Page images
PDF
EPUB

Ce matin a eu lieu, en l'église métropolitaine, le sacre de Mgr de Dreux-Brézé, Evêque-élu de Moulins. S. Exc. Mgr Fornari, qui devait être le prélat consécrateur, n'a pas pu se rendre à la cérémonie, à cause de l'état de sa santé. C'est S. G. Mgr l'Archevêque de Paris qui a bien voulu le remplacer. Mgr Sibour était assisté de Mgr l'Archevêque de Reims et de Mgr l'Archevêque de Rouen. A gauche de l'autel principal, avaient pris place plusieurs prélats, parmi lesquels nous avons remarqué Mgr l'Evêque de Chartres, Mgr l'Evêque de Soissons, Mgr l'Evêque d'Orléans, Mgr l'Evêque de Bruges en Belgique, trois abbés de la Trappe, Mgr Lasagni, auditeur de la nonciature apostolique. Le chapitre de la métropole et une députation du chapitre de Moulins étaient placés en face de l'autel : le R. P. Lacordaire, le R. P. de Ravignan, plusieurs de MM. les curés de Paris et un grand nombre d'ecclésiastiques étaient présents. La famille de Mgr de Dreux-Brézé occupait une tribune dressée à gauche, à l'entrée du transept septentrional, du côté de l'autel du prélat consacré. Deux grandes tribunes avaient été élevées dans chacun des transepts, et elles étaient remplies par tout ce que l'élite de la société compte de plus illustre et de plus distingue. Les travées du chœur et de la nef étaient également occupées, et dans l'immense vaisseau de la métropole se pressait une foule compacte d'hommes de tout rang, parmi lesquels l'œil se reposait avec joie sur ces nombreux ouvriers dont Mgr de Dreux-Brézé a été le consolateur et l'apôtre durant tant d'années et qui lui gardent une si profonde et si tendre reconnaissance.

Nous n'avons pas à décrire les rites magnifiques du pontifical romain rien n'est plus auguste et plus émouvant à la fois. Il semblait que ces admirables cérémonies prissent encore aujourd'hui un caractère plus solennel, tant l'assistance était nombreuse et recueillie, tant la pompe de l'église se déployait avec éclat au milieu de la grande basilique. C'est avec un vrai sentiment de joie artistique et chrétienne que nous avons vu les ornements pontificaux du nouvel Evêque reproduire avec une fidélité presqu'entière les belles formes du treizième siècle. Ce n'est pas encore tout à fait la rigueur archéologique, mais c'est un heureux retour, et, s'il nous est permis de le dire, c'est une intelligente transaction dont tous les amis des arts et de l'antiquité sauront gré à Mgr de Dreux-Brézé.

Mgr l'Evêque de Gap publie une lettre pastorale sur des conférences ecclésiastiques. Le prélat félicite les prêtres du diocèse du zèle qu'ils ont apporté à ces réunions laborieuses et des progrès qu'il a remarqué dans les résultats des travaux communs. Il recommande ensuite des efforts soutenus; car, dit-il :

Jamais l'homme ennemi répandit-il, avec plus de profusion, dans le champ du Père de famille, la mauvaise semence du mensonge et de l'erreur! Jamais, à

aucune époque, vit-on tant de livres pernicieux enfantés par l'incrédulité et le libertinage, tant de systèmes monstrueux inventés pour détruire la sainte Religion du ciel et lui substituer les maximes d'une doctrine insensée, et les folles spéculations d'une philosophie antichrétienne et antisociale! Jamais nos villes et nos campagnes furent-elles inondées de productions littéraires plus désorganisatrices, d'excitations plus violentes aux passions les plus coupables! Jamais les théories les plus ridicules et les plus absurdes furent-elles accueillies avec autant de licence! Jamais surtout l'Evangile fut-it travesti avec autant d'impudeur, parodié, prostitué avec autant d'audace et de dévergondage par de perfides novateurs, pour accréditer, auprès d'une multitude abusée, des projets subversifs de la famille et de la société!...

↑ ..... Mais si le prêtre garde religieusement le feu sacré de la science; si, au nom de la plus grande gloire de Dieu, pour l'honneur de notre sainte mère l'Eglise et du ministre sacerdotal, il porte haut et ferme le flambeau divin : s'il étend, sans se lasser jamais, la sphère de ses connaissances; s'il parcourt avec courage le cercle si vaste des études et des choses religieuses; alors il sera ce qu'il doit être le solide et inexpugnable rempart derrière lequel l'Eglise bravero les vaines attaques des passions et de l'erreur.

Le sénat piémontais, dans sa séance du 8 avril, a adopté le premier des projets de loi Siccardi, à la majorité de 51 voix contre 29. Le lendemain, le roi a donné sa sanction, et la loi a été promulguée. Nous en publions ici le texte, ainsi que les détails rapportés dans les journaux piémontais sur l'effet immédiat de ce vote dans les rues de Turin. Quelques soldats peuvent réprimer la vivacité trop grande avec laquelle des gamins (monelli) témoignent au ministre l'approbation qu'ils donnent à ses actes; mais qui saura réprimer un jour les agitations d'un peuple que travaillent les émissaires da socialisme, et à qui ses gouvernants apprennent à ne compter pour rien la plus haute des autorités?

On lit dans la feuille officielle :

< Victor Emmanuel II, etc.

Le sénat et la chambre des députés ont adopté : Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

« Art. 1er. Les causes civiles entre ecclésiastiques et laïcs ou entre ecclésiastiques seuls ressortent de la juridiction civile, tant pour les actions personnelles que royales ou mixtes, de quelque nature qu'elles soient.

« Art. 2. Toutes les causes concernant le droit de nomination active et passive aux bénéfices ecclésiastiques, ou les biens appartenant à ces derniers ou à quelque autre établissement ecclésiastique, soit qu'elles se rattachent au possessoire ou au pétitoire, sont soumises à la juridiction civile.

Art. 3. Les ecclésiastiques sont, comme les autres citoyens, soumis à toutes les lois pénales de l'Etat. Les actes passibles de ces lois seront jugés, selon les formes établies dans les lois de procédure, par les tribunaux laïcs, sans distinction entre les crimes, les délits et les contraventions.

Art. 4. Les peines établies par les lois de l'Etat ne pourront être appliquées que par les tribunaux civils, en réservant toutefois à l'autorité ecclésiastique l'exercice de ses attributions spirituelles pour l'application des peines spirituelles, aux termes des lois ecclésiastiques.

Art. 5. Les règles générales de compétence établies par les lois en vigueur seront désormais observées pour les causes mentionnées dans les quatre articles précédents, comme toutes celles qui, en raison des personnes ou de matière ecclésiastique, étaient portées de prime abord à la connaissance des magistrats d'appel. Toutefois, les magistrats d'appel retiendront la connaissance des causes dont ils seraient déjà saisis au moment de la promulgation de la présente loi.

‹ Art. 6. Toute personne à l'arrestation de laquelle il devra être procédé sera immédiatement appréhendée, quand même elle se réfugierait dans les églises ou tous autres lieux jusqu'à présent considérés comme asiles, et l'individu arrêté sera remis à l'autorité judiciaire pour l'instruction prompte et régulière du procès suivant les règles établies par le Code de procédure criminelle. On observera néanmoins dans l'arrestation les égards dus à la localité et les précautions nécessaires, afin que l'exercice du culte n'en soit point troublé, et il en sera, en outre, donné immédiatement connaissance au curé ou au recteur de l'église dans laquelle l'arrestation aura été opérée. Les mêmes dispositions s'appliqueront aussi au cas de perquisition et de séquestre à opérer dans les mêmes lieux. Art. 7. Le gouvernement du roi est chargé de présenter au Parlement un projet de loi tendant à régler le contrat de mariage dans ses relations avec la loi civile, la capacité des contractants, la forme et les effets dudit conirat.

--

Noire garde des sceaux, ministre secrétaire d'Etat pour les affaires ecclé siastiques de grâce et justice, est chargé de l'exécution de la présente loi, qui sera enregistrée au contrôle général, publiée et insérée à la collection des actes du gouvernement.

• Turin, 9 avril 1850.

VICTOR EMMANUEL.

« GALVAGNO.—NIGRA.—SICCARDI. ›

- On lit dans la même feuille :

[ocr errors]

Hier, 8 avril, vers le soir, sous prétexte du vote du sénat, quelques groupes se sont formés d'abord aux cris de: Vive la loi Siccardi! qui furent bientôt suivis de cenx: A bas les prêtres! et d'autres encore, contraires au respect dû aux lois. La promptitude avec laquelle s'était terminée la discussion au sénat n'avait pas laissé le temps de rassembler la garde nationale; le fait ne paraissant pas d'ailleurs, dans le principe, assez grave pour faire battre la générale, on fit circuler quelques patrouilles de garde nationale, fournies par les corps-de-garde et les piquets de service de la ligne et de la cavalerie. Les rassemblements continuant, on dut reconrir aux sommations, qui furent elles-mêmes impuissantes; on dut alors procéder à des arrestations et faire dissoudre les groupes par la cavalerie. Personne n'a été blessé, si ce n'est un agent de l'autorité, pendant qu'il conduisait en prison un individu arrêté. On compte quarante personnes arrêtées : celles contre lesquelles il existait des indices suffisants, ont été consignées à la prison du fisc. On espère que la population de Turin, si ennemie des troubles, persistera avec énergie dans son amour de l'ordre, et que les lois qui doivent assurer les progrès du pays ne donneront plus lieu à de semblables démonstra

tions. »

On lit dans le Risorgimento de Turin, du 9 avril :

« Ce soir une bande de filous (monelli) s'est réunie dans les environs du palais archiepiscopal, et en sifilant, criant et vociférant, elle faisait ce qu'on appelle une démonstration. Des piquets de cavalerie et d'infanterie de ligne, et quelques détachements de gardes nationaux ont parcouru les rues et stationné successivement vis-à-vis la porte du palais. Le véritable public de Turin, par son attitude

calme et respectueuse dans le sénat, a prouvé sa sagesse : nous espérons que les démonstrations coupables d'hier au soir ne se renouvelleront pas. »

Le gouvernement a reçu la dépêche télégraphique suivante du ministre de France à Naples:

<< Naples, 9 avril. « Le Pape est entré le 6 au soir à Terracine, où il a reçu un accueil de très-bon augure, et d'où il est reparti hier de grand matin pour Frosinone. >>

INDES.

Nouvelles Religieuses.

PONDICHERY.-M. Bourmaud, missionnaire, écrit à M. ***, de Nantes, sa patrie, une lettre où nous remarquons le passage suivant:

«Nos séminaristes contribueront plus tard, je l'espère, à rendre nos fêtes religieuses plus imposantes. Ils sont au nombre de trente, tous remplis de zèle et de bonne volonté. C'est là notre cher troupeau et le fondement de nos espérances dans ce pauvre pays, où un clergé indigène est le seul moyen d'asseoir solidement la religion. Nous espérons qu'un jour ils paieront largement le temps que trois missionnaires consacrent à leur éducation.

Trente ou quarante jeunes Indiens, compris sous le nom d'externes, viennent tous les jours recevoir la même instruction que nos enfants destinés au sacerdoce; c'est ce que nous appelons le lycée Malabar. Vous ne sauriez croire combien ces jeunes gens sont heureux de savoir quelque chose. Sans être des savants et des philosophes, ils apprennent avec une graude facilité différentes langues, et font des vers français et latins avec passion. Les païens voient avec envie l'éducation des enfants chrétiens, les leurs étant presque entièrement privés de ce bienfait. Plusieurs mêmes, tout païens qu'ils sont, enverraient volontiers leurs enfants étudier avec les nôtres, si les signes de gentilité qu'ils portent sur le front ou ailleurs n'étaient un motif trop puissant pour que nous les reçussions. Nous avons de plus dans la partie de la cité qu'on nomme Ville-Blanche, la direction d'un pensionnat pompeusement appelé lycée colonial. C'est là que cinq ou six de nos confrères venus dans le but de porter l'Evangile aux pauvres, ont été mis comme professeurs, ils en ont été vivement contrariés, mais ils ont accepté cette position inattendue avec une admirable résignation à la volonté de Dieu. C'est là le moyen de devenir des saints; aussi, suis-je décidé à suivre leur exemple: si mes soupçons deviennent des certitudes et que je sois destiné à subir le même sort, je dirai comme eux « Fiat voluntas tua. » Les raisons qui engagent Mgr à continuer cette œuvre sont sans doute bien puissantes, pour qu'il impose à ses missionnaires un si grand sacrifice.»

La discussion sur l'enseignement moyen a commencé depuis quelques jours, à la Chambre des représentants belges; elle se poursuit avec beaucoup d'animation et d'éclat.

Nous regrettons que l'espace nous manque pour donner chaque jour le résumé de ces luttes parlementaires, qui ont tant d'affinite avec nos propres préoccupations et qui touchent si intimement aux intérêts principaux de la religion et de la liberté en France, dans toute l'Europe.

[ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors]

Toutefois nous croirions manquer à un devoir, si nous ne suivions exactement, d'après les journaux de Bruxelles, la délibération actuelle pour en mettre ensuite le compte-rendu sommaire, mais fidèle sous les yeux de nos lecteurs. Les traits caractéristiques ne manquent pas dans la suite de ces curieuses séances. D'importants discours y ont été prononcés, et par des catholiques depuis longtemps éprouvés, comme MM. Dumortier, de Haërne, etc., et aussi par de nouveaux et brillants champions de notre cause, comme M. de Liedekerke. Disons encore avec consolation et avec joie la part honorable qu'y ont prise quelques-uns des hommes les plus éminents de l'ancien libéralisme.

Ceux là aussi, trop peu nombreux par malheur, n'ont pas été aveuglés, mais éclairés par nos propres tempêtes, et moins que jamais ils voudraient en ce moment renier les traditions d'union, de concorde sur lesquelles repose depuis 1830 la nationalité belge.

C'est notamment l'opinion si fortement motivée de l'honorable M. Osy, représentant d'Anvers, auquel s'appliquent les réflexions que nous consignons ici. Nous sommes heureux de cette courageuse et ferme manifestation d'un des hommes les plus éminents de l'ancien libéralisme. Elle vient bien surtout au moment où le ministère et le personnage le plus considérable du cabinet, M. Rogier, se jettent follement dans la politique la plus dangereuse, la plus provocatrice, la plus haineuse contre l'Eglise, la plus funeste pour la Belgique. Puissent de tels avertissements être compris par le pouvoir imprudent auquel ils sont donnés !

Chronique et Faits divers.

Quelques journaux ont, à plusieurs reprises, entretenu le public des mouvements de troupes autrichiennes destinées à former, avec les troupes françaises et espagnoles, la garnison de Rome. Il y a lieu de s'étonner que des journaux sérieux reproduisent aujourd'hui de semblables assertions sur la foi de correspondances venues des bords de l'Adriatique.

Tous ces bruits sont complétement dénués de fondement.

(Communiqué.)

Il circule, au sujet de la candidature de M. Dupont (de l'Eure), improvisée par la Voix du Peuple, une version assez excentrique dont l'un des correspondants parisiens de l'Indépendance belge se faisait ainsi l'écho, sans se porter, du reste, garant de son exactitude :

La Voix du Peuple, en proposant M. Dupont (de l'Eure), n'avait voulu faire, comme on dit en langage de guerre, qu'une fausse marche. C'était une feinte; car il paraît douteux que le conclave choisisse cette ruine vénérable. Mais elle s'attendait à ce que M. Emile de Girardin, cédant à la violence de son caractère, trahirait l'amertume de ses sentiments en des termes qui rendraient sa candidature impossible. La Voix du Peuple, si ce calcul compliqué a pu entrer en son esprit, aurait vu ses prévisions se confirmer. Le fait est qu'en se débattant contre cette agacerie diabolique, M. de Girardin s'est aliéné tout le personnel des clubs; ce qui s'est dépensé hier au soir de vociférations et de blasphèmes contre sa personne est inracontable. >

« PreviousContinue »