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marquant dans notre histoire. A titre de curiosité, j'ai cru néanmoins pouvoir vous communiquer ce document, d'autant que j'ai trop rarement l'occasion de payer ma dette aux Antiquaires de Normandie par quelque communication relative à l'histoire de ce pays. Veuillez agréer, Monsieur et cher confrère, l'assurance de mes sentiments respectueux et dévoués. Louis DUVAL.

Lettre de M. l'abbé Cochet.

Rouen, le 9 avril 1871.

MONSIEUR ET CHER SECRÉTAIRE,

Je dois vous avoir déjà écrit, il y a quelque temps, pour vous demander des nouvelles de notre chère Société; peut-être ma lettre ne vous est-elle pas parvenue, car je n'ai reçu aucune réponse et je vous sais scrupuleux et exact.

Je vous serai reconnaissant de vouloir bien plaider la cause du théâtre de St-André-sur-Cailly. La Société des Antiquaires de Normandie ne saurait abandonner un des monuments antiques de cette province, un monument auquel se sont intéressés MM. Auguste Le Prévost, Deville et Gaillard, les fondateurs de cette Compagnie.

En ce moment, les allocations gouvernementales et départementales nous font défaut. Nous voici comme en Angleterre, où le gouvernement ne se mêle de rien. Tout est laissé à l'initiative particulière. Dans ce grand pays, les associations opèrent des prodiges, et l'archéologie britannique est entièrement leur œuvre.

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Avec des révolutions comme celles qui nous travaillent sans cesse, il semble que nous devions bientôt

en être réduits à ne compter que sur nous-mêmes. C'est alors que nous aurons à bénir nos sociétés archéologiques de province, car nous n'aurons plus à compter que sur elles. En attendant, cher Monsieur, je vous prie, dans ce jour de résurrection, de vouloir bien plaider la cause des gens que je ressuscite.

A propos de résurrection, j'ai eu l'occasion de sonner la trompe de la résurrection générale dans un ancien cimetière de l'abbaye de St-Ouen de Rouen. - Le cimetière, délaissé depuis le XVIe siècle et peut-être dès le XV, m'a fourni quatre ou cinq couches de sépultures ou de tombeaux. J'ai rencontré là une assise de cercueils mérovingiens, une couche de grands tombeaux carlovingiens, une double couche de tombeaux capétiens (XI, XII et peut-être XIII° siècles), enfin, une assise des XIV et XVe siècles. Vous voyez que j'avais tout le moyen-âge sous les yeux, et remarquez que cette nécropole séculaire s'était installée sur un édifice romain, dont j'ai rencontré les tuiles, les poteries, les médailles et les colonnes.

Je me propose de vous [adresser] un mémoire détaillé sur cette nécropole chrétienne, rare et digne du plus grand intérêt.

J'ai passé dans cette fouille les tristes jours du mois. de mars, qui, à Rouen, nous ont apporté des émotions si pénibles et si diverses.

Veuillez, cher Monsieur, me croire tout à vous.

L'abbé CоCHET.

Note de M. de Brécourt, déterminant l'emplacement où ont été découvertes les poteries qu'il offre à la Société.

En 1855 et 1836, pendant le cours de la campagne

de Crimée, une occupation militaire des environs d'Athènes par des troupes françaises était devenue la conséquence du mauvais vouloir déclaré du gouvernement grec à notre égard.

Le débarquement de nos soldats avait eu lieu sans coup férir, et leur passage dans l'Attique n'eût pas laissé de trace si l'amiral Bouët-Willaumez, qui les commandait, n'avait songé à prêter leur concours à l'amélioration matérielle des abords du Pirée.

Grâce aux travaux de l'infanterie de marine, la Place de France avait d'abord été tracée et nivelée dans l'intérieur de la ville, et plus tard une route carrossable fut ouverte dans la direction du mouillage de Salamine.

Ce fut parmi les terrassements opérés dans cette dernière entreprise que la pioche mit à découvert un grand nombre de tombeaux anciens, dans lesquels furent trouvés beaucoup de vases funéraires.

Ceux que vous avez bien voulu accepter pour le musée des Antiquaires de Normandie n'ont pas d'autre origine.

DE BRÉCOURT.

Notice sur une pierre-limite de l'abbaye de SaintOuen de Rouen.

Les grands travaux opérés à Rouen, dans ces der nières années, ont mis en évidence les vieux murs de pierre qui formaient l'enceinte monastique de l'abbaye de Saint-Ouen. Sur ces vieilles murailles, qui ont bordé quelque temps la rue des Faulx, on a pu remarquer un écusson, sculpté sur pierre, qui présentait les restes de trois fleurs de lis, armes de la France. Cet écusson, qui était également celui du royal monastère, était

croisé d'une clef et d'une épée, attributs de saint Pierre et de saint Paul, patrons de la célèbre abbaye. Surmontant l'écu fleurdelisé, on voyait une crosse abbatiale qui spécifiait nettement le sens de cette pierre: c'était une borne parlante des propriétés de l'abbaye. La même chose se voyait aussi à Jumiéges. Tous les patrons étaient également saint Pierre et saint Paul. Dans les ruines de l'église abbatiale, M. Lépel-Cointet a réuni et conservé plusieurs bornes de pierre que nous croyons du XVIIe siècle. Sur elles sont sculptées deux clefs en sautoir, ou une clef et une épée croisées.

A Rouen, la pierre qui nous occupe est malheureusement un peu usée. Malgré cela, elle présente un grand intérêt comme coutume monastique d'une part, et comme monument archéologique de l'autre.

Nous croyons que cette pierre-limite (bound-stone, comme disent les Anglais) remonte au moins au XV siècle. Nous la supposons de l'époque anglo-française, période agitée, où les propriétés de l'abbaye avaient besoin d'être clairement déterminées. La forme de la crosse, celle de la clef et de l'épée indiquent assez le temps des Charles, qui est aussi l'époque de la construction de l'église.

Les vieux murs de St-Ouen ayant été démolis au mois de novembre dernier, pour l'agrandissement du jardin municipal, M. Beaucantin a eu soin de réserver cette épave de la féodalité. M. le maire de Rouen a bien voulu offrir ce curieux monument au musée d'antiquités, qui le conservera avec soin.

La coutume des pierres-limites (bouandaries-stones) n'est pas nouvelle pour les maisons monastiques, et nous savons que, parmi nous, elle a duré jusque dans ces derniers temps. Nous la trouvons pratiquée en An

gleterre dès le VIII et le Xe siècle. Saint Gothale, abbé de Croyland, mort en 734, limita les possessions de son abbaye au moyen de croix de pierre, dont une existait encore en 1772. La Société des Antiquaires de Londres, qui nous fait connaître ce monument, nous offre une croix grecque ou croix mérovingienne. On a cru lire sur la base : « Hanc petram Gothalcus habet metam » (1). L'histoire, d'accord avec les monuments parle du chancelier Turquetil, qui, au Xe siècle, aurait fait restaurer ces croix-limites : « Cancellarius Turketellus jussit cruces lapideas terminorum renovari » (2).

Les dernières preuves que nous connaissions de cet usage monastique, ce sont d'abord les bornes-limites de l'abbaye de Jumiéges, dont nous avons déjà parlé. Ce sont aussi les pierres avec inscription que l'on trouve sur les anciennes maisons de Paris. L'antiquaire, qui nous a cité ce dernier fait, avait eu l'occasion d'observer' plusieurs fois ces marques de propriété. Les maisons qui appartenaient au chapitre de Notre-Dame étaient marquées N. D.; celles des Chartreux portaient un C; celles de l'abbaye de St-Victor, S. V.; celles de SteGeneviève, S. G. E.; celles de St-Martin-des-Champs, S. M., et celle de St-Germain-des-Prés, S. G. N.

Au département de la Seine, nous pouvons joindre celui de l'Yonne, grâce au Répertoire archéologique de ce pays, récemment publié par le gouvernement français. Nous savons que la célèbre abbaye de Pontigny avait aussi des bornes-limites comme les monastères de Paris. Voici, en effet, ce que nous lisons dans le savant recueil rédigé par M. Quentin: « Sur le bord du

(1) Archæologia, vol. III, p. 96, et vol. VI, p. 378, pl. XIV, (2) Ibid., vol. V,.p. 101-104, pl. VI.

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