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162 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ÉCOLES CATHOLIQUES,

Noms des peintres.

GIOVAN-BATISTA SALVI DA SASSOFERRATO, 1605-1685.

CARLO DOLCI, 1616-1686.

GUIDO RENI, 1575-1642.

FRANCESCO BARBERI, detto IL.
GUERCINO, 1590-1666.

{

ETC.

Indication de leurs principaux ouvrages.

Se distingue par le charme avec lequel il a toujours peint la Madone. -Ses chefs-d'œuvre sont à Florence, aux Uffizi, une * Madone veillant sur le sommeil de Jésus. - Rome, à Ste-Sabine, *** la Madone entre saint Dominique et sainte Catherine de Sienne, à qui l'enfant Jésus met la couronne d'épines; et à la galerie Borghèse, *** les Trois âges.

A souvent réussi à trouver l'expression chrétienne, surtout dans sa Madeleine et sa sainte Lucie, à Florence. Quelques-unes de ses madones ont de la pureté et de la profondeur, surtout à Bologne, celle dite la Madone della pietà.

Ce peintre, quoique très-pieux, a rarement pu rendre le sentiment chrétien dans ses tableaux de sainteté; toutefois il a de temps à autre réussi dans ses figures de saints et de moines, comme on peut s'en convaincre à la Pinacothèque de Bologne et au Louvre.

Nous croyons devoir ajouter que, sauf pour l'école de Ferrare et une douzaine de tableaux des autres écoles, les notes qui précèdent sont exclusivement le résultat de nos propres observations.

IV

DE L'ÉTAT ACTUEL DE L'ART RELIGIEUX

EN FRANCE'

(1837)

« L'étude des monuments religieux a ranimé parmi nous le sentiment et le goût de l'art chrétien. Ce sentiment a bientôt tourné au profit du christianisme lui-même. En apprenant à comprendre, à admirer nos églises, on est devenu presque juste, presque affectueux pour la foi qui les a élevées. C'est là un retour un peu futile vers la religion, retour sincère cependant, et qu'il ne faut pas dédaigner. L'art rend ainsi aujourd'hui à la religion quelque chose de ce qu'il en a reçu jadis 2. » Ainsi parlait, il y a peu de temps, dans une occasion solennelle, un homme dont la patrie s'honore, et que l'Église regrette de ne pouvoir compter parmi ses fidèles. Ces paroles expriment avec noblesse une vérité généralement, mais vaguement sentie. Plus que personne leur auteur a contribué à ramener en France le sentiment de l'art religieux, d'abord par le nouveau jour qu'il a jeté sur l'histoire des temps où cet art naquit, et ensuite par ses généreux

Cet essai a servi d'introduction à la collection des Monuments de l'Histoire de sainte Elisabeth publiée par M. A. Boblet.

2 Discours de M. Guizot à la Société des antiquaires de Normandie, en août 1837.

efforts, pendant qu'il était au pouvoir, pour sauver et populariser les débris de notre ancienne gloire artistique. Un immense changement s'est opéré dans les esprits depuis le temps où nous nous sentions excité à élever une voix humble, inconnue et presque solitaire, contre les Vandales de diverses espèces qui dévastaient les monuments de notre foi et de notre histoire 1. En peu d'années tout a changé de face. La révolution de Juillet, en portant le dernier coup à l'ancien régime dans le présent et dans l'avenir, a donné un nouvel élan à l'étude et à l'appréciation de l'ancienne France dans le passé, non pas le passé bâtard et inconséquent des derniers siècles, mais le passé de cette grande époque où le christianisme régnait sur l'âme et le corps de l'humanité. Le nouvcau gouvernement s'est rangé franchement du côté du petit nombre d'hommes qui, inspirés par les éloquentes invectives de M. Victor Hugo, essayaient de lutter contre le torrent des dévastations. Usant avec une salutaire énergie de leur puissance, M. Guizot et ses successeurs à l'intérieur et à l'instruction publique ont étendu les bras immenses et inévitables de la centralisation pour arrêter le marteau municipal et la brosse fabricienne, en même temps qu'ils ont créé et encouragé de vastes et importantes publications destinées à tirer de la poussière et à révéler au pays les antiques trésors de son art national. Noble et bienfaisant exemple qu'il appartenait au pouvoir antérieur de donner, et qu'il faudra bien, Dieu merci, suivre à l'avenir. D'un autre côté, une étude plus approfondie de l'étranger a produit rapidement des résultats tout à fait inattendus. En voyant de plus près les mœurs et la science de l'Allemagne et de l'Angleterre, on s'est aperçu du profond respect et de la tendre sollicitude que ces grandes nations professent pour les monuments de leur passé; la pensée 1 Du Vandalisme en France. (Voir plus haut, page 7.)

s'est naturellement reportée sur la patrie, et on a reconnu avec surprise et admiration que la France renfermait encore dans ses villes de province des cathédrales plus belles, malgré le triste dénûment des unes et le fard ridicule des autres, que les plus célèbres cathédrales de l'Angleterre. On a trouvé dans la poudre de ses bibliothèques des poëmes plus originaux, plus inspirés que les épopées les plus populaires de l'Allemagne. On a vu encore les manuscrits de ces poëmes souvent ornés de miniatures plus fines, plus gracieuses que les plus vantées du Vatican. On est arrivé ainsi à comprendre et à découvrir que, même en France, il avait existé un autre art, une autre beauté que la beauté matérialiste et l'art païen du siècle de Louis XIV et de l'empire. Cette découverte renfermait implicitement celle de l'art religieux. Nous n'hésitons pas à employer ce mot de découverte, parce qu'une réhabilitation aussi complète, aussi fondamentale que celle qui est exigée pour l'art religieux vaut bien l'invention la plus difficile. Malheureusement cette découverte n'a guère été faite que par des gens de lettres ou des voyageurs. La faire passer dans la vie pratique, la faire reconnaître par les artistes ou ceux qui aspirent à le devenir, la faire comprendre par ceux qui commandent ou qui jugent les œuvres dites d'art religieux, c'est là le difficile, mais c'est aussi là l'essentiel; car à l'heure qu'il est, il n'y a pas d'art religieux en France, et ce qui en porte le nom n'en est qu'une parodie dérisoire et sacrilége.

Ce n'est pas assurément que la matière de l'art religieux manque aujourd'hui en France plus qu'en aucun autre pays ou à aucune autre époque. Il y a une religion en France qui compte encore des millions de fidèles; or toute religion qui n'est pas née à l'état de secte, comme le protestantisme, a toujours donné la vie à un art qui pût lui servir d'organe, parler son langage à l'imagination et au cœur de ses enfants,

traduire ses dogmes en images vénérées et chéries, enfin parer ses rites et ses cérémonies d'un attrait mystérieux et populaire. Ce que la religion des Hindous, des Égyptiens, des Grecs, des Mexicains a fait, la religion catholique l'a fait aussi, mais avec une splendeur et une puissance à nulle autre égales. Notre patrie est couverte des produits de l'art catholique, qui ont survécu à trois siècles de profanations, d'ignorance et de ravages. Pour un Louvre, pour un Versailles dont la France s'enorgueillit, elle a cent cinquante cathédrales, elle a six mille églises qui remontent aux temps où régnait le véritable art chrétien. Ces cathédrales et ces églises, malgré leur pauvreté et leur nudité actuelles, ou plutôt à cause de cette nudité, offrent aux peintres et aux sculpteurs le champ le plus vaste, et presque le seul, pour leurs travaux; car on ne pourra pas avoir le bonheur et la gloire de faire un musée de Versailles à chaque règne, et où trouver aujourd'hui des particuliers qui remplacent pour l'art les princes et les prélats d'autrefois? Ces églises ouvrent chaque jour leurs portes à une foule plus ou moins nombreuse de personnes, qui y voient avec intérêt et émotion les représentations des objets de leur culte et de leurs croyances, et qui ne demanderaient pas mieux que de s'y intéresser avec ardeur et enthousiasme, si l'on prenait la peine de donner à ces représentations une valeur réelle et de la leur expliquer. Ce n'est donc pas, nous le répétons, la matière qui manque en France à l'art religieux; ce qui lui manque, c'est la foi, c'est la pudeur chez la plupart de ceux qui en sont les prétendus ouvriers. Ce qui importe, c'est de dénoncer aux hommes sincères et conséquents l'étrange abus qu'on fait des mots et des choses, un ordre d'idées et de faits qui exige plus de conscience et plus de scrupule qu'aucun autre. Ce qui importe encore, c'est de mettre à nu les plaies qui gangrènent l'application reli

dans

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