Page images
PDF
EPUB

gros piliers, dans la construction desquels entrent des chaînes de brique et qui portent des arcs également en brique, auxquels on a ajouté et superposé, à une date

[graphic]

plus rapprochée, d'autres maçonneries d'un caractère différent. C'est près de ces piliers que se trouve un couloir de disposition anormale, dans lequel M. Corroyer a reconnu une citerne, et qui se trouve indiqué sur les anciens plans sous le nom d'endroit pour cacher

[graphic]

les reliques. Nous donnons ici, pour l'intelligence de cette question, le plan et les coupes qu'a bien voulu nous communiquer M. Bouet.

En mettant de côté tout ce qui est relatif au monu

ment et à ses diverses transformations, une des parties les plus neuves du travail est peut-être celle qui concerne les plombs de pèlerinage. A défaut du mémoire de dom René Massuet, dont nous n'avons pu retrouver la trace, nous possédons depuis 1868 un travail spécial de dom Piolin, sur les pèlerinages au Mont-St-Michel, où la question des plombs et des enseignes commémoratives est traitée incidemment avec une certaine étendue. Cet intéressant sujet a été repris par M. Corroyer et enrichi par lui d'une infinité de détails ignorés et d'une incontestable valeur.

La première pièce importante, citée par M. Corroyer, est une lettre-patente de Charles VI exemptant de tout impôt la vente des menues quincailleries et enseignes de pèlerinage. Ce texte curieux, cité déjà par M. Forgeais dans sa collection des plombs historiés trouvés dans la Seine, n'a été connu ni de dom Huynes, ni de son sagace et minutieux continuateur dom Thomas Le Roy. Les termes précis de ce document font connaître que ces menus objets étaient fondus et fabriqués sur les lieux mêmes au Mont-St-Michel, où, du reste, plusieurs moules ont été découverts. Mais l'immense quantité d'objets de cette nature retirés de la Seine aux abords du Pont-au-Change, du Pont-Notre-Dame et du Pont-St-Michel, prouve que c'était à Paris qu'existait véritablement la grande industrie de plomb destinée à alimenter les pèlerinages en France; aussi, Sanval, dans ses curieuses recherches sur les antiquités de Paris, définissait ainsi le biblotier: « C'est un faiseur et mou« leur de petites images en plomb qui se vendent aux a pèlerins et autres. »

Parmi tous ces objets, on distingue des ampoules, des sachets destinés à renfermer des reliques, des sonnettes,

des anneaux, des figures, des boutons, des colliers, des coquilles, des enseignes, des médailles et jusqu'à un cornet. Toutes ces quincailleries ont été reproduites par M. Corroyer dans une série de dessins d'une rigoureuse exactitude.

Le sanctuaire de Notre-Dame-la-Gisante, de Tombelaine, ne pouvait être oublié. M. Corroyer a publié trois enseignes de sainte Marie de Tombelaine, trouvées au Pont-au-Change; elles paraissent toutes appartenir au XV• siècle : il a eu de plus la bonne fortune de rencontrer une enseigne réunissant dans le même cercle la double effigie de la Vierge et de saint Michel. Peut-être, car, en pareille matière, nous ne saurions rien affirmer, rappelait-elle les deux pèlerinages voisins l'un de l'autre et très-fréquentés au moyen âge de sainte Marie de Tombelaine et de l'Archange au Mont-St-Michel.

Nous croyons devoir encore signaler le chapitre relatif aux armoiries des abbés et de l'abbaye, les détails concernant la découverte des tombeaux de Robert de Torigny et de l'abbé Martin, ainsi que toute la portion du livre consacrée aux remparts, aux défenses du château et aux enceintes fortifiées qui ont successivement existé. C'est là un côté neuf de la description du Mont, que les archéologues du pays n'avaient jusqu'ici qu'incomplètement abordé.

L'ouvrage se termine par un Itinéraire écrit dans le but de faciliter aux étrangers la visite méthodique de l'abbaye dans ses parties véritablement intéressantes. En parcourant ces notes substantielles, il est aisé de reconnaître que chez M. Corroyer, l'architecte est doublé d'un artiste véritable, sensible non-seulement aux beautés monumentales, mais aux aspects merveilleux d'une nature incomparable et au charme pénétrant

des souvenirs glorieux de notre histoire religieuse et nationale. A tous ces titres, M. Corroyer était digne d'attacher son nom à la restauration de cet antique monastère et d'en écrire l'histoire.

La description de l'abbaye est la préface d'une œuvre archéologique plus détaillée et plus importante que nous promet M. Corroyer et dont nous attendons avec impatience l'achèvement; elle est aussi comme le programme des travaux qui s'exécutent aujourd'hui et que, dans une certaine mesure, la Société des Antiquaires de Normandie, secondée par M. Guizot, son directeur, et par son président, M. Ferrand, avait contribué à provoquer. L'habileté professionnelle de M. Corroyer, les études persévérantes qu'il a entreprises et l'admiration émue que le monument lui inspire nous permettent d'espérer que l'architecte officiel saura restituer à notre vieux Mont-St-Michel sa physionomie véritable sans modifications imprudentes et sans embellissements systématiques.

Le Mont-St-Michel en poche, par M. Victor-Désiré Jacques. 1 vol. in−12; Avranches, 1877.

Le volume de M. Victor-Désiré Jacques, de Genets, intitulé Le Mont-St-Michel en poche, guide du visiteur, du touriste et du pèlerin, ouvrage enrichi d'une table répertoire, de l'horaire des chemins de fer, et de trois plans de l'abbaye, forme un contraste complet avec l'importante publication de M. Corroyer. Le volume, imprimé à Avranches chez Henry Gibert et tiré à grand nombre, ne vise pas au luxe typographique; on n'y remarque ni cette multiplicité de plans, de coupes,

[ocr errors]

[ocr errors]

d'eaux-fortes et de dessins admirablement exécutés qui facilitent l'intelligence du texte et qui sont souvent les meilleures démonstrations. Toutefois, cet ouvrage modeste d'allures a son cachet spécial et nous semble bien loin d'être à dédaigner. Des titres de chapitres ainsi conçus Où l'on montre la nécessité de visiter le Mont-St-Michel- Comment, aller au Mont-St-Michel n'est pas voir le Mont-St-Michel, Où l'on choisit son hôtel en étudiant l'entrée d'une ville du moyen âge, - Qui renferme une idée malgré sa brièveté, Où l'on trouvera des observations sur un scriptorium devenu la salle des chevaliers, ,-un chartrier transformé en musée, et un réfectoire qui pourrait être plus ancien, sembleraient indiquer une œuvre légère, où la folle du logis se ferait la plus large part. Mais, lorsqu'on parcourt le volume, on s'aperçoit promptement que cette manière d'apprécier serait inexacte. Il y a de l'imagination, du caprice, et une certaine pointe d'humour dans ces pages rapides sur le Mont-St-Michel; mais on y rencontre aussi des indications sérieuses, des vues originales, et la connaissance familière de documents nombreux, rares et généralement peu consultés. Le charme du lieu, son intérêt exceptionnel, sa valeur architecturale, les glorieux souvenirs qu'il évoque, tout cela est bien et vivement indiqué sans redites et souvent avec l'addition de particularités nouvelles.

Les longues explications dans lesquelles l'auteur est entré, pour fixer la destination de certaines parties de l'édifice, ne sont pas susceptibles d'analyse et ne peuvent d'ailleurs être parfaitement saisies qu'à l'aide de plans ou de dessins; sans vouloir nous y arrêter autrement, il nous suffira d'indiquer que, comme M. Alfred Ramé, M. Victor Jacques a tenté d'éclairer ces questions

« PreviousContinue »