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Cette chambre sépulcrale est située à environ 10 mètres du glacis de la troisième courtine, région sud-ouest extra-muros de Philippeville. Elle mesure 5 mètres 90 de longueur est-ouest et 4 mètres 10 de largeur nord-sud.

La mosaïque peut être considérée comme complète, à cause de la composition du sujet. Le fond est en petits cubes de marbre blanc disposés en écailles; au milieu une rosace à feuilles vertes, rouges et blanches, encadrée dans un guillochis. Le grand encadrement, au pourtour des murs, est disposé en entrelacs, cerné par des filets en marbre noir. L'ensemble produit un effet tout à la fois sévère et harmonieux.

Au fond, six niches contenant encore la partie principale des urnes cinéraires. Dans le mur nord, dix autres niches semblables sur une même ligne supérieure. Dans le mur sud, il devait y en avoir autant; mais la partie de mur vers l'est ayant été détruite, il ne reste plus que trois niches. A 76 centimètres des murs est et nord reposent les restes de deux sarcophages, l'un en calcaire, l'autre en marbre blanc. Ce dernier renfermait un cadavre d'enfant.

Nous adresserons sous peu à M. le général Périgot, commandant la province, les plan, coupe et élévation actuels du précieux document, et nous osons espérer qu'il voudra bien autoriser la construction d'une voûte en briques tubulaires protégées par une chape en mortier hydraulique, et la pose d'une grille en fer devant l'entrée primitive.

Philippeville pourra se flatter alors de posséder un des documents les plus dignes d'attirer l'attention des touristes et des archéologues.

Philippeville, le 28 février 1870.

Le conservateur du Musée,

J. ROGER.

Lecture faite par M. Roesler, président à la Séance de juin, sur les Antiquités du Havre.

MESSIEURS,

Je n'entreprendrai point de vous faire l'histoire monumentale de la ville où je suis né. Une statistique que j'ai publiée sous le titre de « Tableau archéologique de l'arrondissement du Havre » et dont vous avez bien voulu faire mon certificat d'aptitude à être des vôtres, tiendra lieu de ce que je pourrais vous dire sur ce sujet intéressant. Je vous mentionnerai seulement ce qui me paraît le plus digne de votre attention : notre ancienne Chronique de Fontenelle, les peintures murales de St-Jean d'Abbetot, un ancien édifice de Caudebec et les dernières découvertes de Lillebonne.

La bibliothèque du Havre, aujourd'hui placée sous la direction d'un savant conservateur, possède un ancien manuscrit de la Chronique de Fontenelle. Il est composé d'environ 300 pages petit in-folio, rédigées à des époques très-éloignées l'une de l'autre et rassemblées, en 1639, par un moine de St-Maur. D'après le résultat de notre examen, on doit regarder le texte compris entre la page 11 et la page 219 comme datant de la fin du IXe siècle, et ce qui se trouve entre la page 219 et le texte du XVe siècle nous paraît remonter au milieu du XI. La portion de l'ouvrage comprise entre les onze premières pages écrites au XVIIe siècle a dû se trouver égarée. Il ne serait pas impossible qu'elle eût été recueillie dans quelque collection, et quelques recherches dans ce sens ne seraient pas dépourvues d'intérêt.

La première chose qui frappe en feuilletant les an

ciennes pages de la chronique, c'est le soin et la propreté qui ont présidé à leur exécution. Évidemment ce travail a dû demander beaucoup de temps à son auteur, et l'auteur semble avoir rempli sa tâche avec amour et persévérance. Malgré ses soins, on voit cependant que l'art de l'ornementation des manuscrits n'était pas très-développé au IXe siècle. Quelques grandes lettres, plus ou moins habilement fleuronnées en tête des paragraphes, et les titres des chapitres exécutés en caractères rouges, voilà tout le luxe que s'est permis l'ancien chroniqueur. Pourtant le bon effet que produit l'opposition des caractères rouges et noirs doit nous empêcher de lui reprocher trop sévèrement sa simplicité, qui ne manque pas d'une certaine élégance. D'ailleurs, deux portraits coloriés sur les pages du manuscrit nous attestent que l'auteur n'était pas tout à fait inhabile dans l'art du dessin et de la peinture.

Ces deux miniatures représentent saint Ansbert et saint Wulfran, vêtus de leurs costumes épiscopaux et placés devant deux édifices qui rappellent, pour le style, ceux du XVIIe siècle. Dans le portrait de saint Wulfran, on remarque la présence de deux tours à la façade du bâtiment, qui ne peut évidemment représenter ici qu'une cathédrale ou une église abbatiale dans le style du temps.

Le synchronisme de ce manuscrit s'établit par des listes données par l'auteur. La liste des archevêques de Rouen se termine à Adélard. La liste des rois francs finit à Charles le Chauve, qui ne porte que le titre de roi, alors que ses deux prédécesseurs, Charlemagne et Louis le Débonnaire, sont qualifiés tous deux sous le nom d'imperator. Le dernier abbé cité dans la partie

ancienne de la chronique est Hérimbert. Si l'on compare la date de la mort de cet abbé (850) avec les derniers noms cités dans les listes des rois francs et des archevêques de Rouen, et si l'on se rappelle qu'en 862 l'abbaye de Fontenelle fut renversée et détruite par les Normands, on ne fera sans doute pas difficulté d'admettre que la portion du manuscrit, dont nous avons cherché à établir la date, a été terminée dans l'intervalle compris entre la mort d'Hérimbert et la ruine de l'abbaye, c'est-à-dire entre les années 850 et 862. Nous avons donc lieu de croire que nous possédons là le manuscrit le plus ancien et probablement l'original de la chronique de Fontenelle. Ce n'est pas une petite gloire pour la bibliothèque du Havre, taxée généralement, et faute d'études sans doute, de pauvreté en anciens manuscrits.

A un autre titre, nous devons signaler les peintures murales de l'église de St-Jean d'Abbetot (canton de St-Romain). Que de pertes, hélas ! devons-nous déplorer quand nous parlons de décorations d'églises ! Il existe pourtant, dans cette petite église, une série de peintures du plus haut intérêt. Plusieurs auteurs les ont mentionnées, mais elles sont encore trop peu connues, et d'ailleurs les dates qu'on leur a assignées ne peuvent se soutenir après un examen un peu approfondi. Le véritable historien de St-Jean d'Abbetot est un artiste dont nous venons d'apprendre le décès, M. A. Dauvergne, et encore nous croyons que sa monographie, si consciencieusement rédigée, est toujours restée manuscrite.

L'église de St-Jean d'Abbetot est, par son architecture, toute romane, ce qui aura sans doute égaré ceux qui en ont fait remonter les peintures à cette époque

monumentale. La crypte, dont la forme répond au chœur et à l'abside de la partie supérieure de l'église, a sans doute, par ses formes sévères et cintrées, contribué à propager cette erreur. En réalité, les décorations murales doivent remonter à la fin du XIII° siècle.

Sur la voûte de l'abside de l'église, et dans une auréole quadrilobée de couleur jaune, Jésus-Christ est représenté assis, à peu près de la même manière que sur les vitraux du choeur de la cathédrale de Rouen. De la main droite il bénit à la manière latine, et de la main gauche il porte le globe céleste enveloppé d'une croix. Un nimbe crucifère rouge et jaune lui entoure la tête. Autour de lui, et dans les cercles de l'auréole, sont représentés les attributs symboliques des quatre évangélistes. A la partie supérieure, l'ange, attribut de saint Mathieu, est placé à la droite, et l'aigle, représentant saint Jean, à la gauche; à la partie inférieure, le lion, qui désigne saint Marc, est à droite, et le veau, indiquant saint Luc, à gauche.

Entre les fenêtres de l'abside se trouvent les traces des quatre figures qui complétaient la série des apôtres peints sur les murs du chœur. Celles qui peuvent être reconnues représentent, dans l'abside, saint Pierre et saint Paul, et dans le choeur, saint Mathieu, saint Jacques, saint Barthélemy, saint Thomas et saint Barnabé.

Toutes ces figures ont été peintes par le même artiste et dans un mode uniforme de couleurs, sur un fond blanc semé de fleurs rouges. Les personnages sont représentés pieds nus. Presque tous sont barbus, excepté deux d'entre eux. Les arêtes des voûtes du choeur ont été ornées de bandes jaunes, bordées d'un brun violacé. Les murs étaient décorés par des carrelages rouges, avec une fleur à six pétales au milieu,

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