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dix à vingt-cinq ou trente ans. Il y en a même quelques-uns de plus àgés, mais qu'on aime toujours à regarder comme des jeunes gens, parce qu'avec cette vertu, qui est comme l'éternelle jeunesse de l'âme, ils conservent, dans un âge avancé, toute l'humilité, la simplicité et la candeur du jeune âge; vertus qui sont surtout l'esprit de cette œuvre, tel que M. Allemant le lui a donné.

Les membres de l'œuvre appartiennent généralement aux classes moyenne et supérieure de la société. Ils sont bien élevés, convenablement vêtus, tels enfin que, malgré les différences de fortune, leurs conditions ou du moins leur éducation s'assortissent suffisamment pour qu'ils puissent sympathiser familièrement ensemble. Ainsi, l'on y voit des enfants de négociants, d'avocats, d'employés d'administration, de commis et de bons artisans. Le plus grand nombre sont encore aux études ou travaillent dans le commerce. Ceux des classes plus inférieures n'y seraient admis, qu'autant que l'infériorité de leur condition se trouverait relevée par les avantages d'une bonne éducation.

Cette distinction entre les classes, dans une œuvre de la nature de celle dont nous parlons, ne saurait assurément être blâmée par les hommes réfléchis: elle y était, et elle y sera toujours inévitable. On a beau être égalitaire en théorie et prétendre niveler la société ; la nature et les conditions providentielles de la société conservent nécessairement leurs droits; l'on ne fera jamais que des enfants de condition, de tenue, d'éducation, de langage, tout à fait disparates, puissent s'assembler dans une même maison, pour jouer ensemble et s'unir par les liens intimes de l'amitié. Amicitia inter pares. II fallait de toute nécessité faire choix d'une classe. M. Allemant s'adressa de préférence à la classe moyenne, comme à celle qui est la plus nombreuse, qui exerce dans l'état présent de la société le plus d'influence, et qui a l'avantage en outre d'être la moins exclusive, parce que sa position intermédiaire lui permet de s'ouvrir en quelque sorte par ses deux extrémités, pour recevoir tout ce qui d'en haut ou d'en bas s'approche d'elle. Au reste, des œuvres semblables à celle que nous décrivons pourraient également, et avec la plus grande utilité, s'établir en faveur des enfants des classes pauvres. Cela semblerait même tout à fait nécessaire en notre temps, pour soustraire au moins une partie de la jeunesse ouvrière à la corruption, à l'impiété et à l'esprit d'indépendance qui envahissent de plus en plus cette portion de la société. Nous savons que M. Allemant le désirait vivement, et qu'il favorisa un essai de ce genre. Nous pouvons même apprendre à nos lecteurs qu'il a été fondé, depuis peu d'années à Marseille même, une œuvre de cette dernière espèce, sur un plan analogue à celui de la grande Euvre de la Jeunesse. Cette nouvelle deceuvre nous a paru en voie de prospérité, et nous pourrons la faire connaître plus tard.

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Tels sont donc le local et le personnel de l'Œuvre de la Jeunesse.

Quant aux exercices qui s'y font, les jeux, la prière et la parole de Dieu en composent, comme nous l'avons dit, tout le fond : les uns servent d'innocent attrait pour attirer; les autres sont l'élément sanctifiant. Chaque soir, après les études et les travaux de la journée, les enfants et les jeunes gens qui font partie de cette pieuse association sont invités à se rendre dans le local décrit ci-dessus. Là ils jouent, ils causent, ils se promènent, ils voient leurs amis; ils vont prier, si leur dévotion les y porte, devant le très-Saint-Sacrement. Ceux qui désirent voir le directeur, le trouvent toujours disposé à les écouter. Chacun enfin passe sa soirée de son mieux et comme il l'entend. Puis, à une certaine heure plus ou moins avancée selon la saison, tous les jeux et toutes les causeries cessent à la fois, au son obéi d'une cloche. L'on se rend dans la chapelle pour y réciter en commun le chapelet, et pour y écouter une courte, mais solide lecture de piété qu'accompagne une glose familière d'un demi quartd'heure. Après cela, tous se retirent par petites compagnies librement formées. Ceux du même quartier s'en vont naturellement ensemble; et les plus pieux d'entre les grands se font un plaisir et un devoir de charité d'accompagner les plus jeunes jusqu'à leurs maisons. Voilà les exercices de tous les soirs dans l'OEuvre de la Jeunesse. C'est ce qui s'y fait, pour employer l'expression dont aimait à se servir le bon et vénérable fondateur, « depuis le premier jour « de l'an jusqu'au jour de Saint-Sylvestre » (31 décembre).

Un jour de chaque semaine, la lecture et la glose sont remplacées par une instruction catéchistique.

Le dimanche, au matin, on psalmodie les matines et les Laudes de la Sainte-Vierge. Puis vient une courte méditation, qui est suivie de la messe et de l'annonce des fêtes. Dans l'après-midi, l'on chante les vêpres de la Sainte-Vierge. Le directeur fait un sermon instructif et familier, accompagné ordinairement d'avis (1). Enfin il y a encore un petit exercice le soir. On tâche que le tout soit court. « Peu et bon, » c'était la maxime de M. Allemant, qui était d'avis qu'il fallait par-dessus tout éviter de trop fatiguer la jeunesse. Les longs intervalles entre ces exercices religieux sont remplis par les jeux, la promenade, la conversation. Ceux qui aiment l'étude peuvent lire et travailler dans la bibliothèque. Tous prennent leurs repas chez eux.

Une des choses qui frappent le plus quand on visite l'OEuvre de la Jeunesse, et qu'on y assiste aux exercices religieux, c'est le silence, le recueillement et le respect de cette nombreuse et si ardente jeunesse dans le lieu saint. M. Allemant tenait extraordinairement à ce point qu'il regardait comme un des plus capitaux pour former l'esprit religieux dans les jeunes gens. Aussi aimait-il à répéter souvent la pa

(1) M. Allemant disait qu'il aimait mieux quelquefois donner un avis que faire un sermon. Les prêtres qui ont le véritable esprit pastoral, et les catéchistes, comprendron cette langue.

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role du Seigneur à son peuple: Pavete ad sanctuarium meum; et je ne saurais exprimer ce qu'il y avait de pénétré dans le ton de sa voix et dans les trails de son visage, quand il prononçait cette maxime de nos saints livres. C'eût été peu à ses yeux de ne point causer dans la chapelle; il nous recommandait de n'y pas tourner la

tête.

« Je ne veux pas, nous disait-il, que vous vous accoutumiez à • être compères et compagnons avec le Bon Dieu. » Il voulait qu'on assistât à la messe entière à « deux genoux, » et que pendant la célébration des saints Mystères « on entendit voler une mouche. » Il allait même jusqu'à défendre qu'on se mouchât pendant ce temps; et, chose étonnante, il était obéi. Je l'ai vu plusieurs fois se lever de sa place pour aller avertir des enfans qui n'avaient pas bien fait la génuflexion en passant devant le saint Tabernacle. Le vénérable prêtre la fesait alors lui-même devant eux, pour mettre l'exemple à côté de la leçon. Par des soins si appliqués et qui ne paraîtront pas minutieux aux esprits sages, il était parvenu à former des jeunes gens tellement religieux, qu'on les a plusieurs fois reconnus dans les églises pour des disciples du saint prêtre, à leur seule manière de faire la génuflexion et d'assister au divin sacrifice.

On n'est pas moins frappé dans l'OEuvre de la Jeunesse, de la vie et de l'animation qui règnent dans le chant des offices. Pour le rendre facile et accessible à tous, M. Allemant voulait qu'on prît toujours un ton en rapport avec la généralité des voix. Il n'admettait que le pur plain-chant. Quant aux chants plus recherchés, le sage directeur les prohibait absolument. Il aurait craint le péril de la cacophonie. Mais ce que sa religion eût redouté bien plus encore en ces licences musicales, c'est que les jeunes gens ne convertissent en amusement et en fantaisie la grave et sainte action de chanter les louanges du Seigneur. Je ne puis exprimer, qu'on veuille bien me permettre cette observation, combien je fus tristement surpris et douloureusement affecté, lorsque, après avoir reçu pendant tant d'années de ma jeunesse la douce et édifiante impression de ces offices chantés avec tant d'unanimité et d'ardeur par un si grand nombre de pieuses voix, je dus plus tard, dans certaines églises du Nord, subir la tyrannie de ces tristes basses-tailles qui condamnent le peuple au silence, et monopolisent le chant sacré au profit de cinq ou six chantres gagés, sans qu'il soit presque possible aux fidèles d'élever la voix. Ce n'est pas à moi qu'il appartient de signaler l'évidente nécessité d'une réforme sur ce point important. Mais tout le monde sait que nos vénérables Évêques s'en préoccupent, et c'est ce qui m'enhardit à glisser, en passant, cette réflexion.

Après l'édification des exercices religieux, ce qu'il y a sans contre4 dit de plus intéressant dans l'aspect de l'OEuvre de la Jeunesse de Marseille, c'est de contempler du haut d'un balcon, le dimanche au soir, après les vêpres, cette belle et vive jeunesse se livrant avec la

charmante impétuosité du jeune âge et toutefois sans désordre, a jeux les plus variés. Les habits ont été suspendus dans les armoir d'un grand vestiaire: on y a substitué des vestes courtes et légèr de toile grise. Le chapeau de paille aux larges bords remplace feutre ou la soie. Un mouchoir noué autour des reins affermit corps. En cet accoutrement, les uns lancent la balle, les autr jouent aux boules, d'autres courent et sautent, plusieurs se livre aux exercices fortifiants du gymnase, enfourchent le cheval de bo montent aux échelles avec les mains, fendent l'air sur la balançoir le tout avec un tel entourage de précautions, que les acciden graves sont chose inouïe. Les plus sérieux se promènent ou cause assis sur des bancs. En même temps, des tables sont dressées da les salons. Autour sont de paisibles joueurs qui, penchés sur un d mier, un échiquier, un tric-trac, ou lancés dans une partie de do mino, de piquet ou de boston, agitent et décident pacifiquement grave question du gain ou de la perte de quelques sous, de quelqu biscuits ou de quelques verres d'innocents liquides. Sur le soir, salle des rafraîchissements se remplit. L'on mange des galettes; l' boit de la bière ou des sirops: jamais du vin ni des liqueurs: absi Ces rafraîchissements, du reste, se prennent debout et comme passant. S'asseoir eût senti le café ou le cabaret: M. Allemant avait horreur. Je n'ai pas dit, ce qui mérite pourtant d'être me tionné, qu'un grand nombre de ces pieux jeunes gens avaient inte rompu généreusement leur soirée pour aller s'entretenir quelqu temps et cœur à cœur avec le bon Maître au pied des saints tabe nacles.

Je termine cet article déjà long, par une simple réflexion. El se présente d'elle-même à l'esprit de tout homme réfléchi qui visi l'OEuvre de la Jeunesse et qui y voit ce que je viens de dire qu deviendrait cette jeunesse si elle n'était pas là? Heureux jeunes ge d'avoir trouvé, sous l'aile protectrice de la religion, le moyen de s tisfaire si innocemment ce besoin de plaisir, qui est un des instinc les plus invincibles de cet âge. Mais mille fois béni le saint prêti qui a su si habilement profiter de cette inclination de la jeuness pour l'attirer doucement vers lui et pour l'attacher par des liens aimables à la religion et au devoir !

PAR UN PRÊTRE DU DIOCÈSE DE MARSEILLE.

(La suite à un prochain numéro.)

BOURSE DU 12 AVRIL.

Le 3 p. 100, 54 85 à 54 90.

Le 5 p. 100, 88 60 à 88 65. Actions de Banque, 2,150 00.- Obligations de la Ville, 1,270 00.- Nouvelles Oblig tions, 1,132 50. —5 p. 100 belge, 98 718. — Emprunt romain, 79 314.

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L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.j

DIMANCHE 14 AVRIL 1850.

L'AMI DE LA RELIGION.

(N° 5017.)

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Eclaircissements

Sur la nature et la portée de l'acte par lequel NN. SS. les Evêques désigneront les quatre prélats appelés à faire partie du conseil supérieur de l'enseignement.

Il résulte de plusieurs articles du Moniteur catholique, que les Evêques appelés au conseil supérieur de l'enseignement y seraient, dans l'opinion de ce journal, les représentants et les mandataires de l'Episcopat tout entier, et qu'ils engageraient par leurs actes la responsabilité de leurs collègues. Comme ce système pourrait mettre beaucoup de confusion dans les idées, en une question qui est de la plus haute importance pour l'Eglise, il nous a paru nécessaire et urgent de faire voir qu'il est insoutenable; et que le fait des Evêques nommant quatre de leurs collègues pour le conseil supérieur, ne constituera qu'une simple désignation, et n'impliquera nullement une délégation de pouvoirs et un mandat proprement dit. Citons d'abord les textes du Moniteur catholique.

Dans son numéro du 1er février, ce journal disait : « Quatre-vingts Evêques ont-ils bien certainement le droit de déléguer à quatre d'entre eux des pouvoirs et une sorte de juridiction spirituelle? Il y a plus, il n'en est pas des choses de la conscience et de la foi, comme des affaires politiques et purement humaines : où le mandataire a de la marge, il peut se prêter à bien des combinaisons; là, au contraire, tout est précis, formel, obligatoire; et si le manadataire paraît s'écarter le moins du monde de son mandat, le mandant est obligé de le désavouer.... Non, on ne peut admettre une a sorte de concile permanent de quatre Evêques qui représentent une grande Eglise, et parlent pour elle, et en son nom. L'Eglise ne consentirait sans doute pas à se faire une semblable position s'il a s'agissait de ses propres affaires, et si les Evêques délégués devaient délibérer seuls, et en-dehors de toute délibération séculière; à plus forte raison semble-t-elle devoir repousser un mode perpétuel de a représentation, où ses mandataires sans puissance l'engageraient souvent contre ses intérêts, et même contre ses devoirs. >>

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Mgr l'Evêque de Langres a repoussé, dans sa publication sur la loi de l'enseignement, le système d'une délégation. « En nommant, ditil, au conseil supérieur quatre de leurs collègues, les Evêques de «France donnent leur confiance et non leurs pouvoirs. Ils ne sont donc pas liés ni engagés par les décisions, en fait de doctrines, prononcées par leurs collègues préposés à l'enseignement public. » L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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