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chemin de Nitry à Formency, à 2 kilomètres de Villiers et à droite, s'élèvent deux bornes finagères hautes de 80 centimètres. Sur la face nord, on lit: S. E. avec une crosse au milieu. Ce sont les armes de l'abbaye de St-Edme de Pontigny (1). »

On peut dire que cette coutume s'étendait aux propriétés ecclésiastiques en général. A Dieppe, nous avons connu et nous connaissons encore plusieurs maisons qui ont appartenu à la chapelle de St-Sauveur de Longueil, fondée dans l'église St-Jacques. Toutes portent, gravées sur une pierre de grès, les quatre initiales suivantes : S. S. D. L. (St-Sauveur de Longueil). De ce nombre, nous pouvons citer les numéros 3 et 49 de la rue de l'Épée, le numéro 30 de la rue de la Marinière, les numéros 9 et 11 de la rue de l'AnciennePoissonnerie, le numéro 50 de la rue du Haut-Pas, le numéro 3 du quai Henri IV. Ces maisons avaient été données à la chapelle pas ses fondateurs, les châtelains de Longueil. L'acte de donation remontait à 1300, la célèbre famille de Longueil conserva longtemps le droit de banc, de patronage et de tombe.

et

Comme une chose conduit presque toujours à une autre, ceci nous remet en mémoire un fait curieux, que nous avons eu l'occasion de consigner dans notre Histoire des églises de l'arrondissement d'Yvetot.

Avant la Révolution, la paroisse de Clipauville appartenait en grande partie à l'archevêque de Rouen. Un ancien registre de l'archevêché, aujourd'hui déposé aux archives départementales de la Seine-Inférieure, nous apprend que, sous Louis XIV, ces maisons de propriété ecclésiastique étaient marquées d'une croix.

(1) Répertoire archéologique de l'Yonne, p. 262.

C'était pour les habitants du lien et pour les agents du fisc le signe de l'allégeance épiscopale (1). Des personnes instruites m'ont assuré que ce signe était généralement usité pour tous les vassaux du Clergé. Nous connaissons çà et là bon nombre de maisons dont le pignon est marqué d'une croix en briques et en silex. Nous pensions tout d'abord que c'était pure fantaisie du propriétaire ; il n'en était rien: c'était une marque féodale et le signe d'une exemption ou d'une redevance seigneuriale.

M. de Beaurepaire, le savant archiviste de la SeineInférieure, nous apprend, dans les Notes et documents concernant l'histoire des campagnes de la Haute-Normandie, que, comme les fiefs, « les terres d'aumônes étaient distinguées des autres par une croix », afin d'avoir droit aux exemptions (2).

Le même paléographe a bien voulu nous communiquer plusieurs pièces relatives aux maisons croisées. La première concerne Clipauville et les maisons que l'archevêque de Rouen y possédait en 1673. Il s'agit d'une ordonnance imprimée de Mgr Rouxel de Médavy et de son sénéchal et garde du scel temporel, « des aumônes de l'archevêché. » Elle porte que : « Tous les tenants de Clipauville qui ont fait abattre les croix qui avaient été de tout temps immémorial sur le haut de leurs cheminées ou toit pour marque visible de teneur, ou qui en étaient tombées par vétusté ou par la violence des vents, seraient condamnés à les faire rétablir dans le mois. >>

Dans tout le diocèse de Rouen, il existait des maisons

(1) Les églises de l'arrondissement d'Yvetot, t. Ier, p. 326, 2o édit. (2) Page 199.

croisées. Nous en citerons seulement quelques-unes révélées par un document du XVIe siècle.

Dans le doyenné d'Aumale, toutes les maisons d'aumones et presque tous les presbytères avaient des croix. C'est ainsi que l'on cite Guillaume le Flamand, demeurant en une masure édifiée et croisée en la rue du FroitMoulin. Robert de La Porte et Jehan Le Sueur tiennent chacun une masure dans la rue des Marquiers. Ces maisons étaient croisées parce qu'elles relevaient d'un hôpital de St-Jean-de-Jérusalem. Dans la même pièce, on trouve mentionné le presbytère de l'église d'Aumale, « en la rue du Vieux-Bourg, qui est croisé et exempt de tout. «Miquiel des Jeais demeure sur la paroisse d'Orival, en la maison d'aumône de la maladrerie du lieu, où il y a une maison croisée. »

Enfin, sur les maisons croisées, on pourra consulter utilement la notice de M. de Beaurepaire sur le Droit d'asile au moyen-âge, et un travail de M. de Valroger sur le Droit normand au XVe siècle. Ce mémoire est inséré dans les publications de la Société des Antiquaires de Normandie (t. XVII, p. xLv).

L'abbé CоCHET.

Rapport de M. Gervais sur les monnaies découvertes aux Vignets de Formigny.

Un dépôt considérable de médailles romaines a été découvert en juin 1871 dans la commune de Formigny.

Ces médailles, au nombre de plus de 1,200, appartiennent au milieu du IIIe siècle. 155 de ces médailles ont été soumises à notre examen; elles sont toutes de petit module, c'est-à-dire de petit bronze ou de petit

bronze saucé; quelques-unes, mais en petit nombre, sont en billon de bas aloi.

Ces 155 médailles appartiennent :

41 au règne de Gallien,

14 à celui de Posthume,
9 à Victorin,

33 à Claude le Gothique,

17 aux deux Tétricus,

1 à Aurélien,

40 sont tout à fait frustes.

155

On peut donc fixer la date du dépôt à l'époque du règne des deux Tétricus et postérieurement à l'avènement d'Aurélien, c'est-à-dire à l'une des années 271, 272 ou 273.

Ces pièces, fortement altérées par l'oxyde, sont d'une fabrication des plus barbares et accusant une époque de troubles et de décadence.

Cette découverte, sous le rapport numismatique, n'offre absolument aucun intérêt. Nous l'avons déjà dit, la fabrication est grossière, les types sont communs et à peine peut-on signaler quelques petites raretés, qui -perdent tout leur prix par la grossièreté et l'imperfection des types.

Une seule de ces médailles fait exception: c'est celle d'Aurélien. La fabrication est bonne et la conservation parfaite. Elle porte d'un côté l'effigie de ce prince et cette légende assez extraordinaire: Saturninae Augustae. Au revers, une figure entre deux enseignes militaires, avec la légende: Concordiae militum; à l'exergue :

XX I P.

Saturnina était la femme d'Aurélien, et les médailles

à l'effigie de cette princesse sont même assez communes, quoique l'histoire la nomme à peine. Ce qui fait la singularité de celle-ci, c'est que la médaille est à l'effigie de l'empereur et la légende au nom de la princesse, comme une sorte d'hommage qui lui aurait été rendu par son mari.

Les monnaies de cette période de la deuxième partie du III° siècle, découvertes en si grand nombre depuis quelques années, permettent d'avoir une opinion plus nette relativement aux divers personnages qui se sont emparés de la souveraine puissance dans les Gaules à cette époque si troublée du règne des Césars. Par exemple, nous ne croyons pas, malgré l'autorité si considérable de Mionnet, qu'il existe ni même qu'il puisse exister de médaille de Posthume le fils.

Si ce prince eût réellement existé, s'il eût été associé à l'empire, s'expliquerait-on que, parmi tant de milliers de médailles de Posthume, qu'après un règne de neuf ans, on fût encore à se demander s'il existe ou non des médailles au type de Posthume le fils, et que la réponse affirmative, que quelques-uns ont cru pouvoir faire, n'ait encore aujourd'hui d'autre base qu'une médaille unique, au revers de laquelle on voit une seconde effigie que l'on suppose reproduire les traits de Posthume le fils. Quoique son nom ne soit pas inscrit sur la médaille, il faut noter encore que son association à l'empire n'est pas même indiquée par le redoublement du & du sigle AVG Sic AVGG, comme on le rencontre sur les médailles d'autres princes de la même époque, qui avaient conféré à leur fils le titre de César et d'Auguste, notamment sur les médailles de Gallien, pendant l'existence de son frère Salonin; sur celle des deux Tétricus, etc.

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