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dans les Gaules du temps même des Apôtres ou de leurs successeurs immédiats, » et que « les premiers missionnaires de l'Évangile en France doivent être assignés au Ier siècle de l'ère chrétienne. » Ces deux savants s'accordent sur ce point avec les Bollandistes de nos jours. J'ai donc eu raison de soutenir, conformément à la constante tradition du diocèse de Bayeux, que nous avons été évangélisés par saint Exupère, vers la fin du Ier siècle.

Je désire que la lecture de cette lettre soit agréable à notre Société, et qu'elle jette un peu plus de jour sur l'histoire de notre contrée.

Recevez, monsieur et cher confrère, l'assurance de mes sentiments affectueux et de mon parfait dévouement.

L'abbé Do,

Aumônier de la Visitation.

A M. le Serétaire de la Société des Antiquaires de Normandie.

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE,

Je suis allé hier voir de nouveau les pierres druidiques de la Plumaudière, dont je vous ai déjà parlé (1).

Un grand nombre d'entre elles se trouvaient sur un plateau, disséminées çà et là dans des champs parfaitement droits et dont la terre, d'excellente qualité, n'offre nulle trace de roches.

Deux de ces pierres sont encore debout; les autres

(1) Le rapport de M. l'abbé Laurent, président de la Commission déléguée par la Société, se trouve dans le t. XXVIII de nos Mémoires qui est sous presse. E. CH.

sont renversées sur le sol, un grand nombre sont enfouies. Les cultivateurs, pour s'en débarrasser, ont creusé des trous et les y ont fait glisser, pas assez profondément toutefois pour qu'on ne puisse les voir à fleur de terre. Elles sont toutes de même nature, du quartz blanc qu'on ne trouve pas dans la contrée. Un maçon du village qui m'accompagnait m'a dit avoir creusé au pied d'un grand nombre de ces pierres et avoir maintes fois labouré les champs où on les rencontre; partout il a trouvé, sous la terre arable, un fonds de tuf, pierre de schiste très-tendre.

Le sol du plateau se termine par une pente assez rapide qui conduit du nord-est à une petite vallée au milieu de laquelle coule un petit ruisseau, le Halgré, ou ruisseau de Mains-Sales (1), qui se perd plus loin dans la Druance.

Depuis le plateau où se trouvent les pierres jusqu'au ruisseau et de chaque côté de ce ruisseau, on voit au moins deux cents pierres de quartz blanc semblable à celui des pierres du plateau.

Les paysans les détruisent chaque jour et ils ont, avec ces pierres, construit des masses de fossé de chaque côté d'un chemin qui conduit à la vallée.

Les prés et les champs voisins sont littéralement semés de ces blocs, dont la masse grisâtre apparaît çà et là au milieu de l'herbe.

Je n'estime pas à moins de quatre cents le nombre des pierres qui devaient exister là, en tenant compte de celles qui ont été détruites ou enfouies dans le sol.

(1) C'est dans ce ruisseau que le bourreau se lava les mains, disent les paysans, après avoir écorché vif celui qui avait accusé à tort Mathilde d'avoir manqué à l'honneur. (J'ai receuilli toute cette légende, que je vous enverrai bientôt ),

Si, comme tout porte à le penser, ces pierres sont les vestiges de monuments gaulois, il faudrait aller jusqu'au fond de la Bretagne pour rencontrer un ensemble aussi important, et ces monuments, les plus curieux de la Normandie, mériteraient une sérieuse attention de la part de la Société.

Mes connaissances en archéologie ne sont pas assez étendues pour me permettre de donner mon opinion pour une certitude, et je serais très-heureux si vous vouliez bien venir sur les lieux vous assurer du degré de confiance qu'on doit lui accorder.

J'oubliais de vous dire que les champs du plateau, où se voient les pierres encore debout, se nomment le champ du Hou, et celui au nord de ces pierres le champ de devant le Heu ou Hu.

Hu est une divinité gauloise qui se confond avec le Dieu suprême (de La Villemarqué, Henri Martin).

Un autre champ situé au midi, en face, de l'autre côté du vallon, se nomme le champ Dolent.

Les prés de la vallée n'ont pas de nom particulier. C'est le diable, disent les paysans, qui laissa tomber «ces pierres, un jour qu'il les emportait pour détruire "l'abbaye naissante du Plessis-Grimoult. »

On voit au midi, à 400 mètres plus loin, une autre pierre aussi de quartz blanc, dans un champ labourable ce devait être un menhir. Il a environ 5 pieds de haut; il est renversé et cache des trésors, dit-on. On a fouillé au pied maintes fois. a Il y revient un lièvre la nuit, etc., etc. »>

Entre cette pierre et le champ du Hou ou du Hu, on voit d'anciens retranchements en terre, une forteresse, disent les paysans; M. Vasnier, médecin à Lassy, y à trouvé des médailles romaines en assez grande quan

tité. L'une d'elles est de l'impératrice Faustine (Annia Faustina junior), femme de Marc-Aurèle.

Il y avait auprès une chapelle et un cimetière qui contenait des cercueils en pierre; on a trouvé des épées rouillées dans ces sépultures; j'en ai rapporté un frag

ment.

Tout cela mérite l'attention, et je vous engage à venir ici aussitôt que vous le pourrez, nous y ferons un voyage.

Jules TIRARD.

Compte-rendu d'un article biographique de M. Samuel Frère, sur M. Charma, par M. le conseiller Renault,

MESSIEURS,

Vous m'avez chargé de vous présenter l'analyse d'une notice nécrologique sur M. Antoine Charma, par M. Samuel Frère, extraite de la Revue de la Normandie, et dont l'auteur vous a fait hommage.

« Les Normands s'en vont, dit M. Frère, et il ignore << si les Normands qui viennent nous en consoleront. << D'autres disent que non astronomes mélancoliques, << ils comptent sans cesse à l'Occident les astres qui << s'éteignent, sans jamais signaler à l'Orient les étoiles « qui s'illuminent. La Normandie ne quitte pas le <«< deuil. A Rouen, Bouilhet est mort non plus dans << son printemps, mais dans son plein été, alors que sa << muse, encore jeune, s'épanouissait aimable et char«<mante. A Caen, le philosophe Charma quitte ses

amis, sa famille, sa chère Athènes normande, sa « fille bien-aimée, la Société des Antiquaires de Nor<<mandie. »

La Normandie, Messieurs, fait sans doute, chaque année, des pertes fort regrettables; est-ce à dire qu'on doive désespérer de son avenir? Sur ce point Vous ne partagerez pas les craintes que semble éprouver M. Frère. Nous comptons beaucoup d'étoiles qui brillent de tout leur éclat, et d'autres qui ne sont encore qu'à leur aurore. Espérons qu'il en sera toujours ainsi sous le beau ciel de notre chère Normandie.

M. Frère, après avoir suivi M. Charma, à sa sortie du lycée Bourbon où il avait fait de brillantes études, achevé sa première éducation littéraire et philosophique, nous le montre arrivant à Caen, pour y occuper, même avant d'être docteur, la chaire de philosophie à la Faculté des Lettres.

Sans vouloir se constituer ni l'avocat, ni l'accusateur de M. Charma, qui savait parfaitement se défendre avec tact, finesse, sûreté de main, M. Frère ne croit ni au matérialisme, ni à l'immoralité, ni à l'impiété dont au temps de certaines luttes scientifiques et littéraires on accusa M. Charma; « mais il croit aussi que « les savants, du haut des sphères de la spéculation « où ils dissertent, pensent quelquefois un peu trop, « par amour de la science, au développement abstrait « de leur théorie, et ne se demandent pas assez quelles «< conséquences pratiques et concrètes les masses sau«ront y trouver ou seront portées à y chercher. Α « ce point de vue, les doctrines de M. Charma ont pu « être, sans aucune intention de sa part, indirecteament dangereuses pour la société de 1840. Il est vrai « qu'on peut faire dire à un mot bien des choses qu'il « ne dit pas, et que les opinions du professeur de philosophie de Caen ont été fréquemment travesties «ou exagérées. Mais ces excès mêmes devaient lui

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