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consacrer, comme M. Allemant, au mystère de votre divine enfance, pour vouer entièrement au service de l'enfance et de la jeunesse leur ministère et leur vie! Quel bien ne se ferait-il pas, en effet, si un certain nombre de prêtres, dans les plus grandes villes des divers diocèses de France, pouvaient, avec l'agrément de NN. SS. les Évêques, se livrer exclusivement à cet important ministère; en même temps qu'un nombre incomparablement plus grand se livrerait dans toutes les paroisses à l'œuvre si importante et si traversée des Catéchismes de persévérance.

C'est ce que j'ose demander à Dieu avec des instances d'autant plus vives que, si l'on ne vient promptement et d'une manière nouvelle et extraordinaire, au secours de cet âge où tout l'avenir est renfermé, il me semble que c'en sera fait de nous, et que nous achevons irrémédiablement de périr!-Que le lecteur veuille me pardonner cette petite échappée de cœur. Je n'en aurai pas regret si elle peut lui donner la pensée de prier souvent lui-même pour ce grand et immense besoin de notre pays.

L'œuvre de la Jeunesse de Marseille était donc née : il ne s'agissait plus que de l'accroître. La chose se fit assez vite. M. Allemant posséda toujours dans un degré fort remarquable un secret souverainement puissant pour faire et multiplier beaucoup le bien, secret si simple en même temps qu'il y a lieu de s'étonner que si peu de personnes sachent l'employer. Če moyen, c'est de se créer des auxiliaires nombreux, par lesquels on double, on décuple, on centuple son action. Notre jeune et zélé père de jeunesse, comme on l'appelait, commença dès lors à mettre en œuvre ce moyen que nous lui avons vu employer avec tant de succès, toute sa vie.

En même temps qu'il travaillait à sanctifier de son mieux ses quatre enfans, il s'appliqua à souffler dans leurs jeunes âmes l'esprit de zèle pour faire d'eux comme autant de petits apôtres de son œuvre. Ces enfants donc, ainsi animés au prosélytisme, en amenèrent plusieurs autres. Le petit noyau s'accrut, s'accrut encore; si bien qu'au bout de quelque temps, la petite chambrette ne suffit plus. M. Allemant dut louer une petite maison avec jardin, laquelle elle-même se trouva bientôt trop étroite. Il fallut songer à se procurer un plus vaste local; et ce fut alors que l'œuvre, considérablement grandie, fut établie dans la grande maison de la place de Lenche, où elle est demeurée d'assez longues années, et où elle acheva de se développer et de prendre sa dernière forme; jusqu'à ce que, le nombre des membres s'étant encore augmenté, l'on fut obligé de faire l'achat du local actuel dans lequel l'oeuvre fut transférée vers 1822, et d'où elle n'est plus sortie. C'est là que nous l'avons connue, et c'est sur ce dernier terrain que nous allons la décrire et la faire connaître dans le plus grand détail, pour l'édification des pieux lecteurs, mais surtout pour l'instruction des prêtres à qui N. S. inspirerait la sainte pensée d'essayer de fonder des œuvres semblables.

Mais avant de passer outre, je consignerai un fait qui se rapporte

à cette époque où l'œuvre commençait déjà à être nombreuse et florissante. Je m'y arrête pour avoir occasion de faire remarquer un des principes de conduite du prudent directeur. Il avait compris qu'une condition essentielle d'existence pour une œuvre comme la sienne, surtout en des temps difficiles, c'était l'exclusion absolue de toute politique. Jamais il n'eût souffert que ses jeunes gens discutassent avec chaleur sur les affaires publiques, ou formassent 'entre eux des partis. Il portait, à cet endroit, la délicatesse si loin, qu'il ne voulut jamais permettre qu'on lût les journaux dans le local de son

œuvre.

De telles précautions, qui auraient pu paraître excessives, ne suffirent cependant pas pour soustraire une si nombreuse réunion de jeunes gens aux défiances d'un gouvernement ombrageux. Vers l'année 1811, un commissaire impérial vint s'enquérir de ce qu'on faisait dans cette œuvre : « Ici nous jouons et nous prions, » répondit avec une naïve simplicité M. Allemant. Il disait vrai, et il disait tout. Mais on soupçonna plus de mystère en une réunion de cette nature. Dans une ville comme Marseille, ne pouvait-ce pas être un club royaliste? On apposa les scellés sur tous les papiers. Ordre fut donné de fermer immédiatement le local. M. Allemant qui, depuis longtemps, n'exerçait d'autre ministère que celui de la direction de son œuvre, dut accepter un emploi dans une paroisse. Ce fut alors qu'il exerça avec tant d'édification, et dans une si haute opinion de sainteté, les fonctions de vicaire de Saint-Laurent, en même temps que, toujours appliqué à l'œuvre de prédilection de son cœur, il continuait à rassembler souvent, en secret, dans une maison de campagne retirée, l'élite de sa jeunesse.

Mais bientôt les temps devinrent meilleurs. L'œuvre put reprendre son local et ses exercices ordinaires. Il est temps de les décrire et de les faire connaître à fond. C'est ce que nous essaierons dans un prochain article. UN PRÊTRE DU DIOCÈSE De Marseille.

Le magnifique discours que M. Berryer a prononcé dans la séance du 2 avril sur l'indépendance de l'Eglise, vient d'être publié à part par M. Lecoffre. On ne peut trop désirer de voir se répandre une œuvre si pleine de vérité, d'éloquence et de raison. Nous serons heureux de pouvoir offrir un exemplaire de cette publication à chacun de nos abonnés.

BOURSE DU 9 AVRIL.

Le 5 p. 100, 89 25 à 89 60. Le 3 p. 100, 55 30 à 55 60. Actions de la Banque, 2,150 00.- Obligations de la Ville, 1,270 00.- Nouvelles Obligations, 1,135 75.5 p. 100 belge, 98 718. - Emprunt romain, 79 314.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

A

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Une longue et douloureuse maladie vient d'enlever à l'Eglise de France M. Louis de Courson, supérieur du séminaire de SaintSulpice.

Les obsèques auront lieu vendredi prochain, 12 avril, à neuf heures du matin, dans la chapelle du séminaire.

Nous espérons pouvoir donner bientôt une notice sur la vie de ce digne ecclésiastique, dont la perte sera vivement sentie par tous ceux. qui l'ont connu.

Jacques Balmès, sa vie et ses ouvrages,

PAR M. A. DE BLANCHE-RAFFIN.

1 volume in-8°. 1849.

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A l'exemple du divin Maître, dont la vie doit, autant que possible, nous servir de modèle, Balmès avait consacré ses trente premières années à se préparer laborieusement aux redoutables épreuves de la vie publique. Il arrivait au terme de ce noviciat, lorsqu'un journal de Madrid (El Madrileno Catholico) mit au concours un mémoire sur le célibat ecclésiastique. Balmès concourut et obtint le prix. Son travail fut imprimé dans le journal; telle était la récompense promise. Ce premier succès procura à son cœur une jouissance plus pure que la satisfaction d'un vain amour-propre. il consola les derniers jours de sa vieille mère. Cette femme si forte et si chrétienne n'avait jamais ouvert les lèvres, pour donner une louange à son fils; mais, quand elle vit les premiers résultats de cette longue et pénible éducation, dont elle avait supporté la lenteur avec une patience si rare, elle ne put contenir tout-à-fait sa joie et son orgueil maternels: «Mon fils, dit-elle à Balmès, le monde parlera beaucoup de a loi!» Peu de temps après, elle expirait, sentant son œuvre acComplie. L'enfant qu'elle avait tant de fois recommandé à saint Thomas d'Aquin, avait appris d'elle et du docteur angélique à mériter la gloire, sans la convoiter, sans la chercher.

Chercher la renommée, c'est vanité. Mais chercher la position la plus favorable pour servir ufilement la cause de Dieu, de l'Eglise et de la patrie, c'est plus qu'un droit, c'est un devoir. Balmès le comprenait; et, quand il eut rendu à sa mère les derniers devoirs, it résolut d'aller se fixer à Barcelone, au centre du mouvement intellectuel et politique de la Catalogne.

L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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Vaincu dans les provinces basques et navarraise, le parti carliste allait succomber dans la Catalogne et dans le royaume de Valence. Mais le parti de la régente et de la reine portait dans son propre sein des ennemis plus redoutables que les armées de Don Carlos : il avait commis des fautes désastreuses; ses chefs les plus honorés et les plus habiles avaient eu la faiblesse de s'associer à des injustices honteuses; M. Martinez de la Rosa avait laissé répandre impunément, sous son ministère, un sang pur et sacré. Avec l'insolence d'un héros d'aventure, Espartero demanda, pour prix de sa victoire, de nouvelles lâchetés, de nouveaux crimes; la soldatesque révolutionnaire réclamait avec lui la spoliation de l'Eglise. Le parti constitutionnelmodéré voulut se raidir contre une telle exigence; il pressentait avec terreur qu'une pareille spoliation en amènerait bien d'autres; mais son passé pesait sur lui, et l'entraînait malgré lui. Balmès sentit que l'heure était venue de rompre le silence, et de protester au nom des pauvres qu'on allait dépouiller en dépouillant l'Eglise. Il publia ses Observations sociales, politiques et économiques sur les biens du clergé. (Avril 1840.)

« On veut enlever au clergé ses biens, s'écriait-il; mais il n'est point de propriété dont l'origine soit plus respectable! Ils sont tout à la fois la récompense et l'instrument des bienfaits que l'Eglise n'a cessé de répandre sur le monde. Qui a fait sortir de la barbarie les sociétés européennes, sinon l'Eglise? Que seraient devenus les peuples au moyen âge, si la féodalité de la violence n'eût pas eu en face d'elle une féodalité charitable? Comment l'Eglise sera-telle libre, si elle n'est pas propriétaire? Comment sera-t-elle bienfaisante, si elle n'est pas riche? Qui profiterait d'ailleurs des dépouilles du clergé? sont-ce les pauvres? Non! ce sont des banquiers avares, des spéculateurs immoraux, une aristocratie aux entrailles de fer. Voyez les nations les plus opulentes de l'Europe, ces nations qui ont dépouillé l'Eglise; le paupérisme les dévore! Le peuple espagnol, au contraire, ce peuple de fainéants et de moines, comme on l'appelle, ne connaît pas le paupérisme. L'industrie, à la vérité, n'est pas également développée dans toutes les parties de l'Espagne; mais celles où le clergé est le plus riche, ne sont pas les moins industrieuses nulle, par exemple, n'est plus inféodée à l'Eglise que la Catalogne, et nulle en même temps n'a une industrie plus prospère. Donc la richesse du clergé n'est pas une source de misère pour la société. Qu'on rende l'industrie plus active là où elle languit; que les grands propriétaires soient appelés à soutenir, à encourager le commerce et l'agriculture; mais qu'on se garde d'ébranler par une mesure violente et odieuse toute l'économie de l'ordre établi! Jamais les circonstances ne furent moins favorables, pour porter atteinte à la propriété ecclésiastique: est-ce que l'Europe n'entend pas déjà les cris d'une foule avide, toute prête à s'armer contre les droits de la propriété privée? Or, qu'on y songe bien, la propriété privée ne sau

rait être plus respectable que la propriété ecclésiastique, laquelle, sans nul doute, répand plus de bienfaits autour d'elle. »>

Tel est à peu près le fond de la brochure que D. Jaime Balmès venait de publier, quand il partit pour Barcelone. L'érudition, la puissance philosophique et la mâle éloquence avec laquelle ces considérations étaient développées, excitèrent tout d'abord la surprise et l'admiration des hommes d'Etat les plus éminents. M. Martinez de la Rosa lisait la brochure de Balmès à ses amis, et l'homme qui, dans le congrès, avait défendu les droits de l'Eglise avec le plus de courage et de talent, D. Santiago de Tejada, s'écriait avec modestie : Mon discours ne saurait se comparer à cela!» La Catalogne surtout applaudit avec enthousiasme le jeune écrivain qui devenait ainsi, dès son début, la gloire et l'espérance de sa province.

Quelques mois après, Balmès imprimait à Barcelone une nouvelle brochure Considérations politiques sur la situation de l'Espagne, août 1840. Le dernier espoir du parti carliste venait de s'évanouir : Cabrera s'était vu réduit à passer en France. Espartero, enivré de sa victoire, dictait insolemment des lois à la régente, insultait la majesté royale, et ameutait contre la cour une populace effrénée. Un jeune avocat avait payé de sa vie l'honneur d'une protestation chevaleresque traîné dans les rues de Barcelone par les séides d'Espartero, il avait été égorgé sous les fenêtres de Marie-Christine, qui signait, un mois plus tard, son abdication à Valence. Loin de se laisser effrayer par un tel spectacle, Balmès y puisa une nouvelle énergie. Sur le théâtre de la trahison et des violences d'Espartero, il osa défendre les droits méconnus par cet ambitieux : il prouva que la régence devait rester dans des mains royales, et ne craignit pas même de rendre justice entière aux carlistes, proclamant en face de leur brutal vainqueur, qu'on ne parviendrait jamais à consolider aucun système politique, sans y faire entrer ce grand parti. L'utilité d'un mariage entre la reine et le fils de Don Carlos était aussi indiquée dans cet écrit, qui contient en germe toute la politique de Balmès. Les passions révolutionnaires devaient repousser avec dédain cette politique de conciliation et de progrès pacifique; après avoir lâchement abandonné l'Eglise, le parti constitutionnel-modéré ne devait pas montrer plus d'énergie pour la défense des véritables intérêts monarchiques; mais, si la voix de la raison, de la justice et de la charité avait peu de chance d'être écoutée, c'était un devoir néanmoins de la faire retentir; et ce sera pour Balmès une gloire impérissable d'avoir accompli cette mission périlleuse, quand tout tremblait autour de lui.

Tandis qu'il remplissait avec tant de courage ses devoirs de citoyen, il n'oubliait pas un seul instant sa mission de prêtre ; l'intérêt surnaturel des âmes occupait même dans sa pensée un rang supérieur à celui des intérêts temporels de ses concitoyens. Tout en cherchant à sauver l'Etat, il travaillait donc à édifier les âmes pieuses, à

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