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« St-Pascent, de Donzère, de Solignac, de Ste-Marie, de Ste-Rade« gonde, de Véra, de Utera, de Valade, d'Anien, de St-Guillem, de « St-Laurent, de Ste-Marie-sur-l'Orbieu, de Caunas, et beaucoup « d'autres qui semblent s'élever comme des flambeaux pour éclairer « le royaume d'Aquitaine.

« Cet exemple fut suivi par une multitude d'évêques, et même beau« coup de laïques, frappés d'émulation, réparaient les monastères en « ruine, ou en construisaient de nouveaux, à l'envi les uns des autres (1).» On ne peut douter que tous ces édifices ne fussent ce qu'il y avait alors de plus remarquable en architecture civile: aussi excitaient-ils particulièrement, par leur importance, l'attention et la convoitise des pirates qui désolèrent la France au IXe siècle.

Le plan de l'abbaye de St-Gall, en Suisse, publié par Mabillon dans le t. II des Annales de l'Ordre de saint Benoît, et il y a quelques années en Angleterre par M. Willis, est pour l'architecture du IX® siècle un monument de la plus haute importance, que j'ai plusieurs fois recommandé à l'attention des archéologues. En effet, si ce n'est pas celui de l'abbaye elle-même, on s'accorde à le regarder comme un type datant du IXe siècle, un projet modèle que l'abbé de StGall consultait pour la disposition des édifices qu'il faisait construire à cette époque.

Ce plan, ou plutôt ce projet pour un très-grand monastère, dont l'auteur n'est pas connu, montre l'église circulaire, à ses deux extrémités et, au midi, un cloître carré accédait au réfectoire, aux salles et aux dortoirs.

Autour de ce centre principal se développent diverses constructions dont la destination est toujours indiquée par des légendes explicatives, et qui, en général, offrent dans leur forme carrée et leur cour intérieure l'imitation répétée de l'atrium des maisons romaines.

Le plan de St-Gall nous prouve qu'au IXe siècle la cuisine occupait dans les abbayes la même place que dans les siècles postérieurs; elle était à proximité du réfectoire.

Ainsi, d'après ce plan, publié par Mabillon dans les Annales de l'Ordre de saint Benoît, la cuisine de St-Gall était carrée. Au centre existait un fourneau, fornax super arcus, dit la légende; des cheminées devaient être disposées autour de la salle : quoique la légende

(1) Vie de Louis-le-Débonnaire, par l'Astronome. p. 95. Collection de M. Guizot, t. III, p. 340.

Apud Bouquet, t. VI,

Cuisine.

n'en parle pas, la disposition du plan permet de le supposer. Il y a
lieu de croire aussi que des tuyaux de cheminée s'élevaient du toit

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pour recevoir la fumée du fourneau central et au pourtour pour
conduire au dehors celle des cheminées, comme nous le verrons, au
XIIe siècle, dans des cuisines dont je présenterai des figures.

Ce plan, extrêmement curieux, nous prouve aussi que les hypo-
caustes étaient encore en usage au IXe siècle.

Ainsi, en dehors de la grande pièce située à l'est du cloître et qui tient la place de la salle capitulaire, existe un foyer que la légende

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désigne ainsi : Foyer pour la chaleur, caminus ad calefaciendum; c'est

Latrines.

Réfectoire.

le fourneau de l'hypocauste; plus loin, vers l'extrémité du bâtiment, est une autre construction qui se détache du même bâtiment et désignée sur le plan par ces mots : evaporatio fumi.

Il est évident que, pour arriver à cette issue, la fumée devait passer sous le pavé de la grande salle; mais, pour que toute espèce de doute cesse à cet égard, on lit dans le plan, au milieu de cette pièce, ces mots: subtus calefactoria, que l'on peut traduire: au-dessous du pavé les conduits du calorifère.

Je ne serais nullement surpris que quelques hypocaustes eussent encore existé au XIIe siècle, mais je n'en ai pas la preuve. Toujours est-il que les cheminées devinrent communes dans le XIe siècle ; qu'elles se multiplièrent au XIIe, et qu'alors on dut abandonner complètement le système que nous avaient légué les Romains pour le chauffage des maisons.

Dans le plan de St-Gall, les latrines et la salle des bains forment deux petits bâtiments à l'extrémité du dortoir, qui occupe l'aile orientale des bâtiments du cloître (1). Les latrines étaient encore, au XVIIe siècle, placées de même dans un très-grand nombre d'abbayes, d'après l'examen fait des vues du Monasticon. Le plan de St-Gall, qui, par sa légende détaillée, indique la destination principale de chaque pièce au IX siècle, est, je le répète, un document de la plus haute importance.

Les chanoines qui vécurent en commun autour des cathédrales, adoptèrent aussi à peu près la disposition des abbayes; car ils avaient un cloître, une salle capitulaire, un réfectoire, des magasins, un tribunal ou officialité, des écoles, des dortoirs ou des maisons particulières groupées dans le même quartier.

Palais, halles et autres monuments publics.

L

Es écrits laissés par les moines nous fournissent quelques lumières sur l'état des bâtiments claustraux du VIII et du IXe siècle; mais nous n'avons pas la même ressource pour les autres constructions civiles, et nous sommes réduits à des conjectures relativement à l'étendue et à la disposition des palais des grandes habitations privées et des édifices publics. On peut supposer que ces différents ouvrages avaient retenu

(1) On distingue sur le plan, des siéges (sedilia), au nombre de neuf, ee qui montre que les latrines du IXe siècle étaient disposées comme celles du XIXe.

quelque chose de la magnificence romaine; qu'ils offraient beaucoup d'analogie avec les édifices de même destination auxquels ils avaient succédé.

On voit à Ravenne, près de l'église St-Apollinaire intra-muros, une construction en briques regardée comme un reste du palais de Théodoric.

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Si la maçonnerie en briques, avec des couches de ciment fort épais, offre les mêmes caractères que les constructions du VIe siècle existant dans la même ville, les petites colonnes ou arcatures qui décorent la partie supérieure de cette façade sont peu caractérisées et ressemblent à nos colonnes romanes ordinaires. Du reste, cette espèce de façade offre une disposition symétrique des portes et des arcades qui confirme jusqu'à un certain point la tradition. Ainsi, trois portes existent au rez-de-chaussée; l'une est encore ouverte, les deux autres sont bouchées.

Au-dessus de la porte centrale une niche semi-circulaire, voûtée, paraît avoir été destinée à recevoir une statue; quatre arcatures décorent la muraille de chaque côté de cette niche, reposant sur des colon

nettes portées par des consoles et sur des saillies de la muraille représentant des contreforts (1).

Charlemagne, qui sut imprimer l'impulsion à tout ce qu'il y avait de grand et d'utile, avait pris goût pour les arts dans les voyages qu'il avait faits en Italie et dans les autres parties de ses États. Pendant les intervalles de ses diverses expéditions, il s'occupa de réaliser les idées que lui avaient inspirées ses voyages. Il fonda plusieurs villes nouvelles, bâtit des ponts, répara beaucoup d'anciens édifices publics (2).

Le palais de Charles, à Aix-la-Chapelle, était un ouvrage remarquable, composé d'une vaste maison autour de laquelle se trouvaient des corps-de-logis considérables pour les hommes attachés à la cour c'est au moins ce qu'indique le passage suivant du moine de St-Gall, écrivain contemporain :

« Les demeures de tous les gens revêtus de quelques dignités, dit-il, << furent construites, d'après les plans de Charlemagne, autour du << palais, et de telle manière que l'empereur pouvait, des fenêtres de « son cabinet, voir tout ce que ceux qui entraient ou sortaient faisaient « de plus caché. »

« Les habitations des grands étaient de plus suspendues pour ainsi « dire au-dessus de la terre; non-seulement les officiers et leurs servi<< teurs, mais toute espèce de gens, trouvaient sous ces maisons un << abri contre les injures de l'air, la neige et la pluie, et même des << fourneaux pour se défendre de la gelée, sans que toutefois ils pussent « se soustraire aux regards du vigilant Charles (3). »

L'exemple donné par le souverain ne peut jamais être stérile : les grands s'empressèrent d'imiter Charles sur différents points du royaume, et l'architecture se releva de la décadence dans laquelle elle était tombée. Eginhard, secrétaire de Charlemagne et surintendant des bâtiments de l'Empire, secondait avec empressement les vues de son maître ; il

(1) Dans une des deux portes aujourd'hui bouchées qui s'ouvraient primitivement à droite et à gauche de l'entrée centrale, on a incrusté une baignoire en porphyre transformée en sarcophage : cette baignoire avait été trouvée près du mausolée de Théodoric, d'où l'on avait conclu, sans autre preuve, qu'elle avait renfermé les cendres de ce prince; on alla même jusqu'à affirmer le fait dans une inscription gravée sur la muraille où elle se trouve maintenant enchâssée.

(2) V Séroux d'Agincourt, Histoire de l'art par les monuments.

(3) Vie de Charlemagne, par le moine de St-Gall; apud Bouquet, t. V, p. 119. Collection de M. Guizot, t. III, p. 214.

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