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comparativement au reste (1), et que le gable a été considérablement exhaussé à une époque très-peu ancienne, afin de donner à la toiture une inclinaison plus rapide (2); mais ces reprises sont si visibles, et le travail moderne est si différent de l'autre, que l'œil le moins exercé saisit sans hésiter l'ensemble et la forme de la construction primitive.

Eglise de la Basse-OEuvre à Beauvais. L'ancienne cathédrale de Beauvais, connue sous le nom d'église de la BasseOEuvre (3), remonte évidemment à une époque fort ancienne. Elle est aujourd'hui en partie détruite, et ce qui en reste se trouve masqué de tous côtés par des maisons. On distingue toutefois, au haut des murs latéraux, demeurés intacts un rang de fenêtres ornées de briques à la romaine; des fenêtres du même genre éclairaient les bas-côtés qui accompagnaient la nef principale.

La façade est terminée par un gable ou fronton triangulaire au centre duquel est sculptée en demi-relief une grande croix ancrée, dont le sommet se trouve placé entre deux petites ouvertures rondes.

Au-dessous du triangle formé par le gable, règnent deux corniches séparées l'une de l'autre par un intervalle ; plus bas

(1) Cette porte est de la fin du xvi. siècle.

(2) Les toîts de toutes les églises anciennes étaient plats, et dans la suite on les a souvent exhaussés pour faciliter l'écoule ment des eaux pluviales. — La façade d'église représentée sur les déniers de Louis-le-Débonnaire (pl. 1, fig. 15), prouve encore ce fait incontestable que l'angle des toits était, au 1xo. siècle, moins prononcé que dans les siècles suivants.

(3) Cette dénomination de basse-œuvre (ouvrage inférieur) fut donnée à l'église lorsqu'on eut bâti près d'elle la nouvelle cathé❤ drale qui, à cause de ses grandes dimensions et de son élévation, prit le nom de haute-œuvre (ouvrage supérieur).

est une fenêtre avec une archivolte ornée d'un quadruple rang de moulures figurant des étoiles.

Des maisons masquent la partie inférieure de cette façade; elle était percée de trois portes dont la plus grande était au

centre.

A l'intérieur, l'église de la Basse-OEuvre ne présente pas d'ornements ni de sculptures, elle ne paraît pas avoir jamais été voûtée. Les arcades qui séparent la nef des ailes sont toutes supportées par des piliers carrés.

La date de l'église de la Basse-OEuvre n'est pas connue ; mais on peut hardiment, je pense, la faire remonter au VIII. siècle. Il faut cependant remarquer que la façade ne paraît pas du même travail que les murs latéraux; on n'y voit pas de briques comme dans ceux-ci, et les moulures qui décorent la fenêtre centiale ont beaucoup de rapport avec celles qui se rencontrent fréquemment dans les siècles suivants; au reste je fais part de mes observations, plutôt pour provoquer un nouvel examen que pour exprimer une opinion décisive.

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Eglise Saint-Martin à Angers. Ce que l'on voit encore de la nef et de la croisée de l'église Saint-Martin d'Angers, aujourd'hui transformée en chantier, a été élevé par l'impératrice Hermengarde au commencement du IX. siècle, et c'est un échantillon précieux des monuments carlovingiens. Des lits alternatifs de briques et de pierres de taille se voient dans les quatre arcades du transept( pl. IV), ainsi que dans la grande porte de l'Ouest.

Les pierres employées dans les murs ne sont pas de petit appareil, elles ont environ quatorze pouces de largeur sur neuf ou dix pouces de hauteur; elles sont séparées les unes des autres par une couche de ciment dont l'épaisseur varie depuis un demi-pouce jusqu'à dix lignes. Les briques em

ployées dans les arcades ont, pour la plupart, neuf à dix pouces de longueur.

Saint-Pierre du Mans. Quoique l'église Saint-Pierre du Mans ait subi des changements à différentes époques, quelques portions des murs actuels peuvent être regardées comme trèsanciennes ; les parties basses surtout avec leurs assises de briques ont un caractère remarquable d'antiquité. M. Richelet, bibliothécaire au Mans, a signalé avec raison cette église comme la plus ancienne de la ville.

Vieux-Poni-en-Auge (Calvados). L'église que j'ai découverte à Vieux-Pont offre des rapports de style avec celle de Savenières; elle est construite en petit appareil dont les pièces sont séparées les unes des autres par une couche épaisse de ciment mêlé de brique pilée, et, de distance en distance, on y remarque des chaînes de briques comme dans les murailles romaines.

Les briques ont environ 15 pouces de longueur et sont séparées, comme dans les murs romains du Mans, de Tours, etc., etc., par une couche de mortier au moins aussi épaisse que la brique elle-même.

Les parties les plus remarquables sont la façade et le mur méridional de la nef dans lequel on remarque quelques parties des fenêtres primitives; ces fenêtres étaient étroites, cintrées, sans colonnes, et bordées d'un cordon de briques ; il est fâcheux que, pour se procurer plus de jour, on les ait détruites presque toutes, afin de leur substituer de grandes ouvertures informes et du plus mauvais goût. Heureusement de semblables détériorations n'auront plus lieu à l'avenir.

La tour carrée est appliquée contre le mur méridional du chœur, et l'on voit qu'elle masque une des fenêtres qui servaient à l'éclairer; ainsi elle serait moins ancienne que cette

partie de l'église; les briques qui forment des cordons dans la maçonnerie, sont en général moins grandes que celles des murs de la nef: quelques-unes même ne sont que des morceaux de briques retaillés (1).

Parmi les églises qui offrent des briques employées dans les murailles, on peut encore citer la petite église Saint-Mesmin, à une lieue d'Orléans, et quelques autres.

Le Lion-d'Angers. L'église du Lion-d'Angers (Maine-etLoire) peut aussi en partie être classée parmi les monuments qui appartiennent au roman primordial, si la nef est

(1) C'est dans cette tour que j'ai trouvé l'inscription suivante, gravée sur une pierre incrustée dans la maçonnerie :

VII. ID. FEBR. OBIIT

RANOLDVS

ILLE FVIT NATVS

DE GESTA FRAN

CORVM. ANI

MA EIVS REQVI

ESCAT IN PACE

AM. ILLE FEC. ISTAN

ECCLESIAM.

Elle pourrait, je crois, être ainsi traduite: Le 7 des Ides de février, mourut Renold : il était franc d'origine; que son âme repose en paix ; c'est lui qui a élevé cette église.

Reste à savoir si elle doit s'entendre de l'architecte de l'église toute entière, ou de l'architecte de la tour seulement. S'il était question de celui qui a construit la nef, et que l'inscription ne datât que du x1a. siècle, comme quelques personnes l'ont cru d'après la forme des lettres, il serait assez remarquable de trouver, à une époque aussi avancée du moyen âge, le système de construction qui était usité au 111°. et au Ive, siècles, et qui avait paru jusqu'ici pouvoir servir à caractériser les monuments de la première période romane, c'est-à-dire les édifices antérieurs au xe. siècle.

du Xe siècle, comme on le croit généralement. Le petit ap pareil très-régulier des murs latéraux, les fenêtres sans colonnes qu'on y reinarque, m'ont paru annoncer une date reculée. L'archivolte de la porte de l'Ouest est remarquable par la coupe des pierres qui la composent, et par le dessin symétrique qui résulte de leur assemblage.

Au nombre des édifices qui pourraient appartenir à l'architecture romane primitive, est la petite église de Saint-Généroux, département de la Vendée (1). Si j'en juge par les dessins que M. de Lafontenelle m'a procurés, elle pourrait bien remonter jusqu'au VIII. ou au IX. siècle. Le petit appareil des murs, les frontons triangulaires figurés entre les fenêtres sans colonnes, le peu d'élévation des pignons, etc., sembleraient, en effet, annoncer une époque assez reculée; mais, je le répète, il faudrait avoir vu l'édifice pour émettre une opinion assurée sur l'âge auquel on doit le rapporter.

A ce qui précède on pourrait ajouter un grand nombre de descriptions d'églises des VII., VIII. et IX. siècles, que nous ont laissées les chroniqueurs ; mais ces descriptions. apprendraient peu de chose de plus que ce que nous savons déjà, car elles parlent de la forme des églises de cette époque, plutôt que de leur style architectonique.

Plusieurs faits à noter ressortent pourtant des descriptions répandues çà et là dans les chroniques; elles nous prouvent, par exemple, que les autels étaient quelquefois placés le long des murs, sans qu'il y eût de niches on de chapelles pour les contenir; que celles-ci, moins nombreuses à cette époque qu'elles ne le devinrent dans la suite, étaient formées par

́(1) Saint-Généroux est situé entre Thouars et Parthenay, près de la petite ville d'Airvault.

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