Page images
PDF
EPUB

De ce que l'église Saint-Jean est formée de pièces mal ajustées, et dont quelques-unes ont dû être tirées de monuments antérieurs, on peut croire qu'elle n'a été élevée qu'après la destruction de l'idolâtrie à Poitiers, et dans le temps de la décadence de l'art.

Les ornements en briques incrustées formant une sorte de marqueterie, appartiennent au V. et au VI. siècles plutôt qu'à des temps antérieurs, et la croix sculptée deux fois sur les façades, annonce bien un temple chrétien.

Mais dira-t-on la forme de l'édifice ne ressemble point à celle d'une église. Cette objection qui a souvent été reproduite, me paraît facile à résoudre. Il est en effet bien prouvé que l'église Saint-Jean a servi en même temps d'oratoire et de baptistère. En faisant des fouilles, on a découvert, au-dessous du pavé, une piscine revêtue de marbre, dans laquelle on avait administré le baptême par immersion, et Dom Martenne rapporte qu'autrefois on ne baptisait jamais dans les autres paroisses de Poitiers, et que l'église Saint-Jean servait de baptistère pour toute la ville (1). La forme insolite du monument est donc suffisamment expliquée par sa double destination.

Saint-Samson-sur-Rille (Eure). On a détruit tout récemment une église située en Normandie, que l'on pouvait attribuer avec certitude à une époque antérieure au Xo. siècle, et les amis des arts s'affligent à juste titre de cette perte irréparable (2).

(1) Voyage littéraire, p. 3. D'après l'ancien cérémonial de Poitiers, que l'on croit écrit au XIII. siècle, l'évêque devait baptiser chaque année, le Samedi-Saint, deux garçons et une fille dans l'église Saint-Jean.

(2) M. Le Prévost nous a donné de cet édifice une description

Dans son dernier état, l'église de Saint-Samson-sur-Rille n'appartenait pas tout entière à une époque antérieure à l'invasion normande; mais une partie des murs pouvait, selon toute apparence, être rapportée au VIII. siècle.

L'un des murs latéraux de la nef offrait, particulièrement dans sa partie supérieure et autour des fenêtres, un assez grand nombre de briques qui avaient beaucoup d'analogie avec les briques romaines; du côté de l'évangile on distinguait parmi les matériaux dont le mur était composé, plusieurs fragments de pierres sculptées, dont quelques-uns pouvaient provenir d'une construction plus ancienne et peut-être de l'époque du Bas-Empire. Vers l'Ouest et près du portail, chacun des murs latéraux était percé d'une porte de construction très-rustique et bouchée depuis long-temps: ces portes étaient composées, l'une et l'autre, de deux énormes jambages et d'un linteau triangulaire non moins grossier formant une espèce de fronton ou de tympan.

Un mur très-épais séparait la nef du chœur ; il était percé d'une arcade semi-circulaire supportée par deux grosses colonnes dont les chapiteaux d'un style très-remarquable ont été figurés sur la planche III (nos. 1—2) (2). Enfin des piliers carrés surmontés d'un simple tailloir, qui supportaient à l'intérieur de la nef des arcades aiguës, paraissaient beaucoup plus anciens que ces arcades et pouvaient appartenir à la première construction.

intéressante qui fait partie du 4°. volume des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, p. 472-496.

(2) Les petits fleurons sculptés sur le chapiteau uo. 1 ont beaucoup de ressemblance avec ceux qui se voient sur la façade de l'église Saint-Jean de Poitiers (pl. 11).

En détruisant l'église Saint-Samson, on a trouvé au-dessous d'une couche de mortier et d'un badigeon qui recouvraient les murs, des briques de différentes formes incrustées et disposées régulièrement de manière à former des dessins à l'intérieur de l'église.

Appelé trop tard pour juger de l'effet de cette décoration, M. Le Prévost a recueilli quelques-unes des briques provenues de la destruction des murs, et des fragments de sculpture dont plusieurs paraissaient avoir appartenu à des archivoltes. J'ai figuré sur la planche III une partie de ces briques et de ces fragments.

Le fragment no. 3 offre une série de losanges en relief au centre desquels sont de petites cavités circulaires qui, je crois, avaient été remplies avec du ciment coloré.

Le n°. 4 est orné d'une branche de vigne conduite en serpentant de manière à dessiner des rinceaux. Au centre de chacun des enroulements est un fruit qui ressemble à un gland et un oiseau becquetant une grappe de raisin. Les guirlandes de pampre avec leurs fruits sont très-fréquentes dans les monuments de l'ère gallo-romaine.

Le fragment no. 5 faisait encore partie d'une archivolte; on y voit un vase d'où sortent deux feuilles qui retombent à terre, et deux cornes d'abondance qui laissent échapper des grappes de raisin; j'ai trouvé plusieurs fois le même sujet sur des poteries romaines.

Les fragments n°. 6, 7 et 8, sont remarquables par les incrustations en terre cuite qui les décorent.

Le tailloir no. 9 servait probablement de support à l'un des côtés d'une arcade. Les ciselures qui le recouvrent sont tout-à-fait romaines, si l'on peut parler ainsi (1).

(1) Les feuilles lancéolées qui avec les grappes de raisin gar

Le chapiteau no. to est d'un style si ressemblant à celui du fragment no. 9 qu'il faisait probablement partie de la même porte ou de la même arcade.

Le fragment de corniche n°. 11 et le modillon no. 12 ont anssi une physionomie toute romaine et se distinguent facilement des corniches et des consoles que l'on voit dans l'architecture romane secondaire.

Quant aux briques incrustées, les no. 13, 14, 15, 16, donnent une idée de leurs principales formes (1). Le cabinet de M. Le Prévost en renferme plusieurs autres, et l'on y remarque une clef de voûte recouverte de petites incrustations en terre cuite figurant des écailles de poisson (2).

Eglise Saint-Eusèbe. L'église Saint-Eusèbe, au sommet d'une éminence sur la rive gauche de la Loire, à Gennes, arrondissement de Saumur, offre une nef ruinée dont la ma

nissent la guirlande sculptée à la partie supérieure de ce tailloir

[ocr errors]

se rencontrent très-communément sur les poteries romaines. (1) Il est à remarquer que les briques incrustées de SaintSamson étaient faites d'après la forme en dépouille, c'est-à-dire que la partie engagée dans le mur, présentait une pyramide tronquée ( no. 13 B. pl. 1). Ce procédé était employé par les Romains pour obtenir plus de propreté à l'extérieur des murs, en cachant l'épaisseur du mortier qui servait à fixer les pièces incrustées.

(2) M. Le Prévost a déposé dans le musée de la Société des Antiquaires de Normandie, quelques-unes des briques recueillies à Saint-Samson, ainsi que les fragments de sculpture figurés pl. II depuis le no. 3 jusqu'au no. 12. J'ai remarqué que ces fragments sont en calcaire grossier à Cérithes; or, cette espèce de pierre ne se trouve pas dans l'arrondissement de Pont-Audemer, d'où l'on pourrait croire que les ornements dont je parle ont été sculptés loin de Saint-Samson avant d'y avoir été apportés et placés.

çonnerie en petit appareil romain est divisée horizontalement par des cordons de brique. Du côté du Nord est une porte dont l'archivolte est formée de pierres et de briques placées alternativement, et dans la partie supérieure du mur un rang de très-petites arcades semi-circulaires, aujourd'hui bouchées, formées de pierres et de briques. Chacune de ces fenêtres devait ressembler en petit à l'orifice d'un four. Leur diamètre intérieur n'était que de dix pouces environ.

Savenières. L'église du bourg de Savenières, sur la rive droite de la Loire, à trois lieues à l'Ouest d'Angers, offre deux époques bien distinctes. Le chœur ne peut être reporté au-delà du XIo. ou du XII. siècle; mais la façade de l'Ouest (pl. IV) et une partie des murs latéraux d e la nef remontent probablement au VI. ou au VII. siècle.

Le parement des murs de cette façade est en pierres carrées noires ou grises, de marbre et de silex, d'un volume uniforme, comme dans les constructions romaines en petit appareil. On remarque à différentes hauteurs, depuis le niveau du sol jusqu'au sommet de l'ancien fronton, six larges bandes de briques posées en feuilles de fougère, et trois petits cordons composés seulement d'un double rang de briques posées à plat (voyez la pl. IV). Ces différentes lignes rougeâtres produisent un effet d'autant plus remarquable qu'elles contrastent par leur couleur avec le fond rembruni de la muraille. Deux fenêtres percées au centre ont leurs archivoltes garnies de briques, et l'on remarque encore tout près de l'extrémité du pignon, des briques disposées de manière à former un triangle. J'ai soigneusement exprimé tous ces détails dans le dessin que je donne sur la pl. IV; on reconuaît facilement à la première inspection de cette vue que la porte placée au centre de la façade est un ouvrage bien récent

« PreviousContinue »