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d'une telle liberté. La parabole et l'allégorie dominent dans les marbres antérieurs à Constantin. Si une exception à cette règle était constatée, les observations faites sur la plupart des monuments n'en resteraient pourtant pas moins vraies. D'où peut provenir cette différence, sinon de ce que le pinceau était libre dans les cavernes ténébreuses des cimetières, tandis que le ciseau était, en quelque sorte, enchaîné, circonspect et prudent dans les ateliers ouverts à la lumière du soleil? Et, que l'on ne dise pas que l'horreur des premiers fidèles pour l'idolâtrie leur a inspiré une certaine répugnance pour les sculptures. En effet, sans parler des sculptures paraboliques et allégoriques qui, comme je l'ai dit, ont été employées et même recherchées avec prédilection dès le commencement, nous remarquons qu'à peine la paix est-elle donnée à l'Eglise, partout les sarcophages et les autres sculptures se multiplient et se couvrent des sujets dont les types primitifs se rencontrent presque tous dans les fresques des catacombes. La crainte des persécuteurs seule empêcha donc le libre développement de la sculpture; et, une fois cette crainte apaisée, nous voyons les sculpteurs chrétiens reproduire, à l'époque de Constantin, les sujets que les peintres avaient eu l'habitude de reproduire pendant les trois premiers siècles. " Roma sotterranea, I, p. 99.

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Les scènes pastorales et champêtres, l'histoire d'Ulysse, le bon Pasteur et les orantes sont les sujets qu'on rencontre le plus souvent sur les sarcophages du Ie siècle. Rarement on y voit l'histoire de Jonas ou d'autres représentations appartenant au cycle des types que nous avons rencontrés dans ⚫ les peintures des catacombes. Ulysse était aux yeux des premiers chrétiens une figure du Sauveur. Les fables du siècle, dit saint Maxime de Turin, rapportent qu'Ulysse, qui fut pendant dix ans le jouet des caprices de la mer, sans pouvoir rejoindre sa patrie, fut un jour poussé vers le lieu où les sirènes faisaient entendre leurs chants. Et tel était le charme de leur mélodie que ceux qui l'entendaient se sentaient comme invinciblement entraînés, non pas vers le port qu'ils voulaient, mais vers la ruine qu'ils ne voulaient pas.

Or Ulysse, voulant se soustraire à cette périlleuse séduction, boucha les oreilles de ses compagnons avec de la cire, et se fit lui-même attacher au mât de son vaisseau. Si donc la fiction suppose qu'Ulysse fut délivré du péril en se liant à l'arbre de son navire, ne devons-nous pas proclamer, à meilleur droit, que le genre humain tout entier a été soustrait au danger de la mort par l'arbre de la croix? En effet, depuis que le Christ, notre Maître, a été attaché à la croix, nous traversons, l'oreille fermée, les séduisants écueils du monde; nous ne sommes plus arrêtés par les accents pernicieux du siècle; nous ne nous laissons plus détourner de la voie d'une vie meilleure pour tomber dans les piéges de la volupté. Donc, dans le vaisseau (de l'Eglise), quiconque ou se sera attaché à l'arbre de la croix, ou aura clos ses oreilles par les Ecritures divines, n'aura rien à craindre des séduisantes attaques de la luxure. Car, c'est une suave figure de sirène que la molle concupiscence de la volupté, efféminant par ses funestes caresses la constance de l'âme qui s'y laisse prendre. Donc le Christ, notre Seigneur, a été suspendu à la croix pour délivrer tout le genre humain du naufrage de ce monde." De pass. Domini.

Les sarcophages chrétiens sont rares pendant les trois premiers siècles; la plupart sont postérieurs à la conversion de Constantin. En général, les sujets représentés sur ces derniers sont les mêmes que ceux des peintures des catacombes et contiennent une allusion plus ou moins directe au dogme de la résurrection. Les sujets que l'on rencontre sur les sarcophages et non pas dans les peintures sont presque tous empruntés, à l'histoire de la vie, et surtout de la passion de Jésus-Christ. Les principaux sont: 1° la Nativité de Notre-Seigneur; 2° le miracle de Cana; 3o la guérison de la Chananéenne; 4o saint Pierre recevant les clefs; 5° l'entrée triomphale de Notre-Seigneur à Jérusalem; 6o NotreSeigneur captif; 7° le reniement de saint Pierre; 8o l'emprisonnement de saint Pierre et de saint Paul; et 9o la comparution de Notre-Seigneur devant Pilate.

Il est très digne de remarque que les scènes de la passion

proprement dite, telles que la flagellation, le couronnement d'épines et le crucifiement, ne se trouvent jamais sur les sarcophages et sont complètement exclues de tous les monuments primitifs du christianisme. Cette absence ne peut s'expliquer que par une règle tracée par l'autorité. La comparution devant Pilate, qui est très souvent représentée sur les sarcophages postérieurs à Constantin, était destinée à rappeler aux fidèles la passion entière. Cette scène a presque invariablement pour pendant le sacrifice d'Abraham. Voyez la gravure de la page 124, où ces sujets occupent les deux extrémités de l'ordre supérieur du sarcophage. Les premiers chrétiens avaient évidemment pour but, dans cette disposition, de mettre en regard la figure et la réalité, le sacrifice d'Abraham et celui de la croix.

Les chrétiens conservèrent l'usage, qui existait chez les paiëns, d'orner les couvercles des sarcophages de dauphins ou de monstres marins.

Voyez sur les différences qui existent entre les sarcophages de l'Italie et ceux du midi de la Gaule, MARTIGNY, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, pp. 394 et suiv.

2. Objets divers trouvés dans les tombeaux. Les chrétiens des premiers siècles plaçaient souvent dans les tombeaux des anneaux, des bracelets, des bijoux et d'autres objets ayant appartenu au défunt. Les martyrs étaient ordinairement ensevelis avec les instruments qui avaient servi à leur supplice.

On trouve dans les tombes des fidèles : 1o des tissus d'or dont on s'était servi pour envelopper la dépouille mortelle du défunt; 2o des anneaux (fig. 1), des bracelets et des bijoux

Fig. 1.

Anneau.

Fig. 2.

Reliquaire.

(fig. 2); 3o des jouets d'enfants, tels que des poupées en ivoire, etc. 4o des monnaies et des médailles, probablement déposées dans les tombeaux pour marquer l'époque de la sé

pulture; 5o des lampes; 6o des instruments de supplice, notamment des ongles de fer, ungulae (fig. 3), des clous, des lances, des flèches, des tenailles (fig. 4) et des plumbatae (fig. 5). Les

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plumbatae étaient des espèces de fouets formés de cordes, de lanières en cuir ou de chaînettes, dont l'extrémité était garnie de boules en plomb. Un grand nombre de martyrs moururent sous les coups de cet instrument.

3. Grands vases placés près des tombeaux. A côté des tombeaux des martyrs les plus illustres, on plaçait souvent, dans des niches creusées dans le tuf ou sur des bases en forme de colonne, de grands vases ayant la forme d'un bassin large mais peu profond. On trouve encore ça et là, par exemple près du tombeau de saint Corneille, les supports qui ont servi de bases à ces réservoirs.

Ces vases étaient destinés à recevoir le baume, les aromates et les huiles que les fidèles offraient en l'honneur du saint dont la dépouille mortelle reposait en ces lieux. Les offrandes se faisaient surtout au jour anniversaire du martyre, lorsqu'on venait célébrer auprès du tombeau du saint la solennité appelée station. Voyez ci-dessus p. 41, note 2.

4. Lampes. Les lampes que l'on retrouve dans les catacombes ont la forme des lucernae des anciens. Elles ressemblent à une petite barque, un des symboles les plus usités dans la primitive Eglise; quelques-unes même représentent un navire à voiles déployées, dans lequel saint Pierre tient le gouvernail tandis que saint Paul se tient debout à la proue dans l'attitude de la prédication.

Fig. 1.

Lampe en bronze.

Le nombre des lampes trouvées dans les catacombes est prodigieux. La plupart sont en terre cuite; cependant on en rencontre aussi, mais en petit nombre, qui sont en bronze. Ces dernières appartiennent à une époque moins ancienne que celles d'argile; communément elles sont munies de chaînettes, avec lesquelles on les suspendait aux voûtes des chapelles (fig. 1).

Parmi les lampes en terre cuite les unes

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