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M. l'abbé Degeorges. Plus de deux mille hommes appartenant à toutes les classes de la société se pressaient dans l'enceinte trop étroite de Notre-Dame, pour recueillir les paroles de leur Evêque. Mgr Thibault a pu juger par lui-même de la sympathie que cet excellent peuple est si heureux de lui témoigner.

Mgr Thibaut a pris la parole après M. Degeorges, et, dans une magnifique improvisation, il a conseillé, il a consolé, il a relevé les âmes avides qui l'écoutaient avec une sympathique attention.

ANGLETERRE.-Pour la première fois depuis la réforme, un catholique vient d'être choisi pour haut-shériff du comté de Suffolk; c'est sir Thomas Rookwode Gage, baronnet, membre d'une des familles les plus anciennes de la noblesse de la province.

PIEMONT.-Le clergé d'Annecy et celui de Saint-Jean-de-Maurienne ont adressé des pétitions au Sénat contre la loi Siccardi.

Séance de l'Assemblée.

Paris aura encore une réélection. M. Vidal a opté pour le HaulRhin. Ce sera une épreuve nouvelle : la leçon du 10 mars servira-telle? Nous l'espérons. On assure que le socialisme présentera M. E. de Girardin. Le parti de l'ordre devrait lui répondre par le nom de M. le général de Labitte. Et que, celte fois du moins, les électeurs fassent tous leur devoir !

La discussion du budget a été reprise : le ministère de l'instruction publique a été voté presque en totalité. Deux points seulement ont arrêté l'Assemblée. Le premier est un incident soulevé par M. Poujoulat, à l'occasion de la Faculté de théologie de Paris. Deux professeurs seulement sont d'anciens docteurs, et possèdent leur chaire à titre définitif; les autres sont chargés des cours. La commission du budget, en maintenant le traitement des deux premiers, a réduit celui des autres à une somme de 1,800 fr. C'est contre cette réduction que M. Poujoulat a parlé. En soi, la réclamation était juste. Mais elle fait naître une question d'une grande gravité, c'est celle de la constitution même des Facultés de théologie. Nous y reviendrons plus au long et nous trailerons ce sujet à part. Pour aujourd'hui, il nous suffira de dire que si nous rendons hommage au talent et à la science des professeurs, nous ne saurions accorder la moindre valeur catholique à un établissement qui ne tient son origine que de l'Etat, qui est une création universitaire, et qui n'a jamais reçu l'institution canonique que le Souverain-Pontife seul peut lui donner, et sans laquelle il n'est rien. L'Assemblée, du reste, n'a pas admis la demande de M. Poujoulat.

Le second débat a été beaucoup plus vif. M. Mortimer Ternaux réclamait une réduction qui est de la plus stricte équité. Il s'agit de la subvention payée par le budget aux lycées (anciens colléges Royaux). C'est déjà une fort mauvaise spéculation pour l'Etat, que de se faire maître de pension, et de loger, nourrir et entretenir des enfants dans ces vastes

établissements dont on ne connaît que trop les détestables résultats. Mais, ce qu'il y a de vraiment intolérable, c'est qu'indépendamment du prix que l'Etat demande aux familles pour ce métier, il faille encore que le budget général ajoute une subvention, qui n'est pas moindre de 700,000 fr. par an. Le résultat le plus clair est de faire payer ce secours accordé aux enfants de la bourgeoisie, aux enfants des classes aisées, par qui? Par les contribuables, c'est-à-dire par le grand nombre, par les pauvres ! On a beau déguiser le fait sous des phrases pompeuses; on a beau se jeter dans des digressions sonores à propos du niveau des études, et crier à l'abaissement des intelligences. Le fait, le bon sens et la justice revendiquent leurs droits plus haut que toutes ces clamenrs et que tous ces sophismes!

La lutte a été assez animée, M. de Paricu tenant pour les lycées et flanqué de M. Wallon, lequel est professeur et plaidait pro domo sud, et de M. Charras qui l'a aidé avec des arguments de cette force: « Il faut que chacun paye l'instruction proportionnellement à sa fortune; voilà l'équité républicaine! » On ne peut se figurer le rire homérique que celle doctrine a fait éclater sur tous les bancs. Et néanmoins la réduction n'a pas été votée : elle n'a été soutenue que par deux cents membres de la droite environ. Toute la Montagne a voté contre, d'accord avec les universitaires et les ministériels.

Il est inutile de parler ensuite de quelques escarmouches de détail, pour ou contre les chaires de chimie, par exemple, ou bien pour ou contre les Facultés de médecine et les Ecoles de pharmacie. Dans ce dernier cas, la tribune rappelait les scènes de Molière, tous les médecins de l'Assemblée s'y précipitaient. L'augmentation proposée par un d'entre eux, M. Chavoix, n'a eu pour adhérents que les vingt ou trente autres qui siégent sur les différents bancs. Cette fois, l'esprit de corps avait tout rapproché, et les docteurs de droite ont voté comme les docteurs de la Montagne, ce qui a excité l'hilarité unanime de l'assistance.

Demain, à une heure, suite du budget.

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Bulletin de la politique étrangère.

ROME. — Le 21 mars 1848, une multitude insensée, composée en grande partie d'étrangers, se porta au palais de Venise, résidence de l'ambassadeur d'Autriche, et abattit l'écusson national.

Le gouvernement pontifical s'empressa de désavouer cet acte attentatoire aux droits des gens, et offrit à l'ambassadeur, comte de Lutzow, la satisfaction diplomatique qui se pouvait dans ces déplorables circonstances. Les événements qui se succédèrent ne permirent pas de pousser plus loin cette négociation. Au retour de l'ordre, le gouvernement pontifical ordonna une enquête, et S. M. 1. et R. remercia le Saint-Père de sa bienveillance et manifesta le désir que toute recherche fût abandonnée. En conséquence, les personnes arrêtées à cette occasion furent mises en liberté.

Le 21 mars de cette année, anniversaire de l'insulte faite aux armes d'Autriche, le commandeur Schnitzer-Meerau, conseiller de légation et agent de S. M. I. et R. à Rome pour les affaires ecclésiastiques, a fait solennellement arborer l'écusson impérial sur le palais de Venise.

Pour assister à cette cérémonie, Mgr Santucci, substitut de la secrétairerie d'Etat et représentant de ce ministère; Mgr Savelli, vicecamerlingue de la sainte Eglise, ministre de l'intérieur et de la police; Mgr Roberti, auditeur de la chambre apostolique et pro-président de Rome et de la Comarca; S. E. le général de Kalbermatten, pro-ministre de la guerre, tous accompagnés des principaux employés de leurs ministères, s'étaient rendus à l'ambassade, ainsi que la commission municipale provisoire, plusieurs membres des léga— tions étrangères et quelques personnages distingués.

Sur la place du palais étaient rangés deux bataillons de ligne des troupes pontificales, musique en tête, et un détachement de dragons.

SUISSE. Voici quelques détails sur l'assemblée de Munzingen dont nous avons déjà annoncé le résultat :

«Hier a été un jour important dans nos annales politiques. Un grand rassemblement a eu lieu à Munzingen de tous les points du canton. Il s'agissait de connaître le principe sur lequel reposeraient les prochaines élections du mois de mai.

<< On était convenu de partir en masse de Berne à sept heures du matin, de ne point s'isoler ni s'attarder, et d'être rentré dans ses foyers à trois heures de l'après-midi, car on craignait les disputes et les rixes qui pouvaient en pareil cas s'engager entre les partis.

«Tous les conservateurs de Berne, bourgeois et paysans, et ceux de Porrentruy et de Bienne, arrivés déjà la veille, formaient un beau cortége qui ouvrit la marche.

« Les radicaux qui, de leur côté, s'étaient réunis, partirent de l'hôtel de l'Ours à la même heure, mais en plus petit nombre.

« Le cortége des conservateurs arriva à Munzingen à dix heures et demie, et se rendit dans un champ qu'on avait loué à cet effet, où il fut reçu avec acclamation par plusieurs mille hommes arrivés de l'Oberland et du Limmenthal.

« MM. Straub, Schnell et Fischer de Reichenbach, orateurs du parti de l'ordre, ont bien parlé et ont eu pour eux la grande majorité. Les conservateurs étaient au nombre de douze mille, et l'on estime le nombre des radicaux à quatre mille. Tout s'est passé dans un ordre parfait, et cependant avec beaucoup d'enthousiasme : c'étaient des acclamations d'amour de la patrie, d'union, de fraternité et de liberté. Au retour, tous les visages étaient radieux. On a lieu d'espérer un bon résultat des élections de mai. Nous espérons que cela ne sera pas sans influence pour les autres cantons, et que Fribourg sera un jour délivré du gouvernement tyrannique qui l'opprime. Le peu

ple criait au retour du meeting: Loin de nous les Nassauer (les réfugiés étrangers de Nassau et de Baden.) »

NAPLES. Le conseiller procureur-général du roi près la grande cour criminelle de Naples, a formulé contre quarante-deux individus arrêtés ou en fuite une accusation d'association illégale sous le nom de l'Unité italienne, de conspiration contre la personne du roi et d'attentats ayant pour but de détruire et de changer le gouvernement en excitant les sujets à s'armer contre l'autorité royale. La cour a déclaré qu'il y a lieu à poursuivre. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ce procès important.

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M. LE PRÉSIDENT donne lecture d'une lettre de M. Vidal, qui annonce qu'il opte pour le Bas-Rhin.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du budget.

M. BERRYER, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé à la commission une proposition de l'honorable M. de Salvandy..... (Rire général.) de l'honorable M. Piscatory. (Ah! ah!) Cette proposition avait pour objet le rétablissement du consulat de Syra. La commission en a délibéré. En effet, le ministre, dans le budget primitif, avait proposé d'élever notre agent à Syra au grade de consul.

La commission du budget n'avait pas méconnu l'importance de nos relations commerciales et politiques avec la Grèce, elle n'avait pas méconnu non plus la bonne conduite et les services rendus par nos agents. Mais elle n'avait pas pensé qu'il fût nécessaire de faire de notre agent à Syra un consul.

Les événements survenus en Grèce, l'attitude prise par nos agents, la conduite honorable et digne tenue par eux en présence de l'acte violent qui a indigné toute l'Europe, a déterminé l'un de nos collègues à demander que le titre de consul fùt rétabli pour notre agent à Syra.

La commission en a délibéré, et après mûre délibération, elle vous propose d'ajouter au chapitre des consulats 10,000 fr. pour le consulat de Syra.

Nous n'avons aucune réduction à vous proposer sur le chiffre des missions extraordinaires. Il doit rester fixé à 386,000 fr.

L'Assemblée vote à la presque unanimité le crédit de 10,000 fr. pour le consulat de Syra.

On passe ensuite à la discussion du budget du ministère de l'instruction publique. Une diminution de 6,000 fr. sur le personnel de ce ministère, est proposée par la commission et votée par l'Assemblée.

Est également votée une réduction de 4,000 fr. sur le matériel.

M. Poujoulat s'élève contre la réduction proposée pour la faculté de théologie de Paris. Cette réduction, ainsi que quelques autres sur les chapitres 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, est adoptée.

Sur le chapitre 15 (instruction secondaire), M. Mortimer Ternaux demande une rẻduction de 300,000 fr.

M. DE PARRIEU combat cette réductiou qui aurait pour effet, dit-il, d'abaisser l'enseignement.

M. CHARRAS la repousse aussi.

K. WALLON combat l'amendement qui ne tendrait à rien moins qu'à supprimer en masse les colléges (Oh! oh! Allons donc!) et à supprimer en masse les pensions libres. (Assez !) Sans la subvention de l'Etat, avec ce que payeraient les élèves, les traitements des professeurs ne pourraient plus être payés, et alors l'instruction se concentrerait dans quelques grandes maisons en dehors de l'Université, Juilly, Pontleroy, Vaugirard, etc. Adoptez l'amendement, dit l'orateur, et vous décréterez la ruine de l'instruction secondaire. (Allons donc !)

La proposition de M. Ternaux est repoussée à une faible majorité. Les autres chapitres de 16 à 28 sont successivement votés.

La séance est levée à six heures.

VARIÉTÉS.

-

Retraite et communion pascale à Notre-Dame. Depuis trois années, l'anguste basilique de Notre-Dame de Paris était veuve de l'une des plus belles cérémonies dont la foi de notre àge ait donné au monde le touchant spectacle. La Providence avait permis d'abord qu'épuisée par les glorieuses fatigues de l'apostolat, la parole éloquente et sainte qui avait inauguré les retraites de la métropole, s'éteignit dans les souffrances. Une révolution avait passé sur la grande ville, et l'illustre Pasteur, dont la main avait béni, pour la première fois, la communion générale des hommes dans son antique cathédrale, était tombé victime et martyr de nos cruelles discordes.

Hier, la solennité s'est célébrée de nouveau et avec un concours plus nombreux et une ferveur plus profonde que jamais. Le P. de Ravignan avait retrouvé les accents les plus pénétrants, les cordes les plus vibrantes de cette voix et de ce zèle qui vont remuer les cœurs jusque dans leurs intimes replis. Le vénéré Pontife qui gouverne ce diocèse, avait puisé dans sa charité pastorale des forces infatigables, et après une retraite de huit jours, une foule immense d'hommes, pressés sous les arceaux de Notre-Dame, venait prendre part au banquet sacré.

Or, dans cette pâque de l'année jubilaire, dans ces exercices sévères et graves qui recommencent avec la seconde moitié du dixneuvième siècle, il y avait un caractère particulier de recueillement, de force et d'espérance.

Pendant les pieuses soirées de la retraite, le chant du Miserere, ce chant qui produit dans les âmes une impression si inaltérable, semblait prendre un ton plus religieux et plus grandiose encore. Le sentiment des anxiétés publiques et privées, la conscience des maux, des douleurs, des alarmes de la patrie y ajoutaient je ne sais quoi de sincèrement ému. On eût dit la prière à bord d'un navire ballotté par les flots et qui plie sous l'effort avant-coureur d'une effroyable tempête.

Puis peu à peu, l'invincible confiance en la miséricorde divine se faisait jour dans ces cœurs chrétiens et éclatait jusque dans leurs cantiques. L'espérance, cette mâle et ferme croyance, où la philosophie antique n'avait vu que « le songe d'un homme éveillé » et que la religion chrétienne a proclamée l'une des vertus par excellence; l'espérance, difficile sans doute, au milieu des obscurités, des découragements, des faiblesses de la vie, mais d'autant plus nécessaire et obligatoire qu'elle semble plus humainement impraticable;

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