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Dans la crypte, l'arête des voûtes est indiquée par un large filet jaune bordé de brun. A leur croisement, une croix de Malte rouge est inscrite dans un cercle jaune. Un semis de fleurs rouges orne le fond des

voûtes.

La voûte de l'abside montre un Christ bénissant, entouré des quatre attributs évangéliques, renfermés, avec lui, dans une auréole. Leurs noms sont inscrits en caractères du XIIIe siècle, sur des phylactères que les animaux symboliques portent à la bouche. Mais, ici, ces symboles sont placés dans un ordre différent de la partie supérieure de l'église. Ainsi, saint Mathieu et saint Luc sont à droite du Christ, et saint Jean et saint Marc à gauche.

Quatre tableaux légendaires et deux sujets relatifs. à la vie d'un saint sont peints entre les fenêtres. Le dernier représente un chasseur tenant une arbalète détendue à la main et semblant poursuivre un animal qui vient se réfugier auprès du saint. Tout cela est exécuté avec une certaine barbarie, qui se montre partout dans les traits des personnages de la crypte. Mais tout est à sa place, et d'une ornementation sage et bien entendue. Avec des vitraux coloriés et des pavages en carreaux émaillés, l'église de St-Jean d'Abbetot devait avoir un ensemble dont on peut à peine se faire une idée aujourd'hui que les couleurs se fondent par l'action de l'humidité et que les murs sont envahis de mauvaises peintures par lesquelles on avait cru ajouter, il y a un ou deux siècles, à la beauté des décorations.

Je passe, Messieurs, à l'ancien bâtiment de Caudebec, mais pour poser un point d'interrogation (?). M. de La Quérière, que la Société a perdu tout derpièrement, en a parlé dans l'introduction à son magni

fique ouvrage sur les maisons de Rouen. Il en fait une ancienne maison, qui lui a paru dater du XIII° siècle. D'autres ont été plus loin et ont fait remonter l'édifice au XIIe siècle. Le bâtiment se termine, sur la rue des Boucheries, par deux pignons percés de fenêtres ogivales, dont les caractères annoncent la fin du XIII siècle. Jusqu'ici, rien de mieux. Deux maisons contiguës en pierre de cette époque seraient une rareté, mais pourraient se comprendre. Mais voici la difficulté: j'ai eu l'idée d'entrer dans l'édifice, et, à mon grand étonnement, j'ai constaté que, depuis une époque relativement moderne seulement, la construction servait d'habitation privée ; de grandes colonnes se partagent, en effet, en deux portions égales; les arcs en ogive forment l'étage supérieur; au-dessous, on retrouve les chapiteaux, et encore au-dessous les fûts cylindriques. Quel est donc ce bâtiment qui ressemble si peu aux églises ou aux maisons de nos contrées? La tradition l'attribue aux Templiers. Mais a-t-on des exemples de semblables édifices que l'on puisse donner comme ayant été bâtis par les membres de cet ordre ? Elle ajoute encore que les Protestants y établirent un prêche. Mais le style de la construction, qui ne saurait être postérieur au XIV° siècle, indique une époque plus ancienne que celle de la Réforme.

Quoique plus anciens, les monuments de Lillebonne sont plus faciles à expliquer. Je crois avoir adressé à la Société quelques détails sur les restes du cimetière gallo-romain, exploré en 1867. La découverte la plus remarquable fut celle de miroirs sphériques en verre doublé d'un métal, que M. Leudet, chimiste au Havre, reconnut être du plomb pur, sans trace d'amalgame. Un autre résultat de ces fouilles fut l'accroissement des

richesses du Musée du Havre. Quelques vases nous permirent de reconstituer, dans nos vitrines, un spécimen de sépulture du IIe siècle. L'urne, entourée des vases accessoires, est ouverte de manière à laisser voir à l'intérieur les cendres du défunt, les débris de poterie brisée à dessein comme pour figurer le naufrage de la vie, une médaille d'Antonin le Pieux et une fiole, dite lacrymatoire, en verre. Nous espérons prochainement offrir au Musée des Antiquaires un spécimen semblable. Il ne faut, pour cela, qu'une nouvelle découverte, et à Lillebonne la richesse des terrains nous permet d'espérer ne pas attendre trop longtemps.

En attendant, nous devons mentionner le produit des recherches de M. Duval, percepteur de la commune. M. Duval habite le presbytère de l'ancienne paroisse de St-Denis de Lillebonne, dont l'église est démolie depuis un certain nombre d'années. L'abbé Rever a vu cette église, et, en 1866, nous reproduisions le passage de son Mémoire sur les ruines de Lillebonne, où il en fait mention. Du temps de ce savant investigateur, on parlait peu d'églises des premiers siècles; on oubliait qu'au VIIe siècle il est fait mention d'un évêque de Lillebonne. Aussi, faisions-nous quelques réserves; nous disions nous ne rangerons pas parmi les restes de temples antiques quelques portions des murs de l'église St-Denis, à propos desquelles l'abbé Rever s'est exprimé en ces termes :

« Il y a dans le parement quelques endroits en pierres de petit appareil, dont la taille et les assises se rapprochent beaucoup de la bâtisse du théâtre, et l'on serait tenté de regarder ces restes comme ceux d'un sacellum converti au culte du vrai Dieu, si les mortiers n'étaient pas de mauvaise qualité.

« Car on sait que les premières églises chrétiennes de nos contrées ont été construites d'une manière analogue à celle des anciens temples du paganisme, avec lesquels elles ont été souvent confondues. » (Tableau arch. de l'arr. du Havre, page 37.)

Les découvertes de M. Duval justifient ces réserves. Il a recueilli des chapiteaux, des fûts de colonnes, des sarcophages qui annoncent bien l'ancienne époque chrétienne. Les chapiteaux, dont l'un est très-bien conservé, nous ont paru excessivement remarquables et très-bien caractérisés comme des premiers siècles, de même qu'une antéfixe laissant voir une croix pattée inscrite dans un cercle. Nous recommandons vivement à nos savants collègues l'étude de ces anciennes reliques d'une époque qui a laissé bien peu de traces dans nos contrées du nord-ouest. Ils trouveront, d'ailleurs, encore autre chose qui mérite d'être examinée : ce sont des débris de constructions romaines qui ont précédé le temple chrétien. Pour notre part, nous y avons recueilli des conduits de chaleur que nous avons déposés au Musée du Havre. Un autre objet trèscurieux est une ancienne serrure en fer que M. Duval nous a assuré avoir recueillie parmi les débris antiques. Elle est contenue dans une boîte cylindrique et fermant à l'aide d'une chaîne. Si, comme tout porte à le croire, cet objet est bien gallo-romain, nous l'estimons un des plus rares rencontrés en Normandie. Aussi serions-nous heureux de voir la Société des Antiquaires en faire un examen approfondi.

Quant à la mosaïque, elle est aujourd'hui trop bien connue pour que j'en fasse l'objet d'une communication un peu étendue. Je ne dois pas manquer de prier le Secrétaire d'agréer mes plus vifs remercîments

pour la bienveillance qu'il m'a témoignée en lisant en mon absence, au congrès de la Sorbonne, la note que j'avais adressée, et en prenant en main la défense de mes développements trop incomplets. Une erreur avait fait circuler dans le public une interprétation fautive de la double inscription. Cette erreur, je l'avais évitée en joignant en une seule phrase les deux séries de caractères (1). Il y avait peu de mérite à cela, ce que l'on peut surtout voir maintenant que M. L. Rénier s'est prononcé dans mon sens. Je dois donc être doublement reconnaissant à M. Eug. Chatel, qui a su si bien tirer parti d'une communication dont la valeur principale se basait sur la manière dont elle a été présentée aux savants réunis dans une enceinte où la Société des Antiquaires a toujours gardé le premier rang par le prix de ses travaux historiques et archéologiques. Ch. ROESSLER.

(1) Lors de ma première visite à la mosaïque de Lillebonne, le 5 mai 1870, j'avais réuni les deux inscriptions en présence de M. Pigné fils et de M. Duval, qui voulaient bien m'aider à ôter les planches et la paille recouvrant alors la mosaïque. J'ai répété la même assertion lors de ma seconde visite, en présence de M. Rossler père, de M. Duval et de M. Auguste Desgenetais, propriétaire à Gruchet-le-Valasse, à qui je montrai les diverses scènes de cet admirable travail. Je m'estime donc heureux de m'être rencontré en cela avec M. Roessler; du reste, ce rapprochement des deux inscriptions était d'autant plus facile qu'elles étaient rattachées l'une à l'autre par la particule conjonctive ET.

Eug. CHATEL.

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