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avait étudié l'architecture dans les ouvrages de Vitruve (1); il était versé dans tous les détails de cet art et avait dirigé les travaux entrepris à Aix-la-Chapelle, pour la reconstruction du palais et de la basilique. Nous le voyons, dans une de ses lettres, commander de faire des briques de deux espèces, dont il indique soigneusement à l'artisan la grandeur, l'épaisseur et la forme. Les plus grandes devaient avoir 2 pieds sur tous sens, quatre doigts d'épaisseur (2).

A cette époque, en effet, on plaçait des chaînes de briques dans les

murailles, comme on l'avait fait sous la domination romaine; l'usage d'employer la brique par zones horizontales paraît même s'être prolongé jusqu'au XIe siècle, dans quelques localités.

Il est certain également que, sous Charlemagne, on ajusta, dans les édifices les plus riches, des colonnes romaines arrachées aux monuments antiques : on remarquait des chapiteaux très-curieux au palais d'Ingelheim, situé à quelques lieues au-dessous de Mayence. Aujourd'hui le palais d'Ingelheim est détruit; mais plusieurs de ces chapiteaux ont été déposés dans le musée de Mayence.

En Italie, le palais ducal de Spolette était considérable et sa distribution rappelait celle des grandes maisons romaines, comme le prouve une citation faite par Mabillon dans les Annales bénédictines, p. 410.

D'après le document qu'il cite, et qui se rapporte à l'année 814, ce palais offrait d'abord un antichambre ou vestibule, proaulium ; secondement, la salle de réception, salutatorium; troisièmement, le consistoire, consistorium, grande pièce, espèce de tribunal où les causes étaient entendues et jugées; quatrièmement, le trichorum, espèce de réfectoire ainsi nommé parce qu'il contenait trois tables pour trois ordres de convives; puis les zeta hiemales et les zetæ æstivales, ou chambres d'hiver et chambres d'été.

(1) C'est ce que prouve une des lettres d'Eginhard, imprimée dans le t. VI de Dom Bouquet, p. 376.

(2) Volumus ut Egmunalo de verbo nostro præcipias, ut faciat nobis latere quadratos habentes in omnem partem duos pedes manuales, et quatuor digitos in crassitudinem, numero LX, et alios minores similiter quadratos habentes in omnem partem unum semissem et quatuor digitos, et in crassitudine digitos tres, numero CC. Misimus tibi per hunc hominem de semine lapitri, etc. Eginhardi abbatis epist. XXXVIII, Apud Bouquet, t. VI, p. 379.

Septièmement, l'episcautorium, où l'on brûlait des parfuns;
Huitièmement, le bain chaud ;

Neuvièmement, le gymnase, pièce destinée à la discussion et à divers exercices corporels ;

Dixièmement, la cuisine, où les aliments étaient préparés ;

Onzièmement, le columbum, réservoir où les eaux venaient se rendre ; Douzièmement, l'hippodrome, destiné aux courses de chevaux (1). Cette indication sommaire ne peut tenir lieu de plan et ne mentionne, d'ailleurs, que les pièces principales ; mais elle suffit pour montrer l'importance du palais et l'identité de sa distribution avec celle des palais gallo-romains.

HALLES ET PONTS. Je ne connais pas de halles ni de ponts qui remontent avec certitude à la période que nous étudions, mais on peut sans crainte affirmer que les halles ressemblaient à celles des XIe et XIIe siècles. Les ponts, dont un bel exemple a longtemps existé à Mayence dans le pont bâti sur le Rhin par Charlemagne, devaient peu différer de ce qu'ils avaient été auparavant et de ce qu'ils furent après.

ARCHITECTURE RURALE, Les grandes exploitations rurales étaient évidemment construites à l'image de celles que les maisons religieuses s'étaient annexées.

Le plan de St-Gall nous fournit des renseignements précieux sur l'architecture rurale du IXe siècle, et c'est un document qu'on ne

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(1) « In primo proaulium, id est locus ante aulam ; in secundo salutatorium, « id est locus salutandi officio deputatus, juxta majorem domum constitutus ; « in tertio consistorium, id est domus in palatio magna et ampla, ubi lites et « causæ audiebantur et discutiebantur, dictum consistorium a consistendo, quia ibi, ut quælibet audirent, et terminarent negotia, judices vel officiales ⚫ consistere debent ; in quarto trichorum, id est domus conviviis deputata, in « qua sunt tres ordines mensarum, et dictum est trichorum a tribus choris, « id est tribus ordinibus commessantium; in quinto zeta hyemales, id est « camera hiberno tempori competentes; in sexto zetæ æstivales, id est cameræ æstivo tempori competentes; in septimo episcautorium et triclinia « accubitanea, id est domus in qua incensum et aromata in igne ponebantur, « ut magnates odore vario reficerentur, in eadem domo tripertito ordine " confidentes; in octavo thermæ, id est balnearum locus calidarum ; in nono gymnasium, id est locus disputationibus, et diversis exercitationum generibus deputatus; in decimo coquine, id est domus ubi pulmenta et cibaria co« quuntur; in undecimo columbum, id est ubi aquæ influunt ; in duodecimo hippodromum, id est locus cursui equorum in palatio deputatus. »

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Vaches.

saurait trop étudier. Voici quelques-unes des parties de ce plan, qu'il me paraît très-utile de montrer ici :

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Les écuries et les étables présentent, sur le plan, la même disposition; les bâtiments sont rangés autour d'une cour carrée, au milieu de laquelle est une citerne, compluvium, comme dans les maisons romaines; à droite et à gauche de la cour sont de petites chambres pour les gardiens des chevaux et du bétail.

L'autre plan qui suit (p. 28) montre une étable à bœufs et une écurie, séparées l'une de l'autre par un atrium couvert avec son impluvium central.

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n'est pas jusqu'au bâtiment destiné aux volailles, qui ne présente

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Partie du plan général de l'abbaye de St-Gall.

la disposition constamment usitée; seulement, les poules et les canards avaient une enceinte circulaire à côté de l'enceinte carrée.

Poules.

Gardiens des oiseaux

Gardiens des canards.

Fragment du plan général de St-Gall.

Canards.

JARDINS. Les jardins, et souvent même les vergers, arboreta, sont mentionnés avec les manses, dans les parties connues des polyptiques de St-Amand et de St-Rémy. Les polyptiques de St-Bertin et de Prum et les statuts de Corbie contiennent plusieurs passages relatifs à la culture des jardins.

Le jardin était, comme aujourd'hui, un terrain clos d'un mur ou d'une haie, ou d'un treillage, destiné à la culture des légumes, des racines, des herbes employées aux usages de l'homme. Dans les terres de Prum, les jardins étaient divisés en area, probablement des planches ou des carrés.

Le plan de St-Gall nous montre la même disposition (V. la page 30). Nous y voyons des planches disposées à peu près comme dans nos jardins actuels, et consacrées, d'après les indications du plan, aux oignons, aux poireaux, au céleri, à la coriandre, à l'anet, au pavot, aux radis, aux carottes, à l'oseille, à l'ail, aux échalotes, au persil, au cerfeuil, à la laitue, à la sarriette, aux panais, aux choux, à l'avoine.

Le logement des jardiniers, figuré à l'extrémité de ces planches, montre encore la même disposition que nous signalions tout à l'heure pour les écuries et les étables, c'est-à-dire qu'il est disposé en carré autour d'une cour, avec son compluvium central. Une partie des bâtiments est affectée aux logements, et l'autre à la conservation des graines, des légumes et des instruments de jardinage.

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