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saint Léon IX et Victor III, cultivaient avec zèle la mu

sique '.

L'orgue, cette création spéciale de la musique chrétienne, ce roi des instruments, seul digne d'associer sa voix majestueuse aux pompes du seul culte vraiment divin, l'orgue dut aux moines le perfectionnement de sa construction, et ce fut grâce à eux que l'usage en fut généralement introduit2. Elphège, abbé de Winchester au dixième siècle, fit construire le plus grand orgue dont il soit question dans les annales du moyen âge; il fallait soixante-dix hommes pour le manier 3.

Les moines anglais semblent avoir été, de tous, ceux qui aimaient la musique avec le plus de passion. « Je voudrais bien, » écrivait un abbé de Yarrow, disciple et successeur du vénérable Bède, à son compatriote saint Lulle, archevêque de Mayence,« je voudrais bien avoir un harpiste, qui jouât de cette harpe que nous appelons la rote, car j'ai l'instrument, mais je n'ai point d'artiste. Envoyez-le-moi, et, je

Voir les témoignages curieux de ce fait réunis par Ziegelbauer, Hist. Lilter. O. S. B., pars 11, p. 342.

2 Les orgues furent d'abord apportées en France sous Pepin, en 757, par un envoi que lui fit l'empereur de Constantinople. Fresque aussitôt après, un moine, Wicterp, évêque d'Augsbourg, en fit construire un pour sa nouvelle cathédrale; Stengel, Comment. de reb. August. pars 11, p. 65. — Leur usage se répandit en France et en Allemagne plus tôt qu'en Italie. Il y a de bons renseignements sur les services rendus par les moines à la construction des orgues dans l'article de M. de Coussemaker, publié par les Annales archéologiques, t. III, p. 280.

3 Il y en a une description rimée et très-détaillée au t. VII des Act. SS. 0. B., p. 617, au prologue de la vie de saint Swithin. A la même époque, le comte Ailwin donna à l'abbaye de Ramsey un orgue que l'on décrit ainsi : « Cupreos organorum calamos, qui, in alveo suo super unam cochlearum denso ordine foraminibus insidentes, et diebus festis follium spiramento fortiore pulsati, prædulcem melodiam et clangorem longius resonantem ediderunt. » Act. SS. Ord. Ben., t. VII, p. 734. Dès lors les moines étaient habitués à fabriquer cet instrument et à en jouer. Cfer Mabill. An., t. II, 1. xxIII, c. 29, et Præf. in sæc. III Benedict., § vi, 11, 105.

vous en prie, ne riez pas de ma demande 1. » Cette passion entraînait même de graves abus; pour les réprimer, le concile de Cloneshove, en 747, ordonna d'expulser des monastères les joueurs de harpe, les musiciens et les bouffons 2.

Mais les moines, si zélés pour la musique, si habiles dans la facture des instruments et dans la composition musicale, l'étaient également dans la haute théorie de l'art. Cette théorie a eu pendant tout le moyen âge les moines pour principaux interprètes, et les plus fameux auteurs qui ont écrit sur la musique appartenaient à l'ordre monastique. Cent ans avant la naissance de saint Benoît, un moine d'Égypte, saint Pambon, abbé de Nitrie, avait composé un traité sur la psalmodie 3. Plus tard, de siècle en siècle, on vit se succéder les religieux, auteurs de savants traités sur la musique : Hucbald de Saint-Amand occupe le premier rang parmi eux; mais autour de lui se pressent ses contemporains ou ses élèves, Réginon de Prüm, Remy d'Auxerre, Odon de Cluny, Gerbert, Aurélien de Réome, et plus tard Guillaume, abbé de Hirschau; Engelbert, abbé d'Amberg; Hermann Contract, qui joignit à tant d'autres mérites celui d'être le plus savant musicien de son temps, et une foule d'autres qui méri

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Delectat me quoque citharistam habere qui possit citharizare in cithara, quam nos appellamus rotæ, quia citharam habeo et artificem non habeo... obsecro ut hanc meam rogationem ne despicias, et risioni non deputes. >> Inter epist. S. Bonifac., no 89, ed. Serrarius.

2 << Monasteria non sint artium ludicrarum receptacula, hoc est poetarum, eitharistarum, musicorum, scurrarum, sed orantium, legentium, Deique laudantium habitationes. » (C. 20.)

3 Instituta Patrum de modo psallendi sive canlandi, » publié par le princeabbé Gerbert de Saint-Blaise, dans sa collection.

⚫ Mort en 932.Voir le Mémoire sur Hucbald et ses traités de musique, par M. E. de Coussemaker. Paris, chez Techener, in-4°.

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< Cantus historiales plenarios, utpote quo musicus peritior non erat, de S. Georgio, etc., etc., mira suavitate et elegantia euphonicos, præter alia hujusmodi perplura neumatizavit et composuit.» (Berthold, Herimanni continuat., ap. Pertz, t. V, p. 268.) « In musica sane præ omnibus modernis

tent d'être nommés parmi les lumières de l'ordre bénédic– tin'. Saint Bernard, par son traité De ratione cantus, continue glorieusement cette série d'écrivains éminents qui ne doit se clore qu'à la fin du dix-huitième siècle, avec un autre Gerbert, prince-abbé de Saint-Blaise dans la forêt Noire, auteur d'une célèbre collection d'écrivains sur la musique, où il a pu justement assigner le premier rang aux Bénédictins 2. Le système des notes modernes fut d'abord usité au monastère de Corbie par l'abbé Ratbold. Enfin chacun sait que Guy d'Arezzo, en formulant l'échelle des intonations diatoniques, fut l'inventeur du solfége; mais beaucoup ignorent que ce Guy était un saint moine de l'abbaye de Pompose, près Ravenne3.

Ainsi donc, c'est à un illustre moine, saint Grégoire le Grand, que le chant ecclésiastique, l'expression la plus haute de la musique, doit son développement; c'est à un moine que la musique moderne doit ses moyens pratiques et les procédés les plus indispensables à son étude; ce sont des moines qui, depuis la Thébaïde jusqu'à la forêt Noire, ont pendant quatorze cents ans enrichi le trésor de la science musicale par leurs recherches et leurs traités; ce sont enfin de saints moines, du huitième au douzième siècle, qui se préparaient,

subtilior exstitit et cantilenas plurimas de musica, cantusque de sanctis satis auctor nobiles edidit. » (Anonym. Mellicens., ap. Pertz, t. V, p. 267.)

Trithemus, Chron. Hirsaug., passim.

2 « Scriptores ecclesiastici de musica sacra, potissimum ex variis Italiæ, Galliæ et Germaniæ codicibus manuscriptis collecti, et nunc primum publica luce donati a Martino Gerberto, monasterii et congr. S. Blasii, in silva Nigra, abbate. 3 vol. in-4°. Typis San-Blasianis, MDCCLXXXIV.

3 Ratbold mourut en 985; Guy vivait en 1026. Le premier substitua les notulæ caudatæ, dont on se sert encore aujourd'hui, aux lettres: Guy d'Arezzo ajouta le système des clefs et des lignes. V. Mabill. Ann., t. IV, 1. 59, no 80, 1. 55, no 100, et Append., no vi; Fétis, Biographie des musiciens, article Guy d'Arezzo. Voir Orderic Vital sur le talent de composition musicale déployé par plusieurs abbés normands du onzième siècle, lib. 1, p. 95, 1v, p. 247.

par la prière et l'abstinence, à la composition de ces immortels chefs-d'œuvre de la liturgie catholique méconnus, mutilés, parodiés ou proscrits par le goût barbare des liturgistes modernes, mais où la vraie science n'hésite plus à reconnaître une finesse d'expression ineffable, un je ne sais quoi d'admirable et d'inimitable, de pathétique et d'irrésistible, de limpide et de profond, une vertu suave et pénétrante, et, pour tout dire, une beauté toujours naturelle, toujours fraîche, toujours pure, qui ne s'affadit jamais et jamais ne vieillit 1. Jusqu'à leur dernier jour, fidèles à leur ancienne gloire, les églises monastiques conservèrent les plus doux trésors de cette divine mélodie qui, selon la parole d'un moine, ne se taisait qu'après avoir rempli les cœurs chrétiens de paix et de joie 2.

1 << Un non so che di ammirabile ed inimitabile, una finezza di espressione indicibile, un patetico che tocca, una naturalezza fluidissima; sempre fresco, sempre nuovo, sempre verde, sempre bello, mai non apascisse, mai non invecchia... » Baïni (maître de la chapelle pontificale du Vatican), Memorie storiche sulla vita di Palestrina, t. II, c. 3, p. 81, apud Jouve, Essai sur le chant ccclésiastique, dans les Annales archéologiques de Didron, t. V, p. 74. Cfer Janssens, Vrais principes du chant grégorien, p. 187. — Ce savant écrivain (Baïni) ajoute avec trop de raison que les mélodies que la liturgie moderne a substituées à ces anciens chefs-d'œuvre sont stupides, lourdes, insignifiantes, discordantes, froides et fastidieuses, « stupide, insignificanti, fastidiose, absone, rugose. » Ibid.

2 << Dulcis cantilena divini cultus, quæ corda fidelium mitigat ac lætificat, conticuit. » Order. Vit., t. XIII, p. 908.

XVII

A LETTER'

ADDRESSED TO A REVEREND MEMBER OF THE CAMDEN SOCIETY

ON THE ARCHITECTURAL, ARTISTICAL, AND ARCHEOLOGICAL MOVEMENTS OF THE PUSEYITES.

Funchal (Madeira), February 20th, 1844.

TO THE REV. MASON NEALE, Member of the Cambridge Camden Society.

The Camden Society having done me the unsolicited and unmerited honour of placing my name among its honorary members, I feel not only authorized, but conscientiously obliged to speak out what I inwardly think of its efforts and object and I am happy to be able to do so, in addressing myself, not only to one of its most influential members, but to one for whom I feel a most lively sympathy, on account of his talent, science, courage, and indeed, of every thing except what the Church, which I believe to be infallible, reproves in him.

Cette lettre a été écrite en anglais, et ne se rapporte qu'à des sujets intimement liés à la vie religieuse et pour ainsi dire domestique de l'Angleterre elle ne saurait intéresser que les personnes très au courant de la langue et des mœurs anglaises. On a donc cru inutile de la traduire.

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