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et les proportions en sont fort belles (1). Les arcs-doubleaux à gros boudins sont supportés, de chaque côté, par une colonne engagée sur dosseret (2). Ces collatéraux étaient originairement terminés par une absidiole dont l'archivolte était soutenue par deux colonnes monolithes reposant sur un haut soubassement droit, comme dans les absidioles du transept; la base de ces colonnes est également formée de deux tores séparés par un refend uni. Le départ de la courbe de l'absidiole est parfaitement reconnaissable au pied du soubassement. Ces absidioles furent coupées au XVe siècle.

(1) On remarque à l'entrée de ce bas-côté une hésitation, un tâtonnement dans l'agencement du massif des colonnes. M. John Bilson m'écrivait à ce sujet : « Il y a une apparente irrégularité dans le pilier central du chœur en ce que la colonne et le dosseret n'est pas dans l'axe de la colonne et le dosseret vers le chœur; mais ce n'est qu'apparent. A l'extrémité orientale du bas-côté, il y a un arc qui encadre l'absidiole; on a construit un arc semblable à l'autre extrémité voisine du transept; on a placé la colonne du pilier central entre les supports des deux ares; de là le désaxement des colonnes à chaque côté du pilier. » Lettre du 16 mars 1909. Cette modification a suggéré à M. de Truchis les observations suivantes : « Dans la pensée de l'architecte, les bas-côtés du chœur devaient peut-être ne recevoir que des plafonds soutenus au centre par un arc-doubleau. Au cours de la construction, on décida de substituer des voûtes d'arêtes aux lambris. Mais le chargement présenta quelques difficultés, car les compartiments de voûte étaient plus longs que larges, tandis que les voûtes d'arêtes alors en usage se construisaient sur plan carré. La raison d'être des arceaux de rapport et de leurs supports aux deux extrémités des collatéraux fut évidemment d'occuper l'excédent de longueur sur la largeur. » (Note communiquée par M. le vicomte P. de Truchis, 1909.)

(2) La crypte de la cathédrale d'Auxerre, qui date des environs de 1030, a des piles carrées flanquées de demi-colonnes, dont les chapiteaux supportent des boudins. M. John Bilson a remarqué que la plupart des arêtes des voûtes y prennent naissance sur deux ou trois assises de pierre. Ce système de construction consistant à faire reposer des voûtes d'arètes en blocage sur des sommiers de pierre d'appareil, a été souvent employé dans l'école anglo-normande. Congrès archéol. de France. (Session tenue à Avallon en 1907, p. 170-171 et fig.) Cette particularité se remarque à Bernay aux arêtes de la voûte du bas-côté sud du chœur.

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Eglise abbatiale de Bernay. Coupe sur le pas-côté sud du chœur.

E. Chauliat, del.

et remplacées par un mur droit dans lequel on ouvrit une fenêtre à remplage flamboyant.

On sait combien la sculpture est rare en Normandie à l'époque romane. L'abbatiale de Bernay offre une série capitale et très variée de chapiteaux du XIe siècle.

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Dans la nef et le transept, la corbeille des chapiteaux est notablement plus haute que dans ceux du bas-côté du chœur, et leur style, comme leur décoration, est très différent. Ils présentent de larges feuilles légèrement évasées

en volute sous les angles du tailloir; dans la partie inférieure de la corbeille, un double rang d'ornements serrés forme collerette au-dessus de l'astragale. Malheureusement ces chapiteaux ont été tellement retravaillés au XVIIe siècle, qu'il est bien difficile de les rétablir par la pensée dans leur état primitif.

Les deux grands chapiteaux soutenant l'arc méridional du transept n'ont pas été retouchés; la sculpture en est lourde et épaisse; on remarquera les larges feuilles contournées en volute sous l'angle du tailloir, et la double moulure ornée, mais bien mutilée, qui est à la base de la corbeille. C'est de la sculpture normande, qui fait pressentir certains chapiteaux de la Trinité et de Saint-Nicolas de Caen.

Le chapiteau qui se trouve à la dernière arcade du bascôté de la nef s'ouvrant sur le croisillon méridional, présente une décoration différente avec la collerette normande.

Le bas-côté méridional du chœur offre à lui seul une douzaine de chapiteaux fort bien conservés et d'un haut intérêt. Ils présentent cette particularité de n'avoir aucune analogie avec les chapiteaux normands de la région de Caen; par contre, ils nous paraissent apparentés d'assez près à l'école bourguignonne, notamment à la sculpture de Tournus.

Plusieurs de ces chapiteaux de Bernay ont leur tailloir encadré de baguettes, motif fort rare en Normandie, il y en a un exemple à Graville-Sainte-Honorine (Seine-Inferieure), mais que l'on voit couramment employé dans les cryptes d'Auxerre, de Saint-Cyr de Nevers, de Tournus, et à Saint-Savinien de Sens. En outre, ils portent une tablette carrée entre l'abaque et la corbeille (1); plusieurs d'entre eux ont conservé des traces de leur ancienne polychromie, ocre jaune et rouge, violet clair, vert.

(1) Cette tablette se rencontre à Tournus, au chapiteau du pilier sudest de la coupole. Voir: Chanoine Henri Curé: Saint-Philibert de Tournus, 1905, in-8°, p. 344, fig. 188.

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