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étage par huit baies en plein cintre, dont l'écoinçon correspond à un meneau central. Plus haut, huit baies s'ouvrent dans les deux lanternes rondes du XVIIIe siècle, coiffées d'un lanternon sur un dôme. Les architectes de la Renaissance n'ont élevé aucune tour-lanterne dans les environs de Caen et de Bayeux, mais celle de Saint-Pierre de Coutances, commencée en 1550 et dont j'ai donné la description (1), est un véritable chef-d'œuvre inspiré par la tour-lanterne de la cathédrale.

L'étude des clochers du Calvados bâtis depuis le XIe siècle jusqu'à la fin du XVIe siècle permet d'analyser et de comparer d'admirables types de clochers romans et gothiques. L'lle-de-France et la Bretagne pourraient seules rivaliser avec la Normandie par le nombre et le style des clochers de leurs églises. La puissance de l'école romane normande imprime un caractère de noble simplicité aux clochers du XIIe siècle, mais ceux du XIIIe siècle sont plus élégants, parce que la flèche octogone et ses clochetons produisent un meilleur effet que la pyramide à quatre pans. L'architecte de génie qui monta la tour de Saint-Pierre de Caen, au début du XIVe siècle, était digne de succéder à ceux qui avaient bâti les flèches de Saint-Etienne. La décadence était proche, mais on ne s'en aperçoit guère, parce que les vieux clochers du Calvados forment une brillante ceinture autour des flèches des églises de Caen. Ces belles tours aux lignes impeccables, qui s'élancent vers le ciel. sont vraiment les âmes de la pierre.

(1) Guide du Congrès de Caen, p. 272.

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XI

LA VIERGE DU MESNIL-MAUGER

(CALVADOS)

Par M. Paul VITRY.

La sculpture du XVe siècle est assez rare en Normandie pour qu'on nous permette d'attirer l'attention sur une statue fort peu connue qui se trouve sur un autel du bas-côté sud de la petite église du Mesnil-Mauger, à quelques lieues de Caen, sur la route de Lisieux, cette statue ne fût-elle même pas un chef-d'œuvre.

Cette Vierge n'a été mentionnée ni par M. de Beaurepaire, dans son étude sur la Sculpture religieuse à Caen, parue dans la Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des departements de 1896, ni dans le remarquable discours du chanoine Porée sur la Statuaire en Normandie, prononcé à la Société des Antiquaires de Normandie en 1899. Elle est toutefois signalée et décrite par A. de Caumont (1). Mais celui-ci se contente, pour la dater, de dire qu'elle « remonte au moyen âge ». Nous sommes un peu plus exigeants aujourd'hui et, en matière de sculpture comme en matière. d'architecture, les études comparatives et les ressources documentaires fournies par la photographie nous permettent d'être un peu plus précis.

(1) Statistique monumentale du Calvados, t. V, p. 484.

On trouvera ci-contre une reproduction photographique de cette statue. La taille en est à peu près les deux tiers de la grandeur naturelle. L'éclairage inégal de la partie de l'église où elle se trouve et, d'autre part, la polychromie violente et maladroite dont la figure est aujourd'hui revêtue, empêchent cette reproduction d'être aussi satisfaisante que nous l'aurions voulu. Telle quelle, elle rend assez bien compte. sinon du caractère réel, au moins de l'agencement général du groupe.

On voit en effet que la figure principale, par une disposition assez rare, s'enlève sur un fond avec lequel elle fait corps et qui constitue derrière elle une sorte d'auréole allongee ou d'amande mystique analogue à celle qui se rencontre dans l'iconographie primitive de l'époque romane: cette auréole est complétée par des rayons alternativement droits et ondulés en forme de flammes. Au-dessus de la tète de la Vierge, deux angelots long vêtus, qui sortent de l'auréole, soutiennent une couronne absolument intacte, dont les fleurons rappellent certains ornements du gothique flamboyant.

La Vierge elle-même, debout, portant sur le bras gauche le Christ enfant, demi-nu, est dans une attitude rigide, assez sévère et quasi hiératique. Aucune trace ici de ce hanchement si fréquent dans les images de la Vierge-Mère au XIV siècle qu'il devient une sorte de formule; aucun essai non plus de ces attitudes souples, réalistes et familières, chères aux imagiers du XVe siècle. Cependant, par tous les détails de la composition, c'est bien à cette époque qu'appartient l'œuvre que nous étudions. Non seulement les proportions un peu courtes nous font penser aux habitudes de la statuaire de ce temps, dont les types les plus significatifs se rencontrent en Bourgogne: mais le caractère des plis de la robe tombante et du manteau ramené par devant, de la droite à la gauche, plis souples, épais et laineux, abondants, mais sans exagérations de lourdeur à la bourguignonne ou de

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