Page images
PDF
EPUB

ouverte, comme celle de la nef, par trois arcades égales dans chaque travée. Les voùtes dont on couvrit le chœur obstruent entièrement les deux arcades latérales et empiètent sur le sommet de celle du centre qu'on amortit alors par un boudin se reliant sans chapiteau aux colonnettes des piédroits. Le sommet de ces arcades est du reste encore visible dans les combles. Afin de contre-buter efficacement la poussée des ogives et des doubleaux, il fallut couvrir la galerie d'une voûte en berceau sur couchis, d'un niveau inférieur à celui de la clef des arcades. Lors de la surélévation du toit des tribunes, on aveugla la partie inférieure de la fenêtre, et la baie, ainsi réduite, fut garnie d'un remplage normand formé de deux arcs aigus sur un meneau bifurqué.

Les deux voûtes sans formerets qui couvrent actuellement le chœur peuvent être attribuées au XIVe siècle. Les ogives ont pour profil un boudin à filet entre deux doucines, le doubleau un boudin à filet entre deux cavets et deux tores. La clef de la seconde travée, ornée de feuillage, est d'un bon style, mais la première porte la date de 1847, année d'une restauration. Contre le grand arc du carré du transept et celui d'ouverture de l'abside, les nervures retombent sur des consoles décorées de feuillage. Entre les deux travées, ogives et doubleau sont portés sur la colonne romane, coupée un peu au-dessous du cordon supérieur et surmontée à ce niveau d'un chapiteau garni de petits bouquets de feuillage détachés que couronne un tailloir polygonal en larmier.

Au-dessus du sommier des voûtes, cette colonne a été piochée sur une certaine hauteur pour faciliter leur établissement, et le cordon qui court à l'appui de la galerie se trouve interrompu de la largeur exacte du diamètre de cette colonne, dont la partie supérieure est restée intacte jusqu'au faîte du mur où elle soutenait les entraits de la charpente. Il n'a done jamais existé, comme Ruprich-Robert l'avait

supposé sur son plan (1), de voûtes d'arètes sur le chœur de Cerisy.

Le pignon oriental, qui surmonte l'arc de l'abside, très régulièrement appareillé, est percé d'une baie en tierspoint retombant sur des consoles à têtes et ornée vers les combles d'un cordon de feuillage, appareil et décoration qu'il est bien surprenant de rencontrer dans un endroit aussi peu visible.

L'arc triomphal roman qui encadrait l'abside a été détruit au XIVe siècle; il était porté sur des pilastres, encore subsistants, flanqués, vers la partie droite du chœur, d'une haute colonnette d'angle surmontée d'un chapiteau à volutes. Le nouvel arc gothique est mouluré de sept boudins reliés par des gorges, dont cinq s'étagent vers le choeur; celui de l'intrados est garni d'un filet et le dernier est tourné vers l'abside. Les trois premiers reposent sur de petites consoles ornées de feuillage et surmontées de tailloirs circulaires: les quatre autres retombent sur les tailloirs polygonaux et en retrait qui couronnent quatre minces colonnettes reliées par des gorges et portées sur des consoles décorées de sujets divers (anges, musiciens jouant du violon ou de la cornemuse). L'une des colonnettes est munie d'un filet, comme le boudin qu'elle supporte. L'examen des profils et de la sculpture permet d'attribuer ces travaux, comme ceux du voûtement de la partie droite du chœur, au XIV siècle, époque à laquelle appartient aussi le pignon que nous venons de décrire.

A la suite de cet arc, l'ouverture de l'abside se trouve rétrécie entre deux ressauts; leurs angles sont garnis d'une haute colonne romane dont la partie supérieure est masquée par le faisceau de colonnettes ajouté au XIVe siècle.

L'abside en hémicycle comprend en plan cinq travées et en élévation trois étages; elle est entièrement conservée

(1) Ruprich-Robert, pl. LIV, fig. 7.

dans son état primitif, à l'exception du dernier étage, modifié lors de l'établissement de la voûte d'ogives. Si on peut assez fréquemment rencontrer une abside de cinq travées, il est extrêmement rare d'en trouver une percée de trois étages de baies. Cette disposition n'existe plus actuellement qu'à Cerisy et dans l'abbatiale de Peterborough (1). Est-ce à dire que ces églises constituent à elles deux les seuls représentants d'un type exceptionnel dans l'architecture. normande? Il paraît au contraire logique de supposer que ce devait être le parti généralement adopté dans les églises

sans déambulatoire qui possédaient des tribunes éclairées, notamment à Jumièges, à Saint-Étienne de Caen, à SaintAlbans, aux cathédrales d'Ely et de Durham, dont les chœurs ont été reconstruits à l'époque gothique (2).

Si toutes les absides romanes de Normandie encore intactes ne comprennent que deux étages de baies, c'est qu'elles appartiennent à des édifices qui présentent cette élévation dans toutes leurs parties, les bas-côtés n'étant surmontés que de simples combles; tels sont la Trinité et Saint-Nicolas de Caen, Lessay, Saint-Georges de Boscherville, Notre-Dame-de-Guibray à Falaise, Saint-Gabriel, Ouistreham. En dehors du domaine de l'école normande, le type d'abside à trois étages est encore plus rare, puisqu'on n'en trouve qu'un seul exemple, à la cathédrale d'Autun (3).

(1) Encore faut-il noter qu'à Peterborough les fenêtres de l'étage inférieur furent transformées en arcades lors de la construction, par les abbés Ashton (1438-1471) et Kirton (1496-1528), de la chapelle rectangulaire tenant lieu de déambulatoire, connue sous le nom de New Building. (2) Dans certaines églises anglaises (cathédrales de Norwich et de Gloucester, Saint-Barthélemy-le-Grand de Londres), par suite de la présence d'un déambulatoire, l'étage inférieur des fenêtres est remplacé par les arcades qui ouvrent sur celui-ci.

(3) Les fenêtres des deux étages inférieurs sont bouchées par les boiseries qui ornent le chœur depuis le milieu du XVIIIe siècle; celles de l'étage supérieur ont été considérablement surélevées lors des grands travaux exécutés dans la cathédrale aux XVe et XVIe siècles.

[ocr errors][merged small][ocr errors]

Pendant la période gothique, on éclaira encore de trois étages de baies les croisillons en hémicycle de la cathedrale de Noyon, les absides de Moret, de Notre-Dame de Dijon, de Saint-Sulpice-de-Favières, de Saint-Amand (Marne). Malgré la tendance qu'avaient les architectes de cette époque de remplacer les murs pleins par des surfaces vitrées, cette disposition devait bientôt disparaître en raison de l'élévation considérable donnée aux fenêtres.

Les cinq baies de l'étage inférieur, dont l'embrasure est moulurée d'un boudin continu, sont encadrées chacune d'un arc doublé la voussure intérieure, biseautée entre deux arêtes saillantes, retombe sur des colonnettes d'angle; l'extérieure, moulurée de deux boudins séparés par des arètes. est portée, avec les voussures des baies voisines, sur une colonne engagée qui repose sur un bahut contournant l'abside. Les bases sont formées d'un glacis entre deux boudins; les chapiteaux, ornés de feuilles plates ou simplement épannelées, mais toujours avec des volutes aux angles, sont surmontés de tailloirs carrés moulurés d'un filet et d'un biseau séparés par un onglet. Sur le tailloir de la colonne engagée s'appuie une mince colonnette sans base qui s'arrête à l'appui de l'étage supérieur, depuis les remaniements effectués au XIVe siècle. Sa fonction paraît bien difficile à déterminer dans une abside qui devait être primitivement couverte d'un simple cul-de-four, mais il est intéressant de signaler, dès l'époque romane. un exemple du procédé, si répandu plus tard dans l'architecture gothique, qui consiste à faire reposer une colonne sur le tailloir des piles (1).

A l'étage intermédiaire limité par un cordon continuant celui du chœur, la galerie de circulation percée dans l'em

(1) A Rochester, les tailloirs des piles de la nef sont également surmontés d'une colonnette qui se trouve sans emploi depuis la reconstruction des parties hautes.

[graphic][subsumed][subsumed][subsumed]
« PreviousContinue »