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Conformément à l'usage constaté par les Leys d'amors (I, 338), mais qui, semble-t-il, ne remontait pas bien haut 1, Raimon de Cornet avait adopté un senhal, c'est-à-dire un mot qui introduit, avec plus au moins d'à-propos ou d'habibleté, dans la tornade de ses pièces lyriques, ou dans l'un des derniers vers de ses autres compositions, était comme son sceau ou sa signature. Ce senhal était rosa, mot qu'il prenait tantôt dans sa signification propre (A xxiv, 67, A XIII, 49?) tantôt et bien plus souvent dans une signification métaphorique ou allégorique, l'appliquant dans ce cas, soit à une dame (A VIII, 43), soit à la Sainte Vierge (A 11, xv, xvII, XX, XXI, XXV, XXVII, XXXIII, XLI, XLIX, etc.), ou laissant incertain (A XII, XXII, XXVI, LIII, LIV, etc.), à dessein peut-être3, l'objet, céleste ou terrestre, qu'il entendait désigner.

quam aliquid habere. » (Liber sententiarum inquisitionis Tholosanæ, p. 320). «<Item... quod prelati, religiosi, clerici et layci portantes vestes superfluas vel preciosas... faciebant contra perfectionem evangelicam... et quod in vestibus de pannis grossis, dejectis et deformibus et etiam repetaciatis resplendebat paupertas Jesu Christi, quia in panniculis Christus involutus inventus fuit et beatus Franciscus dedit benedictionem fratribus repetaciantibus vestes suas de saccis. » (Ibid., p. 329). — « Item quod dominus papa Johannes XXIIus, faciendo constitucionem quod fratres minores possent habere granaria et cellaria ad conservandum bladum et vinum in communi, fecit injuste et contra regulam sancti Francisci, et in hoc condempnavit pauperpatem et vitam et evangelium Jesu Christi, et fecit factum antichristale, et fuit factus misticus Antichristus, preparator vie majoris Antichristi. » (Ibid., p. 315.) (1) Les anciens troubadours désignaient leur dame par un nom de fantaisie (Bel esper, Bel vezer, Mielz de domna, etc., etc.), qui reparaissait nécessairement dans plusieurs de leurs compositions. Mais ils ne s'astreignaient point à le faire figurer dans toutes, et, naturellement, s'ils changeaient de dame, à quoi leur humeur volage les rendait assez disposés, ils ne transportaient pas à la nouvelle le nom secret de la précédente. Mais ce n'en est pas moins dans cet ancien usage, généralisé et modifié dans son application, qu'il faut voir l'origine du senhal, tel que l'employèrent R. de Cornet et ses contemporains.

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(2) Dans la première, quand il y en a deux; c'est le cas de A xiv, XVI, XXI, XXII, XXIII, XXVII, XLVII, XLIX. La seconde tornade de ces pièces est ce qu'on nomma plus tard l'endressa. Cf. Leys d'amors I, 338, et Joyas del gay saber, p. 47, 55, 223.

(3) Cf. ci-dessus, p. xxxix.

Chez Guiraut Riquier, où l'intention

Les seules pièces où ce senhal manque, abstraction faite des tensons, où il est inutile1, puisque chaque auteur y nomme son antagoniste, des pièces dont la fin a disparu en tout ou en partie 2, de la cobla esparsa A xvш et de la trufa A LI, dont on comprend de reste que Cornet n'ait pas voulu publiquement s'avouer l'auteur3, sont les deux sirventés A i et B vi. Le premier est incontestablement de Cornet, comme le prouve le titre de A ; l'absence de senhal ne saurait donc empêcher de lui attribuer aussi le second.

On sait que le comput formait, au moyen-âge, une des parties les plus essentielles de l'instruction ecclésiastique. Raimon de Cornet tenait, sans doute, à montrer qu'il avait en cette matière les connaissances que commandait son état. Aussi trouvons-nous parmi ses œuvres, outre une courte instruction en prose sur le renouvellement de la lune (A XXXIV) et une table des fêtes mobiles (A xxxvi), un cumpot en vers (A xxxv), formés de mots latins, entiers ou tronqués, et d'autres mots qui n'appartiennent, ce semble, à aucune langue. Ces vers, pour nous incompréhensibles, sont peutêtre des formules muémoniques, comme ceux que forgeait la scolastique pour désigner divers genres de syllogismes. Malheureusement le dommage à la vérité n'est pas bien l'auteur a négligé de nous en laisser la clef.

grand

d'employer, comme senhal, le nom secret de sa dame semble déjà manifeste, ce nom secret, qui est Bel deport, est plus d'une fois appliqué à la Sainte Vierge. On n'en trouve pas d'autre dans les œuvres de ce poëte; mais il ne figure que dans un quart environ d'entre elles.

(1) Il figure pourtant dans A XLII. - On remarquera que le senhal de P. de Ladils, qui est flor, manque dans B v, et n'a pas lieu d'y figurer, puisque l'auteur s'y nomme lui-même.

(2) Dans toutes très probablement, sauf peut-être le sirventés A LVII, ce senhal devait se trouver. Il est facile de le rétablir dans A xvi, 41 : Rosa de may. Cf. A v, 74. Dans A ix, 26-7, on pourrait proposer: Be fara mal... Ma rosa'n breu...

(3) Ajoutons que l'emploi, dans ce rôle et à cette place, d'un mot qui, presque partout ailleurs, désignait, ou était censé désigner la Sainte Vierge, aurait paru sans doute un sacrilège.

Plusieurs pièces de R. de Cornet ont déjà été signalées et caractérisées ci-dessus au point de vue spécial de la versification. Mais il ne sera pas inutile de les examiner toutes ici l'une après l'autre et d'en donner le schema, en y joignant quelques remarques. C'est par où nous terminerons cette notice.

A

1. Vers de 10 syllabes, cobla crozada (Leys d'amors, I, 170, 240). Forme des plus communes.

abbacddc

Même construction rhythmique et mêmes rimes que celles de la pièce xxi, qui dut servir de modèle à celle-ci. Cf. cidessus, p. xxxii, n. 2.

II. Vers de six syllabes; coblas singulars desguizadas de 13 vers (Leys I, 212, 250) :

aaba a b c c d c c d d1.

III-VI. Novas rimadas de six syllabes: parionas au no v, annexas, c.-à-d. terminées par un bordo biocat au no vi (Leys, I, 138).

VII. Vers de six syllabes; coblas desguizadas doblas de 13 vers (Leys I, 252, 264):

a a b a bbc cd dc b.

Même construction rhythmique que celle de la cobla donnée par les Leys en exemple (p. 252).

VIII. Vers de 10 syllabes; coblas crotz-encadenadas (Leys I, 240) unisonans (ibid., 270):

abbacdcd.

Forme très commune.

IX. Vers de 10 syllabes; coblas capcaudadas (Leys I, 236) de 3 vers3; singulars quant au reste. Le dernier vers, dans chaque cobla, est espars ou brut (ibid., 176).

(1) Les vers féminins sont notés par des italiques.

(2) Et pareillement le sirventés inséré dans le Doctrinal de trobar (ci-après, p. 212). Cf. ci-dessus, p. xxxi, n. 2.

(3) C'est, d'après les Leys (I, 198), le nombre minimum des vers que la cobla peut avoir, dans une chanson.

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X. Vers de 10 syllabes; coblas de six vers, capcaudadas, singulars, quant au reste. Le dernier vers, dans chaque cobla est espars ou brut.

et ainsi de suite.

1. a baba c

2. cdc dce

XI. Vers de 10 syllabes; coblas de sept vers. Chaque vers est terminé par x précédé de l'une des quatre voyelles e (ouvert), i, o (ouvert), u :

1. e ii e o ou

2. e o oe ii u1

et ainsi de suite, en faisant toujours alterner i et o, tandis que è et u restent fixes. Les six vers qui suivent le sixième couplet, et que nous avons imprimé à tort comme ne formant qu'une seule division de cette chanson, doivent plus probablement constituer deux tornades, dont la première reproduit les dernières rimes du 5* couplet, la seconde celles du sixième. C'est là une disposition que les Leys d'amors à la vérité ne mentionnent pas; mais nous avons plus loin (n° XXVII) un cas identique, et (nos XIV, XXI) des cas analogues, également ignorés des Leys, ou du moins qui ne peuvent non plus s'appuyer de leur autorité. Voy. t. I, p. 338-340 et 352. XII. Vers de 10 syllabes; coblas crotz-encadenadas unisonans de 8 vers:

a babcd dc

b et c sont des rimes dictionals derivativas per mermamen (duelha orguelh); a et d ont la même voyelle: o (ortz: oza); mais l'o n'y est pas de la même qualité; c'est une assonnance borda (Leys 1, 158).

(1) Les lettres sont imprimées en caractères gras, quand elles sont la reproduction des rimes et non pas seulement la formule du rhythme.

XIII. Vers de 10 syllabes. Coblas crotz-encadenadas de huit

vers:

a babcd dc.

Construction rhythmique d'un grand artifice. Ce sont des espèces de coblas doblas, mais dont la deuxième de chaque couple assonne seulement avec la première, avec cette particularité que la consonne est du même organe (orta : orda, etc.); ce sont aussi des coblas dictionals, mais d'un genre que les Leys n'indiquent pas (elles ne connaissent que les rims dictionals per mermamen o creissemen, comme atura : atur, dur: dura). Ici il n'y a pas chute ou adjonction d'une voyelle; il y a seulement substitution d'une voyelle à une autre. Deux verbes en ar (v et v 2), à quatre formes différentes de leur conjugaison, alternant dans un ordre constant, forment les huit rimes de chaque couplet, dont voici, à cet égard, la figure :

1. v indicatif prés. 3° pers. sing.
2. v2 subj.

>> Зе

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Il y a dans le ms. une faute au v. 8 du 1er couplet, où il

faut lire deporti, au lieu de conorti.

XIV. Vers de 10 syllabes. Coblas retrogadadas (Leys I, 164) de huit vers. Chacun est terminé par s, précédé de l'une des cinq voyelles (ouvertes ou fermées), dans l'ordre suivant1: 1. ao é è af i of o° u

2. u oo of i af è é a°

3. ao é è af i of o° u

(1) L'e fermé et l'e ouvert sont respectivement désignés par l'é aigu et par l'è grave. Pour les autres voyelles, faute de caractères accentués, nous les faisons suivre de o ou de f supérieurs, selon qu'elles sont ouvertes ou fermées.

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