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partie supérieure reposait sur des piliers et non sur un mur plein, à en juger par l'esquisse.

Enfin, la cuisine de l'abbaye de St-Florent de Saumur paraît avoir été complètement ronde, avec un

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vaient être disposées le long du mur et le centre restait libre; dans d'autres c'était le contraire, elles étaient au centre et le pourtour était vide.

Quant au nombre considérable des tuyaux, qui correspondaient probablement à autant de foyers, on se l'explique par des conjectures seulement, car les recherches que j'ai faites ne m'ont pas fait découvrir de textes s'appliquant à l'état de l'art culinaire dans les abbayes au XIIe siècle.

Je suppose donc que, vu le grand nombre de moines qui les peuplaient à cette époque, il fallait beaucoup de foyers ou de fourneaux les uns servant à cuire les aliments dans des chaudières ou vases métalliques d'une grande capacité, les autres destinés à rôtir ou à griller les substances alimentaires; enfin, il ne serait pas invraisemblable que quelques-unes de ces cheminées eussent servi à faire saurer le poisson, dont les moines devaient consommer de grandes quantités et qu'il fallait dessécher par des procédés analogues aux nôtres. Mais ceci est une conjecture qui ne repose sur aucune autorité. L'administration des cuisines était une charge importante dans les abbayes, à l'abbaye de Bocherville, par exemple : il existe une charte

du XIIe siècle qui concédait le ministère des cuisines de l'abbaye à un certain Samson, fils de Guillaume d'Eu:

<< Sachez tous, tant présents qu'à venir, dit cette charte, que • Victor, abbé de St-Georges-de-Bocherville, et tout le couvent ont « concédé à Samson, fils de Guillaume d'Eu, et à ses héritiers, le << ministère entier de la cuisine de St-Georges, avec tous les fiefs et appartenances dépendant du ministère de la cuisine; et pour que « cette concession demeure bonne et stable, nous l'avons corroborée « de notre sceau (1). »

En Angleterre, il a existé dans quelques abbayes des cuisines semblables à celles que je viens de figurer.

Dès le IXe siècle, la cuisine occupait dans les abbayes la place que nous venons d'indiquer aux siècles postérieurs; elle était à proximité du réfectoire. C'est ce que prouve le plan de la célèbre abbaye de St-Gall, en Suisse, figuré et commenté dans le Bulletin monumental ( V. aussi la page 21 ).

Mais revenons à la distribution des bâtiments de nos abbayes aux XIe et XIIe siècles, telle que nous avons pu la reconnaître par l'étude des constructions existantes. Nous avons indiqué la destination des grands bâtiments qui entouraient le cloître, passons maintenant à l'examen des autres parties des établissements monastiques.

On trouvait dans les grandes abbayes :

L'area interior, ou cour intérieure réservée aux frères et aux domestiques de la maison ;

L'area communis, grande cour où les charrettes apportaient les dimes, les provisions, autour de laquelle se trouvaient les bâtiments de l'exploitation rurale (magasins, écuries, étables, etc.);

L'atrium ecclesiæ, petite place devant la façade occidentale de l'église, et par laquelle le public venait aux offices et entrait dans la nef sans pénétrer dans les cours de l'abbaye ;

A une certaine époque, la maison de l'abbé, domus abbatis ;

(1) Sciatis omnes presentes et futuri quod Victor abbas Sancti Georgii de Bolcherivilla, et omnis conventus, concesserunt Sansoni, filio Willelmi de Ango et heredibus suis, totum ministerium suum de coquina Sancti Georgii, cum omnibus feodis et pertinentiis que pertinent administerium predictæ coquinæ ; et quia benè et inconcussè permaneat, sigilli nostri munimine robora

vimus.

Enfin les jardins, les vergers clos de murs, etc., etc.

A Fontevrault, l'infirmerie est établie dans l'église St-Lazare; elle a son cloître et ses dépendances particulières.

Ces divisions s'observaient dans un très-grand nombre d'abbayes figurées dans la collection déjà citée.

L'abbaye de St-Étienne de Caen, qui était fort riche, était une de celles dans lesquelles ces grandes divisions étaient le plus complètes.

Nous les trouvons encore fort bien indiquées dans une petite vue de l'abbaye de St-Calais (Sarthe) (V. la page suivante ).

L'area interior, ou cour intérieure, accédait ordinairement à l'infirmerie, domus infirmorum, aux bâtiments des hôtes, quand ils ne faisaient pas partie du carré central, à la cuisine et à ses annexes, puis aux dépendances du dortoir (latrines), au réfectoire pour les gens de service, à la bibliothèque, etc., etc. C'était, en quelque sorte, le complément du cloître ou première cour.

L'area communis comprenait la grande porte d'entrée, porta major abbatiæ, les logements des gens de service, cellæ officialium, souvent de vastes greniers, horrea, granaria, et quelquefois la grange, grangia, les celliers, enfin le prétoire où l'on rendait la justice, prætorium, le carcer publicus, etc.

Le moulin, le four, le colombier, le pressoir se trouvaient souvent un peu à l'écart. D'ailleurs, la position du moulin, s'il y en avait un, était subordonnée à celle du courant d'eau qui le faisait mouvoir.

La maison de l'abbé s'accédait ordinairement par la grande cour, area major ou communis; mais elle avait son enceinte particulière et son jardin.

On conçoit que, suivant leur importance, les établissements monastiques ont offert un développement plus ou moins considérable. Les riches abbayes représentaient un village tout entier, une bourgade; les petits prieurés ressemblaient à une ferme.

Les prieurés ruraux, qui n'étaient occupés que par trois ou quatre moines, n'avaient souvent qu'une seule cour et pas de cloître.

La maison des religieux se trouvait près de l'église; les autres constructions étaient disposées autour de la cour. La grange aux dîmes était ordinairement la plus importante de ces constructions. Toutes ces maisons formaient une enceinte autour de la cour, et comme dans les

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abbayes, on y entrait par deux portes: l'une pour les charrettes, l'autre pour les piétons.

Ainsi, que l'on détache de l'ensemble d'une abbaye la première cour consacrée à l'exploitation rurale, qu'on y annexe une église, et l'on aura l'image du prieuré rural.

:

Les prieurés étaient effectivement, pour les abbayes, de grandes fermes si les moines y vaquaient à la prière et aux offices, ils avaient aussi pour mission de faire rentrer les redevances en nature, telles que les dîmes et les autres rentes de l'abbaye; de faire cultiver les terres formant le domaine du prieuré, et d'administrer les revenus de tout genre qui pouvaient appartenir à la maison.

Le style roman, tel que nous l'avons décrit, se manifeste dans toutes ces constructions. Les granges, les grands magasins, ont été bâtis avec un soin remarquable dans les abbayes du XIIe siècle, à en juger par le petit nombre d'exemples que nous possédons encore.

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Granges.

Es granges faisaient partie de la cour de la ferme, conséquemment elles étaient toujours, dans les abbayes ou les riches prieurés, en dehors des bâtiments réguliers conventuels; elles étaient placées de manière à être accessibles de deux côtés : par le pignon et par la façade latérale. Les granges un peu considérables avaient, en effet, des portes principales dans les pignons et des portes secondaires vers le centre des façades latérales, afin de rendre l'accès plus facile.

Quelques granges moins monumentales n'avaient de portes que sur les côtés, soit une seule au centre, soit une porte à chacune des extrémités du mur latéral. Les portes étaient toujours couvertes d'un porche ou d'un toit en saillie.

Les granges étaient, comme les églises, divisées en trois nefs: la nef centrale communiquait avec les ailes latérales par des arcades portées le plus souvent sur des colonnes monocylindriques, comme on le voit par le plan de la grange de Perrières. Le blé était tassé dans le centre et dans un des bas-côtés; l'un des bas-côtés qui souvent correspondait à deux grandes portes restait libre pour la circulation, quand l'abondance des céréales n'obligeait pas à le remplir. Dans d'autres granges la circulation se faisait par la nef centrale, et l'on tassait de préférence

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