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séparé du précédent par une chaine verticale de moyen appareil, ne présente plus aucune trace d'épi; la voussure extérieure de la fenêtre retombe sur des colonnes engagées dans les piédroits, dont les chapiteaux, décorés de volutes, sont surmontés de tailloirs d'un profil plus avancé, qui se continuent en cordon le long du mur. On peut donc reconnaître entre la deuxième et la troisième travée le signe manifeste d'un changement de campagne et croire que la portion la plus ancienne de ce mur constitue, avec la première arcade méridionale de la nef et les piles qui la supportent, le seul reste d'une construction fort archaïque, évidemment antérieure à toutes les autres parties de l'édifice.

Rien de semblable ne peut être noté dans la tribune du nord, qui a subi de graves mutilations au XVIIIe siècle. Des traces d'arrachement sur quelques assises du contrefort intérieur, au droit de la première pile, ont fait supposer à Ruprich-Robert qu'un arc-boutant devait primitivement contre-buter la poussée de l'arc transversal de la nef (1): mais il paraît bien difficile de conclure à l'existence de cet arc sur ces témoins insignifiants.

Le carré du transept était, comme celui d'un grand nombre d'églises normandes, surmonté d'une tour-lanterne que sa situation exposait naturellement aux coups de la foudre; aussi d'importants travaux durent-ils être exécutés à la suite de graves incendies. Au XV ou au début du XVIe siècle, les grands arcs qui menaçaient ruine furent renforcés par de nouveaux ares en tiers-point à trois ressauts, dont les arêtes sont creusées d'un cavet; les piles primitives furent elles-mêmes flanquées de grosses demicolonnes qui les masquent en partie et dans lesquelles pénètrent les retombées des arcs. Ces travaux de consolidation ayant été reconnus insuffisants, on dut encore rempâter, en

(1) Ruprich-Robert: Sainte-Trinité et Saint-Étienne de Caen, p. 87.

1768, sur une hauteur de sept pieds, plusieurs piles demicylindriques dans un massif polygonal (1).

Les piles romanes, à ressauts et flanquées de colonnes, ne sont donc plus actuellement visibles que du côté de la nef, du chœur et des collatéraux; mais, au-dessus des arcs en tiers-point, on aperçoit encore les arcs primitifs qui appartiennent eux-mêmes à deux campagnes distinctes. L'arc d'ouverture du chœur et les sommiers de ceux des croisillons sont ornés d'un boudin sur leurs arêtes et d'un rang de bâtons brisés, tandis que la partie supérieure de ces derniers présente des claveaux à arêtes nues et une archivolte moulurée d'un biseau surmonté d'un cordon de pointes de diamant allongées, d'une exécution assez grossière et ressemblant à des olives.

Une grande voûte d'arêtes percée d'un œil a été construite sur le carré du transept au XVIIe ou au XVIIIe siècle. Le voûtain du nord a été repris en 1769 (2).

Au-dessus s'élève la tour centrale, haute de trois étages. dont les deux inférieurs datent seuls de l'époque romane. Chacune de leurs faces est décorée de quatre arcatures en plein cintre. Celles du premier étage, qui retombent sur des pilastres à imposte moulurée, ont certainement toujours été aveugles, car elles se trouvent à la hauteur du toit primitif des nefs et ne correspondent pas aux arcatures extérieures. Par contre, les arcades du deuxième étage, bouchées aujourd'hui, étaient sans doute à claire-voie et ouvraient sur une galerie de circulation passant devant les fenêtres dans l'épaisseur du mur; elles sont séparées par un pilastre rectangulaire en deux groupes de deux arcades portées sur une colonne commune. L'étage supérieur, refait au XVIIIe siècle, est surmonté d'un toit en pavillon porté sur une charpente d'un beau travail.

(1) Arch. de la Manche, H. 1513.

(2) Ibid., H. 1514.

Les croisillons comptent deux travées. Celui du sud. beaucoup mieux conservé que l'autre, donne une idée exacte de l'état primitif. L'élévation de la première travée est. pour les deux étages inférieurs, à peu près semblable à celle de la nef. L'arcade ouverte à l'ouest sur le bas-côté retombe sur un pilastre accosté de deux colonnes; à l'est. au contraire, aucune colonne ne garnit les ressauts.

Le cordon limitant l'étage des tribunes présente une décoration plus riche que celui de la nef: des étoiles en creux alternant avec des dés se détachent du biseau, surmontées d'un rang continu d'étoiles semblables. Les arcades des tribunes ne sont pas subdivisées: il est probable que celle de l'ouest a subi quelques restaurations vers le milieu du XIIe siècle, car ses chapiteaux, ornés de feuilles d'acanthe, de crosses de fougère, de chevrons entrelacés, sont traités avec une finesse que nous n'avons pas encore rencontrée jusqu'ici. Il faut noter à la même arcade un tailloir profilé seulement sous la retombée.

Tout le fond du croisillon est occupé par une vaste tribune qui divise la seconde travée en deux étages, suivant un parti assez fréquemment adopté dans l'école normande et qui présente l'avantage de faire communiquer entre elles les tribunes de la nef et celles du choeur (1). Saint-Étienne et Saint-Nicolas de Caen, Saint-Georges de Boscherville, Saint-Taurin d'Évreux, la cathédrale de Winchester (2) possèdent des tribunes semblables. Il en était de même à la cathédrale de Cantorbéry, construite par Lanfranc (3), et à

(1) Ces tribunes peuvent être comparées à celles de Saint-Sernin de Toulouse et de Saint-Jacques-de-Compostelle qui surmontent les collatéraux et contournent avec eux les croisillons. Elles sont parfois remplacées par un passage ménagé dans l'épaisseur du mur, comme à SaintGermer et à Peterborough.

(2) Ruprich-Robert, pl. LVII.

(3) Gervais de Cantorbéry: Chronicon, I, édit. Stubbs, Rer. brit, script., no-73, t. I, p. 10; Willis: The architectural history of Canterbury cathedral, p 37.

Saint-Ouen de Rouen, comme on peut encore le constater par les traces évidentes laissées dans le croisillon nord. Des tribunes furent également projetées, sinon exécutées. à Lessay (1), à Notre-Dame-de-Guibray à Falaise (2), à la cathédrale d'Ely (3). On en rencontre aussi à Preuillysur-Claise (Indre-et-Loire), à Saint-Sever (Landes) (4), à Saint-Chef (Isère) (5), et, à l'époque gothique, à la cathédrale de Laon, à la collégiale d'Eu et dans les églises flamboyantes de Saint-Gervais de Paris et de Saint-Riquier. Enfin, il faut rappeler que de vastes tribunes de ce type s'étendaient sur les deux travées des croisillons de l'abbatiale de Jumièges (6).

On accède à cette tribune par un escalier voûté d'un berceau rampant sur couchis, logé dans l'angle sud-ouest. L'étage inférieur est ouvert par deux arcades reposant sur une pile commune, cruciforme, flanquée de quatre colonnes engagées et de quatre colonnes d'angle, la colonne engagée du côté du croisillon restant sans emploi. Elle est portée sur deux voûtes d'arètes celle de l'ouest empiète sur la fenêtre, comme dans le bas-côté de la nef. Le doubleau, dont les arêtes sont taillées en biseau après un petit ressaut, retombe au sud sur une colonne engagée dans un dosseret dont les angles sont garnis de colonnes plus faibles.

(1) E. Lefèvre-Pontalis, Congrès archéol. de Caen, 1908, p. 244. (2) L. Régnier: L'Association Normande à Falaise, dans l'Annuaire de la Normandie, t. LVIII, 1892, p. 222.

(3) Contre le mur du fond, une colonne engagée et les deux colonnettes d'angle qui l'accompagnent restent sans emploi. Au-dessus des dernières piles, on remarque des arrachements, et, dans le croisillon nord, les tailloirs des chapiteaux ont été piochés. Enfin, de même qu'à Winchester, les arcades des tribunes, subdivisées dans les croisillons, ne le sont pas à la dernière travée.

(4) Brutails: L'église abbatiale de Saint-Sever, dans le Bull. du Com, des Trav. hist., 1900, p. 45.

(5) Archives de la Comm. des mon. hist., t. IV, pl. XXIX.

(6) R. Martin du Gard: L'abbaye de Jumièges, 1909, p. 70.

L'absidiole s'arrondissait probablement en hémicycle à l'origine comme celle de l'étage supérieur, mais au XVe siècle son plan prit la forme d'un trapèze pour faciliter le percement d'une grande fenêtre en tiers-point moulurée de deux boudins continus et garnie d'un remplage flamboyant. Elle renferme une piscine ouverte par un arc brisé surmonté d'un gâble et mouluré de deux boudins, l'un continu, l'autre porté sur colonnettes.

La plate-forme de la tribune est munie d'une balustrade moderne qui vient s'appliquer contre de courtes colonnes engagées dans les murs latéraux et surmontées de chapiteaux fort archaïques, ornés de volutes; il paraît impossible de déterminer leur rôle primitif. Une porte, dont le linteau est surmonté d'un arc de décharge en cintre surhaussé, conduit à un étroit passage qui met en communication la tribune du croisillon avec celles de la nef et du chœur.

A l'est s'ouvre une chapelle convertie en chartrier au XVe siècle et fermée alors par un mur percé d'une porte en anse de panier. Elle se compose d'une travée droite très peu profonde, couverte d'une voûte en berceau dont l'imposte est moulurée d'un biseau; un ressaut la relie à l'hémicycle plus étroit, voûté en cul-de-four. La baie du fond, en plein cintre. sur colonnettes engagées dans les piédroits, est en pénétration dans la voûte; elle eut au XVe siècle sa partie supérieure aveuglée pour former une fenêtre rectangulaire qu'on munit d'un meneau cruciforme dont le montant est percé d'une gâche ménagée pour les targettes des volets; deux bancs de pierre furent en outre placés de chaque côté de l'embrasure. Des chapelles orientées à deux étages ne se rencontrent que dans un très petit nombre d'édifices: à l'époque romane, à Saint-Etienne de Caen, Saint-Ouen de Rouen, aux cathédrales de Winchester et de Gloucester, à Saint-Remi de Reims, et, au commencement de la période gothique, à la cathédrale de Laon, dans le croisillon sud de celle de Soissons, le croisillon nord de La Ferté-Alais et au

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