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CHAPITRE I".

CONSTRUCTIONS PUBLIQUES OU PRIVÉES.

(DU Ve SIÈCLE ET DES SIÈCLES SUIVANTS JUSQU'AU Xo.)

OUR Connaître approximativement l'état de l'architecture civile du

POUR

Ve au Xe siècle, il faut se reporter à ce qu'étaient, sous la domination romaine, les habitations privées et les monuments publics; car il est bien certain que, longtemps après la chute de l'Empire, on suivit les traditions de l'ère précédente. La période mérovingienne fut en quelque sorte, pour l'architecture et la sculpture, la continuation de la période gallo-romaine, avec les différences résultant de l'abaissement de l'art, suite naturelle des malheurs qui avaient pesé et pesaient alors sur la société.

J'ai donné dans mon Cours d'antiquités, t. III, et dans l'Abécédaire d'archéologie (ère-gallo-romaine), des notions assez étendues sur les édifices publics et privés de la Gaule romaine: on peut recourir à ces détails. Je rappellerai seulement que, sous les Romains, les constructions privées étaient, pour la plupart, loin de répondre à la magnificence des édifices publics, et que, dans nos contrées, les maisons ne furent souvent qu'en bois et en torchis. L'usage de bâtir de la sorte, qui a régné si longtemps au moyen-âge, remontait aux temps de la domination romaine; c'était une des traditions de l'ère qui avait précédé,

tradition qui avait seulement été modifiée suivant les temps et les lieux.

Les édifices publics et quelques maisons de riches propriétaires durent particulièrement, aux premiers siècles du moyen-âge, offrir des matériaux solides et durables.

Sous les Romains, comme aujourd'hui, il y avait des maisons spacieuses pour les personnes riches, et des maisons disposées pour le logement du peuple: celles-ci, plus ou moins étroites, n'avaient pas la régularité des premières et devaient présenter, comme aujourd'hui, de grandes variétés de forme et d'étendue. Les autres, plus régulières, n'offraient pourtant pas invariablement la même distribution : la nature des emplacements, le goût et les besoins des propriétaires durent à cette époque, comme à présent, apporter des modifications notables dans la disposition des pièces.

Il est possible que des fondations ou même quelques pans de murs de cette époque existent dans des localités que nous n'avons pas visitées; mais il serait probablement bien difficile de se prononcer sur leur origine, surtout si ces débris sont associés à des constructions moins anciennes.

Les abbayes même, bien plus importantes que les constructions ordinaires et les édifices publics qui existaient avant le Xe siècle, n'ont pas laissé de traces que l'on puisse indiquer aujourd'hui comme authentiques. On sait d'ailleurs que, pour les édifices publics, on se servit souvent, à cette époque, des constructions romaines encore subsistantes; ces monuments durent être appropriés aux besoins des populations on répara les bains, les aqueducs, les portiques, etc.

Les édifices élevés par les Romains ont fourni pendant longtemps des logements pour le peuple dans presque toutes les anciennes villes; on s'était aménagé dans les arènes, les temples, les théâtres; les murailles antiques avaient servi de support aux toitures et aux cloisons de ces demeures établies au milieu des ruines (1).

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(1) Frodoard, dans son Histoire de l'église de Reims, nous apprend que l'évêque saint Rigobert s'était logé sur une des portes de la ville, où il avait établi un oratoire. Cet évêque fut ami de Pépin, maire du Palais. Pépin ayant appris que sa demeure de Gernicourt lui plaisait, s'empressa de la lui offrir, ajoutant qu'il lui donnerait, en outre, tout le terrain qu'il pourrait enceindre en en faisant le tour, tandis qu'il prendrait son repas à l'heure de midi. Rigobert, suivant l'exemple de saint Rémi, se mit en route, fit placer

Les constructions nouvelles qui purent alors être faites offraient une imitation des précédentes. Les traditions ne se perdirent point entièrement, et Mabillon a publié un document précieux (1) prouvant que certains édifices du premier ordre avaient conservé, au VII• siècle, les mêmes distributions qu'auparavant.

Nous allons d'abord étudier les édifices destinés à réunir un nombre plus ou moins considérable de personnes consacrées à la vie religieuse et vivant en commun.

Constructions monastiques.

L

Es moines ont emprunté les dispositions principales de leurs maisons conventuelles aux maisons romaines, c'est-à-dire aux maisons de campagne et aux maisons de ville.

Le cloître représente le péristyle des maisons de ville, la partie réservée à la vie intérieure.

Il répond aussi à la villa urbana, ou cour d'honneur des villa. La cour de la ferme, ou première cour, répond à la villa rustica des maisons de campagne romaines.

Le tablinum, ou lieu de réception des maisons romaines, et la salle qui y correspond dans les villæ furent transformés en salle capitulaire dans les abbayes; les cuisines et les salles à manger, placées sur le côté des cours dans les maisons romaines, conservèrent cette place dans l'architecture monastique.

Un seul élément nouveau, l'ÉGLISE, vint se substituer à certaines dépendances de l'habitation antique et forma toujours un des côtés de la cour du cloître de telle sorte que les maisons conventuelles, après s'être développées parallèlement à l'église, venaient, en retour d'équerre,

obvier à toute

des limites de distance en distance et traça ainsi l'enceinte, pour contestation. Frodoard, Hist. de l'église de Reims. Collection de M. Guizot, p. 168, t. V.

Ce récit offre beaucoup d'analogie avec celui que l'on fait à Noron, près Bayeux, relativement à l'origine des fossés du bois du Vernay, que la tradition attribue à saint Regnobert.

(1) Rer. Ital., t. II.

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12 Préau du cloître, répondant à la cour B de la villa gallo-romaine.

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14

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6 5

B

40

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urbana,

Plan d'une maison de campagne romaine. A. Première cour, rustica B. Cour d'honneur entourée des nombreuses pièces de l'habitation précédées d'un crypto-portique ou corridor.

Plan du cloître ou cour centrale d'une abbaye du XIIe siècle.

A. Emplacement de la première cour de l'abbaye, répondant à l'area rustica des maisons romaines.

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s'appuyer, d'un côté, sur le transept ou le sanctuaire; de l'autre, sur la partie occidentale de la nef.

En résumé, les abbayes avec leurs bâtiments claustraux représentant l'urbana ou prætorium, au milieu desquels on voit le cloître et le préau, frappante imitation d'un portique et d'un xyste, avec leur basse-cour comprenant tout ce qu'exige une exploitation, et de vastes magasins pour serrer les récoltes; avec leur parc entouré de murs, etc., etc., offrent une image des grandes ville romaines, dans lesquelles l'exploitation rurale était réunie au prætorium.

Le plan d'une villa romaine et celui d'une abbaye de la fin du XIIe siècle, placés en regard page 8, rendront facile la comparaison que je viens d'établir.

Sans doute, dans l'origine, les religieux n'observèrent pas dans leurs bâtiments la régularité qu'ils adoptèrent plus tard; leurs logements durent être d'abord groupés un peu confusément autour d'un oratoire; mais, à mesure que la vie en commun s'organisa, ils durent chercher un plan qui répondît le mieux, par sa disposition et la facilité des communications, aux exigences de la règle et du travail quotidien : ce fut, comme je le disais, dans celui des grandes habitations rurales de l'époque romaine qu'ils purent le trouver.

Dès le temps de saint Martin de Tours, de saint Hilaire de Poitiers, de saint Ambroise de Milan, de saint Honorat, des monastères existèrent dans les diverses parties de la France.

Plus tard, saint Benoît, qui vivait au VIe siècle, devint le législateur de ces établissements religieux dans l'Occident. La règle qu'il avait écrite en Italie fut généralement adoptée (1). Alors l'unité de la règle dut singulièrement favoriser l'unité de plan pour les maisons religieuses et leurs dépendances. Si elles différaient suivant leur importance et le nombre des personnes qu'elles renfermaient dans leur sein, suivant l'étendue de terres qui leur étaient concédées et le mode de culture auquel ces terres étaient soumises, elles offraient toujours une disposition se rattachant à un type, à un principe uniforme, que ne détruisait pas l'extension plus ou moins grande des accessoires.

Il me serait facile d'établir, par un grand nombre de documents, que

(1) Saint Benoît mourut en 545; saint Colomban, en 615.

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