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Rappelez-vous ces beaux vers de notre admirable SullyPrudhomme :

L'architecture a mis au cœur glacé des pierres

Un grand rêve, et leur peuple est monté vers le Ciel.

Eh bien ! ce peuple des pierres est placé aujourd'hui sous la protection du peuple de France. Il faut donc l'avertir du trésor commis à sa garde et de l'œuvre de défense nationale, le mot n'est pas excessif, qu'est la conservation et l'entretien de ces monuments incomparables.

Des démarches comme la vôtre, Messieurs, le renseignent à cet effet le mieux du monde; votre exemple est pour lui la plus éloquente des leçons, car vous lui donnez mieux que des paroles, vous lui apportez un fait, une leçon de choses.

Voir en effet des hommes éminents, des savants réputés venir des diverses régions de France et même de l'étranger pour discuter et reconnaître mutuellement et à pied d'œuvre le mérite de ces édifices; voir de très jolies femmes, comme il en est tant ici, se lever de très bon matin et braver les ardeurs du soleil pour admirer ces églises; cela en dit plus que tout et manifeste nettement aux populations qui ont l'honneur de si flatteuses visites, tout l'intérêt qui s'attache aux édifices qui en sont la

cause.

Vous faites ainsi mieux que quiconque l'éducation artistique de nos sages et prudentes populations; votre œuvre est utile et louable entre toutes; encore une fois, soyez-en vivement et cordialement félicités par le représentant au Parlement de ces populations qui, Messieurs les Archéologues, vous prie de le considérer comme un peu des vôtres; c'est qu'en effet, avant de voir les électeurs de ces régions, j'avais vu, revu et longuement étudié ces belles églises cet examen est, je l'avoue, l'un des plus heureux souvenirs de ma vie.

:

Messieurs, je ne puis porter votre santé à chacun individuellement; permettez-moi de la résumer en portant celle de votre très distingué directeur, M. E. Lefèvre-Pontalis, dont j'ai écouté les démonstrations si intéressantes avec tant de plaisir, avec plus de plaisir, je le confesse, que je n'en trouve parfois dans d'autres discussions que, professionnellement, je suis tenu

à suivre; mon cher Directeur, permettez-moi d'espérer que nos relations, si heureusement commencées, n'en resteront pas là.

Mesdames, je porterai votre santé à toutes en levant mon verre à notre très gracieuse directrice, Me E. Lefèvre-Pontalis, qui me semble être un peu l'âme et qui est certainement le charme de ces réunions qui nous laisseront à tous un souvenir inoubliable.

Si paradoxale qu'en soit la formule, permettez-moi aussi, en terminant, de boire à la santé de ceux qui sont l'objet de ces visites, de ces chers et beaux monuments qui sont pour moi de très vieux amis et que je jure de défendre de toutes mes forces envers et contre tous !

Enfin, le mardi 1er juillet, M. le maire de Falaise a tenu à recevoir les congressistes à l'Hôtel de Ville pour les remercier d'ajouter de nouveaux éléments à l'amour du sol natal. M. Émile Travers, directeur-adjoint, s'est fait l'interprète de tous nos confrères en remerciant la municipalité et les habitants de leur cordial accueil.

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Le département du Calvados est presque dépourvu de grottes et d'abris sous roches. Les mardelles du Pays d'Auge, à supposer même qu'elles soient réellement chez nous, comme en Lorraine, comme en tant d'autres endroits, des emplacements d'habitations gauloises, n'ont pas été jusqu'ici l'objet d'études suivies. Des foyers anciens ont été de temps à autre signalés sur notre sol, en particulier à la partie supérieure de la falaise du littoral. Des stations de surface et des ateliers de taille du silex ont été reconnus en plusieurs endroits : la station d'Olendon est classique. Mais ces emplacements privilégiés n'ont livré que leur industrie. On n'a pas essayé de leur ravir par des fouilles systématiques le secret des conditions de l'existence de l'homme aux époques de leur occupation. Aucune de ces localités n'est devenue, comme tant de plateaux de l'Oise, de la Saône-et-Loire ou du Loir-et-Cher, le gisement type d'une époque ou d'une industrie. Il ne semble même pas qu'on ait jusqu'à présent cherché à dégager les conclusions générales auxquelles pourrait conduire l'étude des collections existant dans le Calvados. Quelques-unes, en particulier

celle du Musée d'histoire naturelle de Caen (chaire de géologie de la Faculté des Sciences), seraient cependant d'un très haut intérêt.

En cet état encore très imprécis de nos connaissances sur tant de chapitres de la préhistoire dans notre département, les retranchements défensifs préhistoriques et les mégalithes sont les seuls témoins de l'existence ancienne de l'homme qui puissent faire l'objet d'un exposé d'ensemble et qui puissent être considérés de quelques points de vue généraux. Ce sont les seules catégories de monuments dont il puisse être question dans ce très bref aperçu d'archéologie préhistorique locale.

Les enceintes préhistoriques.

Dès la renaissance des études archéologiques, due pour une si grande part à sa propre activité, Arcisse de Caumont reconnaissait que beaucoup des retranchements communément considérés comme des camps romains dataient en réalité des âges de la pierre et du bronze qui ont précédé l'ère gauloise. De Caumont supposait également que quelques-unes des buttes défensives dites mottes féodales pouvaient être, elles aussi, antérieures à la conquête. Des récoltes de silex, d'assez nombreuses fouilles sont, depuis. venues démontrer que, conformément à l'opinion de de Caumont, la majorité des grandes enceintes fortifiées date de l'ère de la pierre polie ou néolithique. Moins démonstratives dans leur ensemble, quelques fouilles ont de même établi la haute antiquité de certaines buttes défensives dites mottes féodales.

Ce n'est cependant qu'à une époque toute récențe, sur l'initiative de la Société préhistorique de France, qui a constitué dans ce but une commission spéciale, et grâce en particulier à l'activité et au dévouement du Dr A. Guébhard. que l'étude des enceintes préhistoriques a pris une certaine

ampleur et qu'on a entrepris d'en établir une statistique. générale comparable à celle que nous possédons depuis longtemps pour les mégalithes. En ce qui concerne le Calvados, les travaux de la Commission des enceintes ont ajouté quelques localités nouvelles à celles portées sur la statistique préparatoire, mais les résultats déjà publiés pour le reste de la France nous mettent en mesure de beaucoup mieux apprécier ce que nous constatons dans notre dépar

tement.

La première constatation que nous ayons à faire porte sur la rareté relative des enceintes préhistoriques dans le Calvados. On peut, sans attendre les résultats de l'exploration complète du département, prévoir avec vraisemblance que la liste complète de nos enceintes ne dépassera pas une quarantaine de numéros. Assurément certaines enceintes ont dû disparaître au cours des âges, nivelées par la culture. Quelques-unes ont été détruites dans le courant même du XIXe siècle, mais le nivellement intentionnel d'une enceinte est une entreprise considérable, qui n'a jamais dû être tentée que dans des conditions de nécessité toutes particulières. La terre maigre des crêtes et des promontoires rocheux, site favori des enceintes, n'en aurait payé que rarement les frais. Quant à la culture pure et simple, elle adoucit et déforme, mais sans les effacer ni les rendre méconnaissables, les vallonnements artificiels d'une enceinte antique. Considérons donc comme démontré que les enceintes préhistoriques furent rares dans le Calvados, et le nombre qui vient d'être indiqué semblera plus faible encore si on se rappelle les presque innombrables castelars qui couvrent tous les sommets dans certains départements du Midi et dont quelques arrondissements du Var et des Alpes-Maritimes comptent des centaines. Peut-être faut-il conclure de ce rapprochement qu'il y eut alors des différences considérables dans les conditions de la vie sociale entre la Normandie et la région méditerranéenne.

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