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dont la pendule applique de Mme la baronne de Rothschild va nous offrir l'un des plus merveilleux types.

Le meuble de M. de Blacas a ce mérite particulier de porter une date; les deux grands médaillons d'ivoire placés au centre intérieur des vantaux et représentant Lucrèce et Léda sont signés C W, 1593. Le monogramme est sans doute celui du graveur allemand qui a buriné le sujet; mais en tout cas la date du meuble ne peut pas être antérieure. Entrons maintenant dans l'époque pompeuse de Louis le Grand, c'est à-dire dans le vrai mobilier, et arrêtons-nous d'abord devant l'exposition de M. le marquis de Vogué. Voici des pièces historiques, le bureau avec ses accessoires, le cartonnier bout de bureau et un coffret ayant appartenu à Jean-Baptiste de Machault, garde des sceaux de France en 1750. Ce sont là des œuvres presque incontestables d'André-Charles Boule, le plus célèbre des artistes de cette grande famille d'ébénistes, protégée par le roi. Le bureau et le cartonnier sont en ébène à panneaux d'écaille relevés par une incrustation sobre de cuivre gravé l'exécution et le goût sont irréprochables, et l'on peut observer combien sont remarquables eux-mêmes les cuivres qui complètent ces meubles au sommet des pieds courbes de la table sont de charmants bustes de femme s'amortissant en rinceaux d'acanthe; au milieu du bandeau figure un masque puissamment conçu. Quant à la pendule de bout de bureau, l'Amour chargé d'une faux qui la couronne et le Temps couché sous le cadran sont de véritables œuvres de statuaire.

Le coffret est intéressant, parce qu'il montre le genre mixte de Boule, c'est-à-dire sur le haut une première partie, cuivre ressortant sur écaille, et en bas une seconde partie, ornements d'écaille sur fond de cuivre.

C'est à ce dernier mode d'ornementation qu'appartient la grande armoire dont les arabesques sont rehaussées de touches bleues, rouges et vertes. Ce meuble éclatant et plein d'apparat porte aussi des bronzes dorés; sur les panneaux ce sont les Arts, sur le sommet, les Sciences, puis des trophées et des vases; mais ces accessoires sont loin de la perfection de ceux du bureau, et s'il nous fallait chercher à mettre un nom sur cet ouvrage nous hasarderions celui de Philippe Poitou, privilégié en 1683 et imitateur de Boule.

Ne quittons pas le genre pur du maître sans citer les splendides médailliers du prince Marc de Beauvau; une commode à M. le comte de Vogué et au même amateur une superbe pendule dans laquelle figurent des bronzes de Michel-Ange; une autre pendule dite religieuse, à M. le comte d'Armaillé, est particulièrement belle.

Toutefois l'influence des Boule ne fut pas telle que l'on ne pratiquât

pas d'autre genre de marqueterie que le leur; M. Beurdeley expose une horloge à gaîne, en bois divers disposés en mosaïque symétrique, dont la forme ne manque pas d'ampleur et qui offre des bronzes d'un goût fort remarquable. Le couronnement en trophée, avec écusson d'armoirie, indique que cette pièce a appartenu à Turenne, duc de Bouillon. Une autre pendule d'apparat, en bois de rose marqueté, et ornée des statues

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de l'Aurore, d'Apollon et de Diane, est l'un des plus beaux meubles exposés par Mme la baronne de Rothschild.

Mais passons à cette époque agitée qui sert de transition entre Louis XIV et Louis XVI, et cherchons quelques types au milieu de ce conflit de modes et d'idées, signe d'une société troublée. Voilà, dans la salle de la famille de Rothschild, un meuble de bout de bureau appartenant à M. le baron Gustave et qui conserve encore toute la sévérité des époques antérieures; l'ébène s'y montre en grandes surfaces et, si le tro

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2 PÉRIODE.

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phée d'instruments saillant sur son milieu, si les figurines d'athlètes soutenant des enroulements déjà chiffonnés ne désignaient la transition, on le daterait encore de Louis XIV. La pendule qui le couronne avec son globe voilé et les génies qui marquent l'heure ne dérangerait en rien cette attribution.

Mais la marqueterie de bois de couleur va se montrer; elle seule peut convenir pour rehausser les formes contournées des meubles et pour accompagner des bronzes tordus en chicorées, roulés en guirlandes, enrubanés comme les bergères de l'époque. L'armoire de M. Beurdeley est un échantillon bien choisi pour montrer ces tendances nouvelles : ventrue sans excès, relevée de chicorées discrètes, elle laisse remarquer les colonnes fleuries, en bois camaïeu, qui enrichissent sa surface. Un autre chef-d'œuvre de facture est la petite table exposée par M. Double et qui appartenait aux filles de Louis XV, Mesdames de France; ce meuble faisait partie du mobilier du château de Meudon.

Citons encore le charmant meuble appartenant à M. le baron Gustave de Rothschild, et qui semble annoncer en même temps un retour aux · idées anciennes et l'aurore d'un genre nouveau. Sa face d'ébène est occupée par deux médaillons peints à l'aquarelle par Huet et Le Prince; des cuivres riches et compliqués couvrent le bois et promettent les frises arabesques, les chutes de fleurs qu'on verra plus tard sur le bois de rose et l'acajou; les côtés sont formés de plaques en laque à relief d'or, tribut payé au talent des artistes de l'extrême Orient. Daté par les dessins de l'année 1771, ce joli objet montre une recherche de délicatesse dénotant une transition intéressante.

Il faudrait multiplier ces descriptions à l'infini pour dire toutes les richesses que renferme l'Exposition; mais nous devons nous hâter, car voici le style Louis XVI, cher aux amateurs actuels, triomphe de la ciselure, du travail fin et précieux.

A vrai dire, ce style échappe à toute analyse; on n'explique pas la simplicité somptueuse, la grâce rigide, la froideur émouvante; on ne peut non plus faire comprendre par des mots cette perfection du burin qui rend une frise en bronze, un médaillon de commode rivaux d'un bijou d'or. Il faut donc renvoyer aux objets eux-mêmes en signalant une horloge, véri– table monument, exposée par Mme de Rothschild. Le soubassement à colonnes porte des bronzes splendides et supporte, outre le cadran dans sa caisse surmontée d'un globe étoilé, deux figures bronzées d'un grand style. Citons encore une table appartenant à M. le prince Marc de Beauvau, dont les bas-reliefs et les ornements en bronze sont de véritables bijoux; les deux commodes de M. Double, l'une en marqueterie de bois

de rose, l'autre en acajou ronceux; le petit guéridon de M. le comte de Cars, où vient s'incruster une plaque en porcelaine de Sèvres.

Le secrétaire de M. le docteur Voillemier mérite une mention particulière, car il offre dans tout son développement un genre de placage fort remarquablement exécuté, mais qui devait entraîner le meuble en dehors de sa voie réelle en cherchant à le faire rivaliser avec la peinture. Au moyen de bois de couleurs diverses, soit naturelles, soit obtenues artificiellement, l'auteur a exécuté des médaillons à sujets et des arabesques ou des groupes de fleurs qui couvrent le reste de la surface du meuble. Si nous avons considéré comme une dégénérescence l'emploi en Italie des mosaïques de Florence sur les cabinets et les horloges, nous ferons le même reproche à la mosaïque en bois de couleur; elle sort des attributions de l'ébénisterie, et présente d'ailleurs l'inconvénient grave d'être essentiellement éphémère, car la lumière peut en modifier l'effet en trèspeu de temps.

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