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montée d'un bâtiment imitant le style de la fin du XIIe siècle. On remarquera que les colonnettes sont alternativement deux et une, comme dans quelques cloîtres du même temps.

Les chapitres des cathédrales avaient des magasins pour recueillir leurs redevances en nature. Le grand magasin, de la fin du XII siècle, que l'on voit à Chartres au nord de la cathédrale, a été décrit il y a longtemps dans le Bulletin monumental. Il paraît que le chapitre avait une juridiction attachée à cet édifice. D'autres cathédrales en ont eu de semblables.

Evêché de Mende. La partie de l'ancien évêché, aujourd'hui la préfecture, qui longe une des rues voisines de la cathédrale, à Mende, est une construction très-imposante qui peut remonter à la fin du XIIe siècle; à moins que le retard dans l'abandon du style roman, au centre de la France, ne doive la faire rapporter au commencement du XIII. Elle est divisée en dix travées par des contreforts plats, reliés les uns aux autres par des arcatures au-dessus du deuxième étage et surmontées d'un attique dont l'entablement est garni de crosses tronquées faisant l'office de modillons, genre de corniche trèsfréquent en Bourgogne et ailleurs, aux XIIe et XIIIe siècles.

Des boutiques ont été établies tout le long de la rue, au rez-dechaussée; mais tout porte à croire qu'elles n'existaient pas dans l'origine: aussi les a-t-on supprimées dans le dessin que je présente, p. 86. Le rez-de-chaussée du bâtiment est voûté en ogive, d'une extrémité à l'autre. Les ouvertures carrées que l'on voit dans le dessin correspondent à la partie supérieure de chaque travée, et donnent du jour aux espèces d'entre-sols établis au-dessus de la plupart des boutiques. C'est en montant dans ces entre-sols que l'on peut observer partout les belles voûtes ogivales qui existent.

L'étage qui surmonte ces voûtes était vraisemblablement percé de fenêtres, de dimension et de formes pareilles à celles qui sont indiquées dans mon dessin. On ne les voit plus maintenant, parce que l'appareil a été recrépi de chaux à plusieurs reprises, et qu'on ne distingue plus rien ; mais j'ai la conviction qu'elles ont existé et qu'on les retrouverait sous le mortier: on en voit, en effet, de semblables dans les constructions de même époque qui existent au sud de la cathédrale et qui bordaient l'ancien cloître des chanoines.

Les deux travées de l'extrémité orientale du grand mur de l'évêché sont plus larges que les huit autres; les contreforts sont reliés par trois arcatures, au lieu de deux : la grande porte par laquelle on pénétruit,

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de ce côté, dans l'enceinte épiscopale, s'ouvre dans la dernière travée.

Je pourrais citer beaucoup d'autres constructions qui, dans quelques évêchés, remontent au XIIe siècle, mais ce ne sont là que des débris. Il est très-difficile de rétablir le plan des palais épiscopaux du XIIe siècle on peut affirmer seulement que les bâtiments qui les composaient étaient disposés autour d'une cour, de manière à former un carré plus ou moins régulier; et que des arcades ou galeries couvertes servaient quelquefois, comme celles des cloîtres, à circuler à couvert et à communiquer d'une pièce à l'autre.

HALLES.

Edifices publics.

Deux sortes de halles me paraissent avoir existé dès le XIIe siècle : les premières ressemblaient aux granges des abbayes; c'étaient de vastes bâtiments en forme de parallelogramme dont la charpente, fort large et très-élevée, couvrait tout l'édifice. Des poteaux en bois, quelquefois des colonnes en pierre, divisaient, comme dans les granges, l'intérieur en trois nefs.

Les marchandises exposées en vente (grains, viandes, étoffes, objets d'industries diverses) se groupaient dans les diverses parties qui leur étaient assignées. Ces bâtiments étaient habituellement sur des places, isolés de tous côtés et percés de plusieurs issues pour la circulation.

Les secondes se composaient d'une galerie ou appentis le long d'une enceinte de murailles avec une place au centre; quelques-unes de ces places étaient fermées comme des cloîtres et l'on y entrait par des portes.

Les plus grands marchés de ce genre réunissaient les deux systèmes, c'est-à-dire qu'ils offraient des hangars adossés à des murs tout autour de la place, et, au centre, des bâtiments couverts comme les halles dont j'ai parlé plus haut.

Henri II, roi d'Angleterre, avait fait construire des halles dans plusieurs villes de son royaume, mais aucune, que je sache, n'a subsisté jusqu'à nous. D'après la relation que fait Joinville d'une fête qui eut lieu à Saumur, le 24 juin 1241, pendant le séjour de saint Louis dans cette ville, et du banquet royal qui se tint sous des halles construites par Henri II, nous pouvons nous faire une idée de ce monument et de ses dimensions considérables.

« Le roy (dit Joinville) tint cette fête ès halles de Saulmeur et disoit « l'en (1) que le grand roi Henri d'Angleterre (2) les avoit faictes a pour les grans festes tenir; et les halles sont faites à la guise des a cloistres de ces moines blancs (3). Mès je crois que de trop loing il « ne soit nuls cloistres si grans. Et vous diray pourquoy il le me semble ; car à la paroy du cloistre où le roy mengeoit qui estoit environné « de chevalliers et de serjans qui tenoient grand espace, mangeoient à « une table vingt que évêques, que arcevêques. Et encore après les « évêques et arcevêques, mengeoient en costé cele table la royne « Blanche sa mère, au chief du cloistre de cele part là où le roy ne men«geoit pas. Et si servoit à la royne le comte de Bouloigne qui puis fut roy de Portingal, et le bon comte de Saint-Pol et un Alemant de l'aâge « de dix-huit ans que en disoit que il avoit esté filz de Sainte Elisabeth de Thuringe; dont l'on disoit que la royne Blanche le bésioit au << front par dévotion, pour ce que elle entendoit que sa mère li avoit « maintes fois bésié.

• Au chief du cloistre d'autre part estoient les cuisines, les bouteilleries, les paneteries et les despenses de celi cloistre, qui servoient << devant le roy et la royne de char (4), de vin et de pain. Et en toutes <«<les autres elez (5) et en praël (6) du milieu, mengeoient de cheval<«<liers de si grant foison que je ne scé le nombre; et dient moult de « gens que ils n'avoient oncques veu autant de seurcotz et d'autres << garnimens de drap d'or que il y en ot (7) là, et dient que il y en ot « bien trois mille chevalliers (8). »

On voit, par cette description, que les halles du XIIe siècle étaient d'une étendue considérable; celles de Saumur prouvaient encore la magnificence de Henri II et son goût pour les constructions civiles.

HOSPICES. Parmi les monuments publics du XIIe siècle, les hospices avaient une assez grande importance dans certaines villes : nous trouvons encore, dans les grandes salles de ces édifices, la même disposition générale que dans les granges et les halles. Le principal corps-de-logis,

(1) Et disait l'en, et l'on disait.

(2) Henri II, comte d'Anjou.
(3) Religieux de l'ordre de Cîtea ux.
(4) Char, viande.

(5) Elez, ailes.

(6) Praël, préau.

(7) Ot, avait.

(8) Mémoires de Joinville, chap. x,

celui qui était destiné aux voyageurs et aux malades, était ordinairement divisé en trois nefs; la nef centrale restait libre, le plus ordinairement; les lits étaient rangés le long des murs dans les bas-côtés.

La façade extérieure, très-simple, offrait pour ornements des arcatures et des fenêtres; les corniches étaient traitées comme celles des églises.

L'ancien Hôtel-Dieu de Caen, détruit en 1827, et dont voici la façade

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Façade de l'ancien Hôtel-Dieu de Caen, détruit en 1827.

occidentale, était un exemple précieux dont je m'applaudis d'avoir

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