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instruments devinrent d'un usage général dans les églises n'est pas encore certaine on la fixe communément au V. siècle. D'abord peu volumineuses, les cloches ne nécessitèrent pas l'érection d'un bâtiment particulier; ce ne fut guère qu'au VIII. ou au IX. siècle que leur volume plus considérable rendit les tours indispensables. Anatase le bibliothécaire rapporte qu'en 770 le pape Etienne III en fit bâtir une súr l'église de Saint-Pierre de Rome, dans laquelle il plaça trois cloches pour appeler les fidèles aux offices. L'auteur ne dit pas que cette église manquât de tour auparavant, mais il y a lieu de le

supposer.

Or, si la première basilique du monde chrétien ne fut pourvue d'une tour que dans la deuxième moitié du VIII. siècle, nous pouvons admettre hardiment qu'on n'en éleva guère avant cette époque dans la France occidentale. Et encore y furent-elles rares jusqu'à la fin du Xo. siècle.

Tout en admettant que les tours d'églises furent extrêmement rares chez nous avant le IX. siècle, je ne prétends pas déterminer l'époque de leur apparition ni la limiter au VIII. siècle; quelques rudiments de tours pouvaient déjà s'être montrés dans le VII. siècle, je ne connais aucun auteur Français qui puisse être invoqué en faveur de cette supposition, mais parmi les chroniqueurs anglais, Richard, prieur d'Hexham, donne à entendre, dans la description qu'il a faite de l'église de cette abbaye qui avait été bâtie au VII. siècle, par saint Wilfrid, que le centre du transept était surmonté d'une tour en forme de coupole. Quoi qu'il en soit, les plus anciennes tours furent peu élevées et carrées pour la plupart. Celle que l'on voit encore sur le transept de l'église de Saint-Martin d'Angers, bâtie dans le IX. siècle, est de cette forme; elle est percée de plusieurs arcades sans colonnes

et sans autres ornements qu'un tailloir ou cordon encadrant la plate-bande des cintres; elle est peu élevée et terminée par un toît pyramidal obtus à quatre pans (1).

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L'association des tours avec le corps des édifices religieux présenta pendant long-temps de très-grandes difficultés ; tantôt on les plaça au centre de l'édifice, tantôt au-dessus du portail de l'Ouest, quelquefois aux extrémités des transepts ; mais bien souvent les architectes moins hardis établirent leurs tours à côté des églises et en firent ainsi des constructions accessoires presque sans liaison avec les autres parties des édifices.

Quelle que fût d'ailleurs la place qu'elles occupaient, les tours étaient carrées, terminées par une toiture pyramidale obtuse à quatre pans, et percées sur leurs faces d'un certain nombre de fenêtres semi-circulaires. Un petit nombre seulement durent affecter la forme d'une coupole hémisphérique.

Ornements. Il serait difficile, en considérant le peu de monuments anciens qui nous restent, de donner l'énumération précise des moulures employées dans la décoration des édifices religieux de la première époque. On peut affirmer cependant que les billettes, les frètes et nombre d'autres sculptures que l'on trouvait figurées sur les pavés en mcsaïque de l'époque gallo-romaine, ont été reproduits plus ou moins fréquemment par les artistes chrétiens.

Les incrustations en pierre de couleur et en terre cuite, les arcades sans ouvertures, à plein cintre, les niches et les fausses fenêtres surmontées d'un fronton triangulaire, furent

(1) Quelques motifs pourraient porter à croire que la tour de St.-Martin d'Angers est moins ancienne que les arcades qui la supportent; aussi n'est-ce qu'avec beaucoup de réserve que je la cite ici comme type des plus anciennes tours d'églises.

encore des ornements employés assez fréquemment tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des édifices des premiers siècles du moyen âge.

Outre les ornements sculptés et peints sur les murs, on voyait encore dans des églises des tentures en étoffes plus ou moins riches et parfois brodées d'or et d'argent.

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Pour donner une idée plus précise du style des anciens édifices religieux, du genre et de l'effet de leurs ornements, je vais décrire rapidement quelques-uns de ceux qui m'ont paru particulièrement remarquables.

Eglise Saint-Jean de Poitiers. L'église Saint-Jean de Poitiers est probablement l'un des plus anciens monuments religieux qui existent en France. Déjà examinée par un assez grand nombre d'antiquaires, les uns l'ont prise pour un temple élevé sous Auguste, les autres pour un édifice du III, siècle; d'autres n'y ont vu qu'un ancien tombeau romain. Le savant abbé Lebœuf, plus versé dans la connaissance des antiquités, soutint au contraire que ce petit édifice avait été dès son origine un monument chrétien, et cette dernière opinion me paraît la seule qui soit admissible (1).

Le principal corps de ce bâtiment est en forme de carré long ayant environ quarante pieds sur vingt-cinq.

Une addition faite au XI. ou au XII. siècle parallèlement à l'un des grands côtés du carré (celui du Sud-Ouest) défigure un peu l'édifice, mais il est aisé d'en reconnaître la forme primitive. Les petits côtés du carré formé par l'église ancienne sont terminés par des pignons ou gables à double égout.

Le centre de chaque gable est rempli par trois grandes pierres sculptées (voir la planche IIe).

(1) V. la dissertation publiée par Siauve en 1804 en l'ouvrage de M. Dufour sur le Poitou.

Celle du milieu, qui est la plus haute, présente un carré encadrant une rosace, et surmonté d'un fronton triangulaire dont le centre est orné d'un fleuron; les deux autres pierres n'offrent que des frontons triangulaires au milieu desquels on remarque des fleurons à six feuilles, formés de briques in

crustées.

Une corniche supportée par des modillons règne au-dessous du gable, et plus bas se trouvent plusieurs rangs alternatifs de briques et de pierres de taille ; on a placé dans cette partie du mur une arcade cintrée dans le timpan de laquelle est une croix grecque et de chaque côté de cette arcade un fronton triangulaire dans le même goût que ceux du gable.

Ces différents ornements reposent sur une corniche soutenue par quatre pilastres peu saillants et fort courts, munis de chapiteaux d'une exécution grossière.

Deux ouvertures rondes se voient aussi dans cette partie de la façade, mais on reconnaît facilement qu'elles étaient primitivement plus allongées, et que ce n'est qu'après avoir été bouchées en partie que ces fenêtres sont devenues de simples ouvertures en œil de-bœuf.

Au-dessous des fenêtres était une corniche qui n'existe plus qu'en partie, et une porte bouchée depuis long-temps par l'addition d'une espèce de corps avancé semi-circulaire formant apside (voir la planche II).

L'autre pignon en face du précédent offre les mêmes ouvertures disposées de même, seulement la porte d'enbas est fermée par un mur droit et non par un mur circulaire (1).

(1) On peut voir dans mon Cours d'antiquités, p. 86, tome IV“, les détails étendus que je donne sur l'église Saint-Jean.

Les murs de l'église Saint-Jean sont construits avec une grande solidité; il est à remarquer que les pierres du revêtement ne sont pas carrées : elles sont beaucoup plus larges que hautes, ayant trois ou quatre pouces en hauteur et de sept à quinze pouces en largeur. En cela elles se rapprochent de celles qui sont employées dans les arênes de Bordeaux.

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On a mis beaucoup de négligence dans l'ajustement des principaux ornements extérieurs. Partout on remarque un défaut de symétrie tel que les quatre pilastres déjà assez barbares qui ornent chacun des murs au niveau des fenêtres ne sont pas d'aplomb (voir pl. II), et que les corniches presque toutes de travers n'ont pu être maintenues en lignes horizontales, malgré le peu d'étendue des faces de l'édifice.

A l'intérieur plusieurs arcades reposent sur des colonnes en marbre qui paraissent avoir été arrachées à des monuments plus anciens, car chacune d'elles varie en grosseur et en hauteur, et il résulte de ce défaut de proportion des différences notables dans le niveau des impostes qui supportent les bases d'une même arcade; ces incohérences choquantes prouvent la négligence des architectes plus encore que leur inhabileté. Il semble qu'ils aient voulu faire entrer dans cet édifice les matériaux qu'ils avaient réunis, sans se donner la peine de les ajuster convenablement.

Les chapiteaux des colonnes sont tous considérablement usés et endommagés ; cependant il est facile de voir qu'ils diffèrent presque tous les uns des autres ; ils s'adaptent d'ailleurs assez mal avec leurs fûts; ceux-ci sont tous d'une seule pièce, d'un marbre grenu noir et blanc dont j'ignore l'origine. Le marbre des chapiteaux est plus compacte, d'un blanc tirant sur le gris.

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