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reconnues pour avoir servi à garnir la ralingue de certains filets de pêche.

Nous aurions alors sous les yeux l'un des poids formant le lest nécessaire à compléter l'équipement d'un épervier quelconque, et cette explication pourrait être acceptée d'autant plus facilement, que ce petit objet a été trouvé sur la plage de Ouistreham, non loin de l'embouchure de la rivière.

Mais peut-être va-t-on dire avec raison que, le forage d'un silex étant chose longue et délicate, il est difficile de supposer qu'un pêcheur ait pris la peine d'exécuter un pareil travail, renouvelé trente fois peut-être pour arriver à la garniture complète de son filet.

Dans ce cas, en effet, il eût été préférable de choisir une pierre plus tendre, quoique suffisamment résistante, pour obtenir un résultat analogue.

Ne pourrait-on pas reconnaître, au contraire, dans cette rondelle siliceuse, un objet de parure, une amulette, qui, en sortant des mains de l'ouvrier, pouvait avoir acquis un poli brillant et même un aspect assez agréable? Nous serons alors en présence d'un bijou plus que primitif, il est vrai, mais ayant pu servir à rehausser la grâce virile de quelque beauté celtique.

Pour mon second caillou, il ne laisse aucun doute sur son origine et sur sa destination au temps de l'industrie rudimentaire de nos aïeux.

Ce silex taillé, qui mesure 22 centimètres dans sa longueur et 9 centimètres sur sa largeur, ne peut avoir été autre chose qu'une hache ou cognée, capable d'abattre, en temps de sève, des arbres d'une dimension très-considérable.

C'est à Bonneval, près du Sap (Orne), que ce silex a été découvert, à la surface du sol, où il faisait par

tie, je crois, des déblais provenant d'une mare creusée dans le voisinage.

Maintenant, pour juger de la façon dont cet outil pouvait être utilisé, je me le figure solidement fixé jadis dans un manche coudé formant douille ou mortaise, conformément à la méthode employée (que mes ancêtres me pardonnent ce rapprochement) par les sauvages de l'Océanie.

Deux types se rapportant à des ustensiles de ce genre figurent dans les galeries d'histoire naturelle de notre ville, et j'en joins le double croquis à cette note déjà trop longue.

Veuillez agréer, mon cher confrère, la nouvelle expression de mes sentiments les plus distingués et les plus affectueux. DE BRÉCOURT.

Habitations lacustres de la Savoie, par M. L. Rabut.— Album-1867.

MESSIEURS,

M. Laurent Rabut, professeur de dessin au lycée de Chambéry, membre de l'Académie des Sciences, BellesLettres et Arts de Savoie, et amateur distingué des antiquités préhistoriques, a offert à notre Société un album de planches formant l'annexe et le complément d'un mémoire composé par lui sur les habitations lacustres de la Savoie, lequel a obtenu le prix d'archéologie au concours des Sociétés savantes à la Sorbonne, en 1866.

Ainsi que le comporte le sujet même du mémoire, dont le texte ne m'a pas été communiqué, les dessins de cet album représentent des objets provenant tous des cités antiques découvertes depuis quelques années

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au fond des lacs de la Savoie, et classés dans les vitrines du musée départemental de Chambéry, des musées d'Annecy et de Thonon, ou dans les collections de l'auteur et celles de MM. Al. Beauregard, le comte Josselin Costa de Beauregard, C. de La Borde et Davat. De ces dessins, les uns sont de grandeur naturelle, les autres réduits à une moindre échelle. L'ensemble paraît disposé chronologiquement et selon l'ordre suivi dans le travail de M. L. Rabut.

Les périodes successives des âges lacustres se trouvent représentées sur l'album que je décris par de nombreux échantillons, dont l'aspect facilite singulièrement l'intelligence du récit et les explications de l'auteur. On distingue notamment plusieurs spécimens de poteries grossières, dont l'époque approximative est déterminée par la forme et la décoration; des fusoïdes ou pesons de fuseau, des poids pour filets de pêche, les uns et les autres tantôt en silex, tantôt en bronze; des grains pour colliers, des objets d'ornementation de substances diverses; des haches en pierre, d'autres en bronze, simples ou avec ailerons ; des hameçons en os, en bois ou en bronze; une collection de poinçons et d'aiguilles également en os ou en bronze; des anneaux, des bracelets, des torques, des boucles d'oreilles, des épées, des bouts de fourreau, des couteaux, des amulettes, des figúrines en bronze, des tissus d'étoffes à peine travaillés, une sorte d'arc, etc., en un mot, les vestiges respectés par les siècles d'une civilisation déjà en progrès.

Toutes ces planches sont d'une belle exécution, et la netteté avec laquelle l'artiste les a reproduites ajoute encore à l'intérêt du recueil qui les renferme.

Albert TROCHON.

IV.

NOTES ET COMMUNICATIONS.

Les porches de nos églises, à propos du porche de BoseBordel (Seine-Inférieure ).

Tout le monde sait ce que c'est que le porche d'une église. Chacun connaît ce corps avancé qui précède le portail et qui, selon les temps, a pris le nom de porche, d'aître ou de parvis. Les porches, rares dans les villes, sont communs dans les campagnes. Cependant ils disparaissent tous les jours, et, comme on n'en construit aucun, on ne saura bientôt plus ce que c'est qu'un porche d'église. Quelques-uns, toutefois, sont de vrais objets d'art et méritent d'être conservés pour la postérité. C'est un de ces derniers que nous décrivons ici, et, à cette occasion, nous demanderons au lecteur la permission de lui donner les états de service des porches. Ce sera la meilleure manière de faire l'oraison funèbre de ce vieux témoin de l'ancienne liturgie.

C'est dans les Pères de l'Église, les conciles, les synodes, les liturgies, les anciennes coutumes, que nous puiserons l'histoire des porches. D'après les Pères, le parvis des églises contenait des puits, des bassins, des fontaines, où les fidèles pouvaient se purifier avant de pénétrer dans le lieu saint. C'est à cette pratique qu'ont succédé nos bénitiers, que l'on voit parfois dans les porches, mais le plus souvent à l'entrée des églises. Ces formes préliminaires et préparatoires, qui, pour les fidèles adultes, n'étaient qu'une figure et une allé

gorie de la pureté nécessaire pour entrer dans les églises, devenaient une réalité pour les catéchumènes et les enfants non baptisés. D'après certains auteurs, les anciens baptistères ont été placés dans le parvis des églises. C'était là qu'étaient les fontaines et les bassins de la régénération. C'est dans le parvis de Notre-Dame de Rouen, à la fontaine de la Trinité, que furent régénérés deux scandinaves célèbres: Rollon, duc de Normandie, et saint Olaf, premier roi chrétien de Norwége.

Dans ces parvis, on avait élevé des chapelles circulaires, dédiées à saint Jean, le premier des baptistes. Ces chapelles, à cause de leurs formes, portèrent le nom de Saint-Jean-le-Rond. C'étaient là les anciens baptistères, dont il reste encore de brillants spécimens en Italie. Plus tard, aux XII et XIIIe siècles, quand il n'y avait plus que des enfants à baptiser, on introduisit la cuve baptismale dans l'intérieur des églises. Toutefois on continua à faire, dans les porches et dans les parvis, les exorcismes et les prières préparatoires au sacrement de baptême. Aussi, dans l'ancienne liturgie de Rouen, le prêtre disait-il à l'enfant : « Entrez maintenant dans le temple du Seigneur, afin d'obtenir vos droits à la vie éternelle: Ingredere in templum Domini. »

Les porches et les parvis étaient surtout utiles aux catéchumènes, qui, n'étant pas encore admis au baptême, ne pouvaient participer avec les fidèles aux mystères intérieurs. C'est là qu'ils se retiraient au moment solennel où ils étaient expulsés des saints mystères.

Avec les catéchumènes, et longtemps après encore, lorsqu'il n'y avait plus de baptêmes d'adultes, les porches ou parvis servaient aux pénitents astreints à la pénitence publique ou canonique. C'est ici que tout le

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