. (1) »

Ce caractère de fixité que la langue française a acquis avant toutes les autres, ce caractère qu'elle doit aux grands écrivains du siècle de Louis XIV, a fait dire ingénieusement que le peuple qui passait pour le plus inconstant et le plus léger, fut le premier qui eut une langue invariable (2). Que si l'on joint à ce premier caractère, la fixité, celui qui la rend si propre aux sciences, aux affaires et à toutes les circonstances de la vie, celui qu'elle ne peut perdre sans se mentir à elle-même la clarté, instinct de notre esprit, devenu une loi de notre littérature, on conçoit aisément que la langue française soit en Europe la langue de la bonne compagnie, de la diplomatie, de la civilisation universelle.

Nous sommes donc heureux de constater en finissant, comme d'importants témoignages nous y autorisent, que le français étant le

(1) Disc. à l'Acad. française, tome 3, p. 28 et 29. (2) Michaud. Observ. sur la langue française.

premier des dialectes modernes, comme le grec et le latin furent les premiers des dialectes anciens, nos études, par un merveilleux concours, embrassent les trois plus belles langues qui aient jamais été parlées dans le monde civilisé.

X. DE RAVIGNAN.

M. le comte de Caraman veut bien nous communiquer, sur la retraite et la communion de Notre-Dame, un article que nous regrettons de ne pouvoir reproduire en entier, après avoir traité le même sujet hier. Nous ne pouvons cependant nous résoudre à laisser entièrement inédit un travail où se trouvent tant de pieux sentiments si noblement exprimés, et nous en offrons quelques pas-. sages à nos lecteurs :

« Jamais la parole du P. de Ravignan n'avait retenti avec plus de puissance, de conviction touchante, et, s'il est permis de le dire, de charme religieux. 1 semblait, en écoutant le prêtre, que l'on écoutât aussi l'ami et presque le père, tant il y avait d'onction, de douceur et d'affection pénétrante dans les expressions de sa charité évangélique.... Et lorsque appelant au banquet sacré cette fonle qui se pressait autour de lui avec une attention silencieuse et soutenue, il faisait sentir que les difficultés, les périls peut-être, du temps où nous vivons, réclament plus que jamais le secours de la foi et l'appui de la religion, on se trouvait comme plus affermi et plus convaincu que jamais de ces vérités divines et sublimes qui doivent animer les soldats chrétiens et les engager à porter aussi haut l'étendard de la croix que le drapeau de la patrie....

« Cet appel a été entendu. Nous avons vu dimanche les rangs serrés de cette armée de fidèles s'approcher avec un ordre édifiant de la table sainte, et rendre un éclatant hommage au grand mystère de notre croyance. Béni soit le saint guide qui a conduit cette phalange chrétienne, et puisse ce grand exemple donné, sous les auspices du Pontife qui l'a sanctionné et encouragé par son concours, porter ailleurs encore des fruits précieux et salutaires !

«En présence de ce triomphe de la foi opposé au désordre croissant de tant d'idées qui ne prépareraient que subversion et ruines, nous nous sentons plus confiants dans l'avenir de notre patrie, et nous aimons à ne pas désespérer de son salut politique. Il y a toujours de la ressource là où il existe une croyance, et celle qui se rattache à des vérités éternelles, et qui n'a pas succombé au milieu de nos commotions récentes, contient, n'en doutons pas, le germe d'une régénération, même sur cette terre d'épreuve. Le rév. P. de Ravignan nous a parlé au nom de la foi et de l'honneur, en les réunissant dans sa pensée et dans ses vœux. Puisse sa voix être partout entendue! Puisse-t-elle contribuer à calmer nos agitations, à faire taire les folles passions, à faire abjurer des divisions qui seraient si funestes, et à créer cet accord si désirable qui peut nous sauver encore! Puisse enfin, du haut du ciel, l'illustre prélat, victine de nos luttes sanglantes, et martyr héroïque de son admirable dévouement, ce prélat dont nous avons reçu tant de fois la bénédiction, à la suite des exercices d'une semblable retraite, veiller encore sur le troupeau dont il était le pasteur!...

Comte G. de CARAMAN, ancien ministre plénipotentiaire.

D

Nouvelles Religieuses.

DIOCESE DE PARIS.-M. l'abbé Hiron, promoteur diocésain, est nommé viceofficial de l'officialité métropolitaine.

M. l'abbé Bautain, vicaire-général, est chargé par Monseigneur des fonctions de promoteur.

M. Bautain conserve, comme par le passé, la haute direction de la maison de Juilly.

En rappelant que M. l'abbé de Conny avait cessé d'être vice-promoteur de fofficialité diocésaine, on aurait dû ajouter qu'il avait été nommé promoteur de l'officialité métropolitaine.

M. l'abbé Dumas, curé de Saint-Jean Saint-François, a été nommé chanoine, en remplacement de M. Bodé, décédé.

M. l'abbé Dansel, premier vicaire de la Madeleine, a été nommé curé de SaintJean-Saint-François, à la place de M. Dumas.

M. l'abbé Gallard a été nommé premier vicaire de la Madeleine, à la place de M. Dansel.

DIOCÈSE DE MARSEILLE. Un vol sacrilége a été commis il y a quelques jours dans l'église des Petites-Crottes, (banlieue de Marseille). N'ayant rencontré qu'un mince butin dans le modeste mobilier de l'église, qu'ils ont bouleversé, les voleurs se sont jetés sur le tabernacle comme sur une plus riche proie. Les misérables ont soustrait le ciboire en argent et renversé sur l'autel les saintes hos ties. Cette horrible profanation a donné lieu aux plus touchantes manifestations de foi religieuse dans la population de cette paroisse. Une cérémonie expiatoire ordonnée par l'autorité ecclésiastique, a été célébrée dimanche dernier; les hosties profanées ont été exposées tout le jour à la vénération des fidèles, et à l'heure des vêpres, sans s'être fait annoncer, montant aussitôt en chaire, le pieux Prélat s'est adressé à Dieu, au nom du peuple prosterné, et il a fait entendre d'une voix émue les plus ferventes supplications, les promesses du plus chaleureux dévouement pour la défense des saints mystères; des larmes abondantes coulaient de ses yeux, et plusieurs fois les sanglots ont étouffé sa voix. La vive émotion du pasteur s'est communiquée à tous les assistants, et c'est au milieu du plus profond recueillement que la cérémonie s'est terminée par une procession où Mgr l'Evêque a voulu porter lui-même le Saint-Sacrement.

Séance de l'Assemblée.

Il n'y a guère de plaisir plus vif et de satisfaction plus profonde pour l'esprit et pour le cœur que de voir les prodiges de l'éloquence humaine au service de la vérité, et que d'assister à l'un de ces grands triomphes que la tribune française ménage parfois aux princes des orateurs. Cette noble et incomparable émotion, nous venons de l'éprouver dans toute sa puissance, et nous écrivons encore sous le charme indéfinissable dont elle nous a pénétré. C'est M. Berryer qui a conquis cette nouvelle gloire, et c'est l'Eglise, c'est la liberté, c'est l'autorité de l'Eglise qui lui ont fourni les plus admirables inspirations. Voici dans quelles circonstances.

L'Assemblée avait continué sans beaucoup d'intérêt la discussion, je devrais presque dire la lecture du budget de l'instruction publique.

Elle avait réduit ça et là, et comme en se jouant, quelques fonctions inutiles, telles que celles de l'un des deux inspecteurs à 5,000 fr. chargés d'inspecter le seul collége qui existe en Algérie. Elle avait écouté une assez spirituelle sortie de M. Em. Barrault contre ce qu'il appelait la fantasia de l'état-major universitaire, et elle n'avait pas pu consentir à partager l'indignation de M. de Rancé, lequel ne veut pas qu'on le traite d'Algérien. Puis passant au budget des cultes, elle avait diminué de 3,000 fr. le traitement du directeur-général, lui en laissant 12,000 autres.

Tout à coup, et sans avertir personne, M. Jules Favre monte à la tribune, avec un dossier, avec des notes, avec des volumes. Quelle trame médite donc l'orateur Montagnard? Il n'a pas déposé d'amendement: il est préparé cependant. Quelle est cette perfidie nouvelle? En réalité le piége était habile, et M. Favre a épuisé, en le tendant sous les pas de l'Assemblée, les plus astucieuses ressources de son esprit si souple et si rusé.

Ce n'est plus l'homme du sarcasme à froid ou des emportements calculés M. Favre est doux, simple, presque bon enfant. Il n'en veut plus au parti clérical, il ne jette plus à l'Eglise l'injure et le dédain. Il a lu les Pères, et il les cite: il a étudié les Conciles, et il les loue il a médité les écrits de nos Evêques, et il les reproduit avec éloge, avec respect. Il encense les vertus du prêtre, il célèbre la grandeur et la beauté de la hiérarchic sainte. Quelle traître dessein a-t-il donc formé?

Le voici M. Favre veut simplement que par deux articles de loi annexés au budget, l'Assemblée établisse l'inamovibilité des succursalistes el reconstitue les officialités diocésaines. Certes, la question est grave: en droit canonique, elle a été vivement controversée : dans l'état présent de l'Eglise de France, elle se complique d'une foule de difficultés. Une seule vérité est hors de doute: c'est que c'est là au plus haut degré une affaire de discipline intérieure de l'Eglise, que le Souverain-Pontife et les Evêques ont seuls le droit de traiter et de résoudre, où l'Etat, le pouvoir civil, la puissance temporelle est radicalement incompétente, et qui tout au plus, s'il y avait à régler des sanctions extérieures, devrait faire la matière d'une négociation concordataire.

C'est ainsi que le comité des Cultes l'avait compris sous la Constituante. C'est ainsi que tout esprit sérieux et respectueux de la liberté de l'Eglise en jugera. Ce n'est pas de la sorte que l'envisage M. Jules Favre. Il lui faut, à lui, un plagiat de la Constitution civile du clergé. Il lui faut des curés décrétés inamovibles par une Assemblée politique; il lui faut des officialités instituées directement par la loi civile. Il lui faut, en un mot, l'Etat-Pape. Voilà ce qu'il enveloppe de toute la doucereuse flagornerie de sa parole: voilà l'appât qu'il espère jeter dans les rangs inférieurs du clergé, et avec lequel il rêve de séduire les faibles et d'entraîner les esprits impatients de la subordination.

L'Assemblée avait entrevu le danger: M. le ministre de l'instruction publique l'avait signalé en quelques mots, et M. Jules Favre, rappelé à la tribune par une apostrophe assez dure de M. de Parieu, avait laissé échapper le fond de sa pensée. Il y avait toutefois de l'hésitation, de la gêne, presque de l'incertitude. On sentait bien que la discussion ne pouvait se borner là, et qu'il fallait quelque réponse catégorique, victorieuse, aux captieuses habiletés de l'orateur Montagnard. M. Berryer l'a vu, et se livrant à toute la hardiesse et à toute la fécondité de son improvisation, il a parlé.

Jamais ce don si rare qu'on nomme l'inspiration, n'avait été plus visible et plus éclatant. « Voilà vingt ans que je n'ai rien entendu de pareil», s'écriait en sortant un des vétérans du Parlement : et en effet, on n'a guère souvenance d'un plus magnifique discours, aussi inattendu et sur des matières aussi ardues et aussi délicates.

Quelle plume ne faudrait-il pas pour décrire ce langage si majestueux et si élevé, ces mouvements si passionnés et si irrésistibles, ces répliques si heureuses aux plus indignes interruptions, cette domination constante qui s'empare de l'auditoire le plus rebelle, le tourne, le convainc, le ravit et l'entraîne! On sait l'ampleur de ce magnifique organe, ces gestes si fiers, cette contenance si noble, cette accentuation si saisissante; ce dont on ne peut se rendre compte, c'est la limpidité de l'argumentation, la force des preuves, la beauté des tableaux. Il est impossible de reproduire ces définitions admirables de l'Eglise et du Prêtre, qui ont enlevé les plus frénétiques applaudissements de toute la majorité. Comment peindre ces élans en faveur de la liberté de l'Eglise, cette évocation vivante des affreux souvenirs du schisme de 1791, cette réfutation si vive, si pressante, des usurpations odieuses et blasphématoires que sans cesse le socialisme ose commettre, en travestissant les écrits et les préceptes de l'Evangile?

C'est dans le Moniteur, dont nous reproduirons demain le texte tout entier, que nos amis devront lire cette belle harangue; mais ce qu'il n'y pourront pas retrouver, c'est le ton, c'est l'action, c'est cet accent qui part du cœur et qui va au cœur. «Pectus est quod disertos | facit. » Ce qu'ils ne verront pas, c'est l'impression profonde produite sur l'Assemblée, ce sont les acclamations de la majorité, l'abasourdissement de la Montagne, qui tout abattue et toute honteuse, ne se vengeait de sa défaite que par quelques interruptions de vandale et de barbare; c'est enfin l'agitation extraordinaire et l'enthousiasme inouï qui ont accueilli l'orateur, à la descente de la tribune.

Pour nous, ce dont nous bénissons Dieu du fond de nos entrailles, c'est que non-seulement M. Berryer a parlé comme le premier des orateurs politiques, mais qu'il a parlé comme le chrétien le plus sincère et le plus convaincu. La foi centuplait son éloquence!

Il est inutile d'ajouter que l'amendement de M. Jules Favre a été rejeté. 433 voix contre 142, l'ont condamné.

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