Page images
PDF
EPUB

l'espérance avait reconquis toutes ces fidèles intelligences et leur inspirait une force, une résignation, une vaillance nouvelle.

Aussi, nous pouvons le dire hardiment, dans cette matinée de Pâques, tout respirait un air de renaissance, un parfum de résurrection et de fête. Les suaves et fraîches harmonies d'une magnifique aurore s'étaient répandues sur l'auguste basilique. Le soleil levant inondait de ses feux les grandes, verrières du choeur, et, parcourant l'une après l'autre les trois croisées du chevet, reproduisait l'image de Celui que l'Ecriture nomme oriens ex alto et qu'elle représente comme le géant qui se lève radieux de sa couche nuptiale. Il n'y avait pas jusqu'aux travaux interrompus qui ne fussent une nouvelle preuve du mouvement de rénovation dont ce siècle est témoin.

Dès avant sept heures, la nef se remplissait. A sept heures et demie, la foule avait occupé les innombrables rangs échelonnés depuis le choeur jusque sous le porche, et refluait dans les bas-côtés. L'ordre le plus admirable, le recueillement le plus profond dominait ces milliers de chrétiens dont la foi faisait autant d'enfants dociles, obéissant à la simple invitation des jeunes lévites qui parcouraient leurs longues files. Or, dans cette multitude apparaissaient confondus les personnages les plus éminents et les plus humbles de notre grande société moderne: des membres de l'Assemblée nationale et de simples ouvriers, des officiers généraux et des soldats, des magistrats, des savants, des membres de l'Institut, des élèves de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole normale, des avocats, des médecins, des fonctionnaires. Unis dans la sainte égalité de la foi, tous ces hommes dont les uns mènent cette vie obscure et ignorée qui est vue de Dieu seul, dont les autres ont blanchi sons le fardeau des honneurs et de la puissance, sont chargés des destinées de l'Etat ou remplissent les plus nobles missions de la vie civile, tous n'avaient qu'une seule pensée : se nourrir de la chair et du sang du Sauveur, accomplir à la face du monde le divin commandement : « In memoriam mei facietis. »

Mgr l'Archevêque de Paris a voulu s'unir d'une façon tout intime et toute paternelle à la pâque solennelle de l'élite de son troupeau. Par une pieuse inspiration, il s'est fait en quelque sorte le médiateur de la prière entre l'immense auditoire et le Dieu créateur. Recueillant, si l'on peut ainsi parler, les sentiments et les méditations de l'assemblée fidèle, il leur a donné, du haut de la chaire, une touchante expression. Pendant que le saint prédicateur de la retraite accomplissait à l'autel le divin sacrifice, le Pontife entremêlait les chants sacrés des pieux élans de sa parole: et sa voix, reproduisant les émotions du chrétien qui va recevoir son Dieu, multipliait les exhortations, les encouragements, les adorations au nom de son peuple.

La communion a duré plus d'une heure et demie: elle était distri

buée à droite et à gauche du choeur par le R. P. de Ravignan et par un de MM. les archidiacres. A la fin de la cérémonie, Mgr l'Archevêque a repris la parole, et dans un admirable entraînement de zèle, il a conjuré ces chrétiens qui pouvaient dire avec l'Apôtre : « Ce n'est pas moi qui vis; c'est Jésus-Christ qui vit en moi, » de répandre avec un courage infatigable la vie de Jésus-Christ au milieu de cette société si malade et si épuisée, à laquelle avant tout et pardessus tout manquent les croyances et la foi. « Descendez, mes bien-aimés frères, s'est écrié le vénéré Pasteur, descendez dans ce peuple qu'on égare; multipliez les œuvres de votre charité, montrez à tous les merveilles de votre dévouement. Notre Seigneur Jésus-Christ a sauvé le monde par l'amour et par le sacrifice : sauvez la patrie et la société par votre amour et par votre esprit de sacrifice et d'abnégation! »

La cérémonie s'est terminée par le chant du Te Deum et par la bénédiction pontificale. Rien ne peut rendre les émotions de joie et de piété qui agitaient les âmes. Quelle profonde et glorieuse consolation devant Dieu pour le saint prêtre dont les enseignements ont amené cette innombrable assistance au pied de la table sainte, et pour l'auguste Pontife qui l'a couverte de ses paternelles bénédictions!

En sortant de la basilique, nous nous rappelions combien de fois les sophistes et les penseurs de ce temps ont sonné les funérailles du catholicisme, et nous nous répétions avec une joie ineffable ce mot de l'Evangile qui sera éternellement reproduit d'année en année: «Surrexit!» L'Eglise, comme son divin fondateur, peut avoir à subir les tortures et les ignominies du Calvaire: les sages peuvent venir mettre leur sceau sur la pierre sépulcrale; le cri d'allégresse et d'immortalité vient toujours retentir à leurs oreilles étonnées « Surrexit! Christus resurgens jam non moritur!»

H. DE R.

Plusieurs de nos abonnés nous ayant écrit pour nous demander de les tenir au courant du tirage de la Loterie nationale, nous ferons connaître les numéros auxquels seront échus les principaux lots. On comprend que nous ne pouvons pas charger nos pages, si restreintes, des innombrables chiffres de la liste complète.

Le gros lot d'argenterie a été gagné par le n° 71,922.

BOURSE DU 1er AVRIL.

Le 5 p. 100, 90 15 à 90 20. Le 3 p. 100, 55 90 à 55 80. Banque, 2,200.- Obligations de la Ville, 1,272 50.- Nouvelles 1152 50.5 p. 100 belge, 99 114. Emprunt romain, 77 112.

---

Actions de la
Obligations,

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

• Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

En Allemagne, l'ardeur pour la langue de Démosthène tient de l'enthousiasme. Cet enthousiasme est justifié par la beauté supérieure et le haut degré de perfection que vingt siècles se sont accordés à reconnaître à cette langue.

Née sur un sol riant, dans un climat délicieux, sous un ciel toujours serein, elle apporta avec elle, dès son berceau, tous les germes de beauté qui, à la faveur de la musique, se développèrent avec une rapidité si étonnante, qu'elle semble être née comme Minerve. Sa première production fut un chef-d'œuvre désespérant, sans qu'il ait été jamais possible de prouver qu'elle ait balbutié (1).

Dès-lors, cultivée par la main des écrivains les plus illustres, elle reçut de chaque âge de nouveaux embellissements: poètes, orateurs, historiens, philosophes même, tous se disputèrent la gloire de la parer de tout ce que l'art et le génie purent donner d'éclat et de magnificence. Par là, elle porta son harmonie naturelle à ce point de perfection qu'elle saisit et ravit l'âme, soutient et fortifie même les pensées, quand elles sont faibles; amuse encore l'oreille quand le cœur et l'esprit se reposent; et qu'on est tenté de dire à Homère : Chantez toujours, dussiez-vous ne rien dire, votre voix me charme encore, quand vos discours ne m'occupent plus (2).

L'harmonie délicieuse de la langue grecque flatte d'autant plus l'oreille, l'esprit et le cœur, que sa clarté et sa précision permettent d'en jouir davantage : car elle a le don particulier de mettre sous nos yeux, de nous faire toucher, pour ainsi dire, l'essence des choses les plus abstraites et les plus compliquées; de distinguer même, par l'harmonie imitative et inimitable de ses mots; la nature des objets qu'elle veut représenter; elle ajoute encore à sa clarté, par le privilége de l'inversion, qui lui permet de faire valoir toutes les parties de la phrase; elle peut les couper, les suspendre, les opposer, les rassembler, attacher toujours l'oreille et l'imagination, sans que cette composition artificielle laisse le moindre nuage dans l'esprit, ni le moindre doute sur le sens de la phrase.

Aussi prompte que fidèle à porter les idées dans l'esprit, quelle force ne lui donne pas sa concision? Elle offre à l'imagination un

(1) C. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, I, p. 134.

(2) La Harpe, Cours de littérature, p. 1,

L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

2

tableau entier avec un ou deux mots, souvent très-harmonieux; ainsi un seul lui suffit pour dire: Ils répondirent par une acclamation favorable à ce qu'ils venaient d'entendre; elle peint d'un seul trait le casque qui jette des rayons de lumière de toutes parts; le guerrier dont le front est ombragé d'un panache de diverses couleurs, etc. Pour exprimer les mêmes objets, les autres langues emploieront plus de mots, plus de temps, et elle ne peindront pas la nature avec autant de vérité.

La quantité d'expressions propres qu'elle a pour le même objet; l'abondance inépuisable de ses composés, la variété particulière de ses dialectes, tous exquis dans leurs nuances, lui donnent une telle richesse qu'elle en prête à toutes les autres langues sans en emprunter d'aucune; semblable à ces grands fleuves qui, assez riches de leur propre source, roulent majestueusement leurs eaux, sans recevoir le tribut des rivières et fertilisent par eux-mêmes les pays immenses qu'ils parcourent.

Tels sont les caractères originaux, les qualités, je dirai presque royales qui distingue cette reine des langues anciennes, cette mère des langues modernes. Le vainqueur de la Grèce, le Romain, toujours si fier de ses victoires et longtemps de son ignorance, devint lui-même moins sensible aux bruits des armes qu'aux accents mélodieux de cette langue; et bientôt l'aigle romaine sortie des forêts du sauvage Latium, oubliant ses foudres, s'endormit sur la lyre d'Homère, et ne se réveilla que pour devenir l'admiratrice et la rivale du vaincu.

Græcia capta ferum victorem çepit, et artes
Intulit agresti Latio. . . .

(Hor. Epist., lib. II, 1.)

La langue grecque a donc aussi un droit, et un droit antérieur à celui de la langue latine elle-même, à se nommer la langue de la science et de la civilisation. Premier-né des dialectes savants et polis, le grec a vu éclore en son sein les premières et les plus belles fleurs de la culture scientifique et littéraire; et Rome dès lors s'est formée à ses leçons. Plus tard, lorsque l'Occident fut inondé par l'innombrable multitude des Barbares, ce fut encore dans la Grèce que les lettres trouvèrent un asile.

Enfin, lorsque les Turcs les en chassèrent, l'Italie ne se polit une seconde fois que par l'étude du grec, et ce fut ainsi qu'elle devint capable de polir le reste du monde. On peut donc dire que la langue grecque a donné, conservé et rendu à l'univers le trésor précieux de l'érudition, de la sagesse et du bon goût..

La langue grecque peut se nommer aussi une langue catholique : en effet, cette langue est celle des livres saints et de la majeure partie de la science de l'Eglise. Presque la moitié des Conciles généraux sont écrits en grec; les Pères de l'Orient font, comme ceux de l'Occi

dent, partie de la tradition: ils sont comme eux, dépositaires de la doctrine de l'Eglise. Sans le secours de cette langue, tous ces oracles sont muets pour le théologien; sans cette clé, tous ces trésors lui sont fermés.

Nous ajouterons, en terminant, que le grec est nécessaire nonseulement à tout homme livré aux sciences par état, mais encore à tout ami des lettres, et en général à tout homine de bonne éducation. Sans la connaissance de la langue grecque, le philosophe, le physicien, le mathématicien, le botaniste, seraient dans la triste nécessité de prononcer et d'employer, sans les comprendre et de retenir avec une peine extrême une foule de mots techniques tirés du grec; l'art des fortifications, le droit, la médecine, enfin tous les arts et toutes les sciences ont puisé dans cette source si féconde en mots faciles, clairs, expressifs. Le grec se trouve partout, dans les conversations, dans le commerce, dans la vie commune, et jusque dans les feuilles périodiques qui fourmillent d'expressions tirées de cette langue. Pour celui qui sait le grec, la connaissance d'une étymologic supplée à une longue explication que l'ignorant a bien de la peine à saisir et qu'il oublie encore avec plus de facilité le vrai sens de mille termes lui échappera, et avec le sens des termes, l'intelligence claire des choses pour lesquelles ils ont été adoptés. L'orthographe n'est peut-être si rare sous tant de plumes que parce qu'on n'a pas eu l'occasion ou le zèle d'apprendre cette langue. Enfin, le littérateur étranger au grec, le sera aussi aux anciens qu'il ne verra point face à face. « Car, les meilleures traductions, dit M. Tourreil, peu« vent justement être comparées à un revers de tapisserie, qui tout au plus retient les linéaments grossiers des figures finies que lè a beau côté représente. »

Nous en avons assez dit à la louange des langues grecque et latine pour mettre hors de doute leur droit à la prééminence dans nos étu- . des classiques. Mais la langue française est pour nous le complément nécessaire de ces études, et, à vrai dire, l'influence que le grec et le latin exercent sur elle n'est pas un de leurs moindres titres à notre estime.

Il ne sera donc pas inutile d'ajouter ici quelques mots à la louange de notre langue maternelle.

La langue française, comparée à ses rivales, ne vaincra sans doute pas chacune d'elles dans ce que celle-ci aura précisément de plus saillant et de plus avantageux : l'espagnol, il faut en convenir, a plus de majesté, l'italien plus de douceur, l'anglais plus d'énergie, l'allemand plus de richesse; mais la langue française, par un sage tempérament de ces qualités diverses avec celles qui lui appartiennent en propre, telles que la clarté, la précision, une marche toujours raisonnable et logique, l'emporte sur toutes les autres, et a, plus que toute autre, des droits à conserver l'espèce d'empire universel qu'elle a conquis depuis environ deux siècles.

« PreviousContinue »