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CHAPITRE IV.

Pour mettre plus d'ordre et de clarté dans l'énumération des caractères de l'architecture romane primitive, je vais décrire séparément et successivement les différentes parties qui constituent les édifices religieux, et autant que je le pourrai, je suivrai la même méthode lorsque j'aurai à parler des caractères qui distinguent ces monuments aux autres époques du moyen âge.

Plan des églises. Nous avons déjà dit (p. 31) que les églises se composaient de trois nefs inégales terminées circulairement du côté de l'Est, et d'une espèce de nef transversale appelée transept qui donnait aux édifices la forme d'une croix (pt. I"., fig. 9—10.) Nous devons ajouter que les églises à une seule nef, avec ou sans transepts, telles qu'on en voit beaucoup dans nos campagnes, ont toujours été fort nombreuses ; quelques-unes n'offraient qu'un simple rectangle, terminé par une apside circulaire, comme nos chapelles.

Mais nous avons principalement à nous occuper ici des monuments les plus considérables, et à ce sujet on peut remarquer que les cryptes prirent un accroissement notable depuis le V. siècle. D'abord ce n'étaient que des cavités étroites destinées à recevoir les restes des saints et des martyrs, avec un seul autel, qui, comme je l'ai dit, portaient le nom de confessions; plus tard ce furent des chapelles qui s'étendaient sous le chœur et parfois sous les nefs; quelquesunes eurent plusieurs autels et présentèrent en petit l'image de l'église supérieure.

Quant au reste, le plan des églises fut, à partir du VI•.

siècle, peu différent de celui que nous avons indiqué; seulement le chœur s'allongea progressivement, et les autels se multiplièrent autour de l'autel principal.

Appareils. Le petit appareil formé de pierres présentant une surface de trois à quatre pouces sur tous sens séparées les unes des autres par une couche de ciment assez épaisse, et parfois saillante, est celui que l'on voit le plus souvent.

L'appareil composé de pierres plus larges que hautes, se rencontre moins fréquemment. Il en est de même de l'appareil moyen (1).

Le grand appareil n'a été employé que rarement dans les premières constructions religieuses de la France occidentale, si l'on en juge par ce qu'il nous en reste aujourd'hui.

La brique avait été fréquemment employée dans les constructions de petit appareil; elle y avait été disposée par zônes horizontales pour maintenir le niveau des assises, et aussi pour l'ornement extérieur des édifices; ainsi on avait souvent remplacé les moulures et les corniches par des cordons de brique dont la couleur rouge se détachait sur le fond gris ou blanchâtre des murs (2). Le même système se perpétua durant plusieurs siècles du moyen âge; on fit même de cette opposition de couleurs un des éléments de la décoration extérieure des édifices, et des briques de différentes formes furent incrustées sur les murs de manière à produire des dessins symétriques.

Colonnes et pilastres. Les colonnes cylindriques qui, dans les beaux temps, servaient de support aux arcades furent, vers la fin du IV. siècle, fréquemment remplacées par des piliers carrés comme on en voit à l'intérieur de plusieurs églises

(1) Voyez dans la seconde partie de mon Cours la description et la classification des appareils.

(2) V. la 3o. partie de mon Cours.

antérieures au X. siècle, notamment dans celles de SaintMartin d'Angers, et de la Basse-OEuvre à Beauvais, dans la nef de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle, bâtie par Charlemagne vers la fin du VIII. siècle, etc., etc. Les piliers, offraient donc assez ordinairement de simples prismes carrés, pourvus de leurs corniches, mais qui n'étaient point couverts de ces demi-colonnes engagées dont l'usage devint presque général dans la suite.

Entablement. Les altérations qui s'étaient manifestées dans l'entablement des édifices,au IVe.siècle,ne firent qu'augmenter dans les premiers siècles du moyen âge; partout on vit les arceaux des voûtes reposer sur les chapiteaux des colonnes: souvent on supprima les frises et les architraves, pour ne conserver que des corniches supportées quelquefois par des consoles ou modillous.

Dans bien des monuments ces modillons ne portaient aucun ornement et figuraient simplement l'extrémité d'une poutre taillée en biseau.

Dans quelques autres, ils présentaient des volutes, des têtes bumaines ou même des têtes d'animaux, mais n'offraient pas en général la même variété ni la même bizarrerie que celles des siècles suivants.

Fenêtres. Les fenêtres, toujours cintrées, étaient d'une dimension moyenne (environ trois ou quatre pieds de hauteur, sur un pied et demi ou deux pieds de largeur) ayant ordinairement en hauteur le double de leur largeur. Elles n'offraient point de colonnes à l'extérieur, et le cintre qui les couronnait reposait presque constamment sur des pilastres. Ce cintre luimêine était d'une grande simplicité et rarement décoré de moulures; on n'y voyait le plus ordinairement qu'un rang de pierres symétriques.

Quelquefois ces pierres étaient séparées les unes des autres par deux ou trois briques accolées; il était assez ordinaire d'encadrer cette archivolte mi-partie de pierre et de brique, dans une bordure, tantôt simple, tantôt double, de briques disposées en demi-cercle. Lorsque cet encadrement était double, comme dans l'église de Savenières, un rang de pierres rectangles de petit appareil remplissait l'intervalle compris entre les deux cordons semi-circulaires.

Dans les fenêtres où l'on n'a point employé la brique, les cordons dont je parle ont souvent été remplacés par des saillies en pierre, simples ou doubles, qui produisent un effet à peu près semblable.

Portes. Le cintre des portes reposait ordinairement sur de simples pieds droits ou pilastres, rarement sur des colonnes; il était orné de différentes moulures et incrustations, où simplement de pierres cunéiformes symétriques, alternant parfois avec des briques et surmontées d'un cordon en saillie comme les fenêtres du même temps. Presque toujours une porte carrée était ouverte au milieu de l'arcade principale, et l'on mettait en pratique le précepte que donne Vitruve (1) « ďélever une voûte au-dessus du linteau, afin que le poids du mur supérieur porte sur les pieds droits, et qu'ainsi on évite les fractures qu'un poids considérable pourrait occasionner dans les lintaux. >>

Le tympan était rempli tantôt en petit appareil simple ou réticulé, tantôt par l'image de la croix ou par quelque autre bas-relief.

Les portes principales étaient placées dans la façade de l'Ouest et dans les murs latéraux, soit au Nord, soit au Midi.

(1) Liv, vi, chap. xì.

Arcades. Les arcades qui mettaient la nef en communication avec les ailes n'offraient le plus souvent pour décoration que des pierres symétriqués, quelquefois séparées les unes des autres par des briques suivant le système du temps; mais la grande arcade qui était au milieu des transepts, entre le chœur et la nef, était quelquefois ornée d'incrustations et de moulures. Cette arcade portait en effet, dans les premières églises, le nom d'arc triomphal, parce qu'elle ressemblait à un arc de triomphe et qu'on y représentait quelquefois, en mosaïques, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. C'est de là que vient encore aujourd'hui l'usage de suspendre des crucifix dans cette partie de nos églises.

Voutes. La plupart des églises romanes primordiales n'étaient point voûtées en pierre; la charpente qui supportait le toit demeurait souvent à nu comme dans les basiliques romaines, et les plafonds, lorsqu'on en faisait, étaient presque tous en bois. Les anciens architectes éprouvaient une grande difficulté à construire des voûtes un peu larges en pierres; ce ne fut qu'assez tard, vers le XI. siècle, et surtout après l'introduction de l'ogive au XIII., qu'ils devinrent habiles dans ce genre de travail.

Le petit nombre des voûtes en pierre qui furent élevées dans nos églises romanes primitives présentaient, comme celles que nous trouvons encore dans quelques monuments romains, et comme celles que l'on fit dans les XI., XII. et XIII. siècles, un massif formé par des moellons de toute forme, mais généralement d'un petit volume, noyés dans du mortier. On voûtait de préférence la partie semi-circulaire du chœur, ainsi que les ailes et les chapelles.

Tours. Les Romains se servaient de cloches, et ce furent eux qui les introduisirent en Gaule, mais l'époque où ces

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