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Je pourrais offrir les descriptions de plusieurs églises anciennes de Rome, je vais me borner à présenter celle de l'église Saint-Clément, telle qu'elle a été donnée par Séroux d'Agincourt. A la vérité cette église n'est pas antérieure au 1X. siècle; mais elle ressemble d'une manière frappante aux premières basiliques chrétiennes, si bien que d'Agincourt et la plupart de ceux qui en ont fait mention ont placé son érection au Ve siècle.

On remarque d'abord à Saint-Clément un antéportique, ou, suivant l'expression ordinaire, un porche. De ce porche on entre par quelques degrés dans une cour ou atrium, environnée d'un péristyle, laquelle précédait le corps de l'église.

A l'intérieur, deux nefs latérales d'inégale largeur, destinées l'une à placer les femmes, l'autre à recevoir les hommes, accompagnent la nef du milieu. Dans celle-ci, vers la partie supérieure, et près du sanctuaire, est une enceinte fermée d'un petit mur en marbre à hauteur d'appui, où se plaçaient les acolytes, les exorcistes et les autres fonctionnaires des ordres mineurs; elle renferme à droite et à gauche, sur un sol un peu plus élevé, les deux ambons (points B et C, fig. 6, pl. Ire.); au fond de l'église est le sanctuaire terminé en hémicycle; au pourtour sont les bancs des prêtres, et au centre s'élève l'autel avec son tabernacle (point A, fig. 6, pl. Ire).

La description précédente est bien propre à donner une idée exacte de la disposition des premières églises. Toutefois il faut remarquer qu'un très-grand nombre n'étaient point précédées d'une cour comme celle de Saint-Clément, mais seulement d'un portique ou espèce de vestibule semblable à celui que l'on trouve dans l'église de Saint-Pierre-ès-liens (fig. 8, pl. Ire).

Les églises bâties en Occident, au IV. et au V. siècles, furent, comme nous l'avons dit, construites sur le patron des basiliques; mais quelques-unes offrirent des innovations partielles que je ne dois pas omettre d'indiquer. La plus notable peut-être fut l'apparition des transepts, c'est-à-dire l'élargissement que prit le vaisseau entre l'apside et les nefs, de manière à donner au plan de l'édifice la forme d'une croix (pl. Ire, fig. 9, voir aussi fig. 5, même planche, l'intérieur de Saint-Paul hors les murs). Quelquefois, au lieu d'une seule apside, on en fit trois de proportions différentes, et l'on mit leur diamètre en rapport avec la largeur des nefs vis-à-vis desquelles elles étaient placées (pl. I, fig. 8). Enfin dans quelques églises on doubla les rangs de colonnes de manière à produire cinq nefs au lieu de trois ; c'est ce qui eut lieu dans l'église de Saint-Paul hors les murs, et dans celle de SaintPierre élevée au IV. siècle. Le plan de cette église a été conservé (V. la fig. 9, pl. I). Elle était, comme celle de SaintClément, précédée d'une cour ou atrium.

Mais sans nous arrêter plus long-temps à l'examen des monuments religieux de l'Italie, revenons en France, et cherchons à acquérir des idées précises sur l'état primitif de l'architecture dans nos contrées.

Le Christianisme paraît s'être introduit dans la Gaule vers la fin du II. siècle, époque à laquelle plusieurs congrégations se formèrent dans les provinces méridionales. Au III'. siècle, les progrès du nouveau culte devinrent plus rapides, des missionnaires partirent de Rome pour aller prêcher à Narbonne, à Toulouse, à Limoges, à Clermont et en Touraine. Il paraît que, vers l'an 250, saint Nicaise et ses compagnons avaient essayé de pénétrer dans la deuxième Lyonnaise et qu'ils furent martyrisés en chemin; ce serait en 260 environ,

suivant l'opinion commune, qu'il faudrait placer l'arrivée de saint Melon, premier évêque de Rouen (1).

Quoi qu'il en soit, jusqu'au règne de Constantin, il n'y eut point en Gaule d'églises proprement dites, et l'on célébrait les mystères dans les maisons des nouveaux convertis, dans des cryptes et des lieux retirés; mais après l'avénement de ce prince, le Christianisme prit un accroissement prodigieux dans les provinces comme dans l'Italie, et les églises s'y multiplièrent. Constantin en fit construire lui-même une à Clermont; d'autres s'élevèrent ailleurs sur des plans apportés de Rome.

On ne peut guère douter que les évêques qui prêchèrent l'évangile, au IV. siècle, dans les provinces de l'Ouest, n'aient élevé des oratoires dans toutes les villes épiscopales. L'apôtre de la Touraine, saint Martin', fonda une église sous l'invocation de saint Pierre et de saint Paul, dans la ville de Tours où déjà Litorius, son prédécesseur, avait transformé en chapelle la maison d'un sénateur. Briccius et Eustochius, ses successeurs, animés du même zèle, en construisirent d'autres dans la même ville et aux environs. Ces églises étaient petites et sans doute proportionnées au nombre et aux facultés des personnes qui avaient embrassé la foi chrétienne.

Mais on ne connaît aujourd'hui dans nos départements aucun édifice de ce genre que l'on puisse avec certitude rapporter à une époque aussi éloignée.

La crypte de Saint-Gervais à Rouen, que quelques personnes regardent comme un monument du IV. siècle, dans

(1) La plus ancienne date certaine que nous ayons relativement aux premiers apôtres qui s'établirent dans la seconde Lyonnaise, est celle qui nous est fournie par la présence d'Avitien, deuxième évêque de Rouen, au concile d'Arles, en 314.

lequel saint Melon aurait été enterré, est peut-être le seul monument de ce temps, qui subsiste encore dans le NordOuest de la France.

Dans la deuxième moitié du Ve. siècle, les édifices religieux commencèrent à devenir plus vastes, et quelques-uns furent bâtis avec une certaine magnificence.

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Perpétuus, évêque de Tours, sous le règne de Childéric, voyant que la petite église bâtie par Briccius sur le tombeau de saint Martin, ne pouvait contenir tous les fidèles qui venaient y prier, en éleva une autre plus digne de la mémoire du saint évêque dont elle recouvrait les restes. Grégoire de Tours fait une courte description de cette église : elle avait, dit-il, cent soixante pieds de longueur, soixante pieds de largeur et quarante-cinq pieds de hauteur; dans tout l'édifice il y avait cinquante-deux fenêtres et cent vingt colonnes. Le mêine prélat bâtit plusieurs autres églises dont parle Grégoire de Tours. L'une d'elles, sous l'invocation de saint Pierre et de saint Paul, reçut la châsse en marbre qui avait renfermé les reliques de saint Martin. Dans la suite, Omatius, douzième évêque, éleva l'église de Sainte-Marie et celle de Saint-Gervais et de Saint-Protais; Euphronius en fit construire une autre sous l'invocation de saint Symphorien, martyr.

En Auvergne, Namatius, évêque de Clermont, semble avoir riyalisé avec Perpétuus et l'avoir même surpassé dans la reconstruction de sa cathédrale; elle avait la forme d'une croix avec des ailes, et se terminait par une apside semi-circulaire ; les murs du sanctuaire étaient revêtus de marbre et d'un travail très-soigné.

On construisit des églises, à la même époque (vers la fin du Ve. siècle et au commencement du VI.) dans presque toutes les villes épiscopales et dans des localités moins importantes.

Malgré les progrès du Christianisme, l'idolâtrie subsista encore long-temps en France, surtout dans les provinces septentrionales; il est certain qu'au commencement du VIIa. siècle le paganisme régnait dans plusieurs endroits de la deuxième Lyonnaise, et saint Romain, qui fut évêque de Rouen en 626, trouvait encore dans son territoire des idoles à détruire (1). A Bayeux l'idolâtrie se maintint sur le mont Phaunus jusqu'au VI. siècle.

De ces faits on peut conclure que le nombre des églises, quoique déjà considérable au VI. siècle, n'était pas comparable à ce qu'il devint dans la suite; elles étaient, du reste, conformes à celles dont Grégoire de Tours nous a laissé la description: oblongues, terminées circulairement à l'Est, elles prenaient quelquefois la figure d'une croix; leurs fenêtres étaient cintrées; on reconnaissait dans toutes leurs parties une imitation de l'architecture romaine.

Les églises qui se multiplièrent depuis le V. siècle jusqu'au X., n'eurent pas un type différent, c'est pourquoi les caractères architectoniques, dont je vais offrir le tableau en m'appuyant sur le petit nombre d'édifices religieux qui nous restent de ces temps reculés, et les principes de classification que j'essayerai d'en déduire, pourront s'appliquer à tous ceux qui ont été élevés dans la France occidentale depuis l'introduction du Christianisme jusqu'au X. siècle; en d'autres termes, à tous les édifices qui appartiennent à la première période de l'architecture chrétienne telle que je l'ai limitée dans mon tableau préliminaire.

(1) Act. S. Rom. V. Farin, Norm. Chret.

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