Page images
PDF
EPUB

Ces divisions que j'avais établies il y a douze ans me paraissent bonnes à conserver, malgré la difficulté de préciser à quelles époques se sont manifestés les changements qui servent à les distinguer.

D'ailleurs, en archéologie comme dans bien d'autres sciences, les meilleures méthodes de classification reposent nécessairement sur des abstractions diversement graduées. Il n'est pas aisé de circonscrire absolument les limites temporaires dans lesquelles on doit renfermer le règne de tel ou tel style d'architecture; ces limites peuvent varier jusqu'à un certain point, suivant les localités.

Malgré ces oscillations dans la marche de l'art, l'âge relatif des monuments religieux peut être constaté comme tout autre fait positif; en d'autres termes, on peut analyser les carac tères architectoniques d'une église, afin de découvrir à quelle époque elle a été construite, comme on analyse les organes d'un végétal pour trouver à quel genre il appartient. Mais dans cette opération il ne faut jamais oublier que l'ensemble de plusieurs caractères doit toujours guider dans la détermination des époques, et que l'examen le plus minutieux en apparence ne peut être indifférent pour arriver au but, et pour se former une juste idée de la génération des formes.

CHAPITRE III.

En Occident l'architecture atteignit un haut degré de perfection sous le règne d'Auguste; depuis cet empereur jusqu'à Adrien et aux Antonins elle conserva sa splendeur, mais elle perdit la simplicité du style grec dont elle avait tiré son origine: ensuite elle dégénéra graduellement par la surabondance

des ornements et par de licencieuses innovations, surtout après les guerres d'Asie.

Ainsi plusieurs parties du vaste palais élevé par Dioclétien à Spalatro, au III. siècle, portent l'empreinte du mauvais goût qui commençait à dominer. On y voit des colonnes supportant immédiatement des arcs au lieu d'architraves (pl. Ire., fig. 1-2), des arcades interrompant l'entablement, et plusieurs autres défauts qui annoncent l'oubli des règles et des bons principes.

I

Cet oubli est plus choquant encore dans les thermes bâtis à Rome par le même empereur. D'après Séroux d'Agincourt qui avait examiné cet édifice, la décoration de plusieurs des parties qui le constituent est d'un style bizarre et licencieux; des colonnes sans emploi appliquées contre les murs, y sont élevées les unes au-dessus des autres sur des piédestaux de mauvais goût et surmontées d'architraves et de corniches interrompues; d'autres colonnes s'appuient sur des consoles et sont couronnées par des frontons brisés et sans bases. La fig. 3, pl. Ire., représente une partie de cet édifice dans laquelle on peut remarquer la réunion des défauts que je viens d'énumérer.

Les progrès de la décadence devinrent de plus en plus sensibles sous le règne de Constantin; on orna l'arc de triomphe élevé par le sénat et le peuple romain en mémoire de la victoire remportée par ce prince sur Maxence, avec des colonnes. des statues et des bas-reliefs arrachés à l'arc de Trajan. Les artistes du temps ne purent coordonner convenablement ces différents morceaux de sculpture et il régna de l'irrégularité dans leur assemblage. La plupart des autres monuments élevés sous Constantin se distinguent par les défauts que nous avons signalés sous Dioclétien, et en outre par une grande pesanteur dans les principaux membres des ordres.

La dégradation était donc déjà assez avancée lorsque l'établissement du Christianisme, protégé par ce prince, fit élever à Rome et dans les provinces de l'empire, un grand nombre d'églises dont quelques-unes ont subsisté jusqu'à nous.

Des premières Eglises et des Basiliques.

Les basiliques servaient à la fois de tribunaux et de bourses de commerce. On s'y réunissait pour parler d'affaires; quelques-unes pouvaient aussi contenir des étalages de marchan_ dises comme nos halles ou nos bazars.

A l'extérieur elles se distinguaient par une grande simplicité; les murs percés de fenêtres semi-circulaires régulièrement espacées, n'étaient pas décorés de colonnes ni de sculptures comme ceux des temples.

A l'intérieur, deux rangs parallèles de colonnes ou de pilastres divisaient l'édifice en trois parties inégales dans le sens de la longueur (pl. Ire., fig. 7). La galerie centrale était la plus large et la plus élevée ; elle était occupée en partie par les marchands, les plaideurs, les avocats, en partie par le peuple. Les plaideurs et les curieux se plaçaient aussi à droite et à gauche dans les deux ailes latérales.

A l'extrémité des trois galeries il y avait un espace peu profond (voir le plan no. 7, pl. Ire.) qui, comme dans nos tribunaux actuels, était réservé exclusivement aux avocats, aux greffiers et aux autres officiers de justice, et qui se terminait par un enfoncement semi-circulaire placé vis-à-vis de la galerie centrale. C'était au milieu de cet hémicycle que s'asseyait le président ou premier juge (voir le point A, fig. 7, pl. Ire.) ayant à ses côtés les juges assesseurs.

Ainsi disposées, les basiliques parurent aux premiers évêques de Rome tout-à-fait convenables pour la célébration

[ocr errors]
[ocr errors]

des mystères du nouveau culte, et préférables aux temples qu'ils auraient pu facilement s'approprier. Les Chrétiens devaient en effet se réunir dans la même enceinte, afin de participer tous aux cérémonies sacrées ; et les temples généralement peu spacieux ne pouvaient contenir qu'un nombre de personnes beaucoup trop limité; c'étaient, dans l'ancienne religion, des sanctuaires accessibles seulement aux prêtres et à quelques élus; le peuple n'y pénétrait pas (1). L'éloignement que les premiers Chrétiens avaient pour tout ce qui rappelait l'ancien culte, influa sans doute aussi sur le choix qu'ils firent des basiliques; car ces édifices ayant une destination toute civile, étaient, à leurs yeux, exempts de la souillure dont ils croyaient les temples entachés.

Les basiliques une fois transformées en églises, il ne fut pas difficile d'adapter les cérémonies religieuses à la disposition du

local.

L'évêque entouré des prêtres assistants se plaça au fond de l'hémicycle appelé tribune, où siégeaient auparavant les juges. L'espace réservé aux avocats entre l'hémicycle et les nefs devint une enceinte privilégiée pour les chantres et les ecclésiastiques. En raison de cette circonstance il prit le nom de chœur ; l'autel fut placé à peu près au centre.

En avant de l'autel, à droite et à gauche, on plaça dans le chœur, deux petites chaires que l'on appela ambons, et dans lesquelles on venait lire l'épître et l'évangile. Les galeries ou nefs furent occupées par les fidèles: le côté droit était celui des hommes et le gauche celui des femmes. Une portion de la galerie centrale était réservée pour les cathécumènes qui ne

(1) Mémoire de M. Quatremère de Quincy, sur les temples antiques.

participaient pas encore à la célébration des mystères, mais qui venaient seulement écouter les instructions.

Comme il y avait deux ordres de colonnes dans la nef centrale de la plupart des basiliques, et qu'il régnait une galerie au-dessus du premier ordre, ces espèces de tribunes furent réservées aux veuves et aux vierges qui se consacraient à la prière.

Pour rappeler les temps de persécution où les fidèles célébraient les mystères dans les catacombes, sur les tombeaux des martyrs, on creusa sous l'autel un caveau dans lequel on déposa les restes des chrétiens morts en odeur de sainteté.

Ce caveau fut appelé la Confession, en mémoire des martyrs qui avaient versé leur sang pour confesser la foi chrétienne, et dont il contenait les reliques.

Enfin l'on ajouta à quelques basiliques et à quelques églises une cour carrée entourée de portiques, dans laquelle les cathécumènes se retiraient pendant la célébration des cérémonies auxquelles il ne leur était pas encore permis d'assister; il y avait au milieu de cette cour un réservoir ordinairement octogone, et entouré parfois de colonnes supportant un toît de même forme. C'était dans cette piscine que les néophytes recevaient le baptême, d'où lui est venu le nom de baptistaire.

Les basiliques adaptées de cette manière au culte chrétien, devinrent le type de presque toutes les églises qui furent construites en Occident, au IV. siècle (1). Leur forme reçut une sorte de consécration religieuse, et l'on s'en écarta peu dans les édifices qui furent élevés pour le culte jusqu'au XIa. siècle.

(1) Quelques églises seulement furent construites sur d'autres formes qui se rapprochaient plus ou moins de celles des anciens temples. Ceux-ci furent aussi parfois transformés en églises après avoir reçu des accroissements et une distribution nouvelle, à l'intérieur.

« PreviousContinue »