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SIII. EGLISE NOTRE-DAME DOU MERCADIL.

Ce sanctuaire, si vénérable par son antiquité, puisque sa fondation primitive remonte à saint Martial, n'offre, lorsqu'on le voit de la grande place, qu'une nef haute et étroite, terminée à l'orient par une abside semi-hexagone, et tout cela porte les caractères de l'architecture la plus simple et la plus mesquine du XVI. siècle. C'est pour cette raison sans doute qu'un monument si curieux a pour ainsi dire échappé à tous les regards. M. Jouannet et la Guienne monumentale n'en disent pas un mot; la Commission départementale ne l'a pas classé, et il devrait l'être dans la première catégorie. M. l'abbé O'Reilly ne parle de cette église que pour dire qu'elle n'a plus rien aujourd'hui qui fasse connaître l'époque de sa construction. Il voit seulement sur le côté méridional des corbeaux qui sont peut-être, ajoute-t-il, « une imitation « de l'architecture Carlovingienne» (p. 321, 322). C'est une circonstance fort curieuse que cette appréciation d'un auteur qui ne s'est pas occupé d'archéologie et qui caractérise par là, d'un seul mot, l'aspect de ce singulier monument; mais il ne faut pas oublier, pour en juger ainsi, que le mot, carlovingienne, emprunté au mémoire de 1821 de M. Jouannet, désigne en réalité les monuments des XI. et XII. siècles. En effet, nous avons affaire ici à un édifice de la première et de la plus pure époque ogivale, quant aux formes, et dont l'ornementation est presqu'entièrement romane; nous rendrons évidente cette bizarre alliance. Ailleurs (p. 23), en déplorant la profanation des édifices sacrés et notamment de cette église devenue l'habitation de plusieurs familles et le grenier d'un boulanger, M. O'Reilly s'afflige de ce qu'elle est restée debout au lieu de disparaître entièrement comme Saint-Martial et Saint-Martin, après avoir cessé de retentir

des louanges du Très-Haut et de sa divine Mère. Je me permets, moi, de ne point partager les regrets du pieux auteur. Qu'un pontife auguste y rentre, la mitre en tête, la crosse en main; qu'il y répande l'eau sainte ; qu'il y replace les ossements des martyrs et des confesseurs; qu'il immole ensuite l'Agneau sans tache sur l'autel relevé ! Une profanation réparée vaut mieux qu'une profanation ensevelie dans l'oubli des siècles. Mais pour cela il y a quelque chose à faire, et la Commission départementale se trouve placée de manière à revendiquer pour elle-même l'honneur de provoquer cette réparation. Espérons qu'elle s'y emploiera de son mieux; la chose en vaut la peine, cela est évident, à priori, pour tout catholique; c'est à nous de prouver aux archéologues, par les dessins et la description, que l'intérêt de la science réclame aussi des efforts de leur part, et quelques sacrifices pécuniaires de la part de l'autorité.

N. D. dou Mercadil (du petit marché) fondée par saint Martial sur une éminence presqu'égale à celle qui porte la cathédrale, fut détruite par les Normands en 853; Gombaud, évêque-duc de Bazas, la fit rebâtir à la fin du X. siècle. Détruite de nouveau à une époque qui nous reste inconnue, elle fut reconstruite (le monument suffit à l'attester) vers le commencement du XIII®. Pour la troisième fois, les protestants le détruisirent en entier, sauf le mur méridional et une partie du mur septentrional, en 1577. A la fin du même. siècle elle fut enfin mise, en conservant les parties restées debout, dans l'état où elle se trouve maintenant à l'extérieur. Dévastée et vendue comme bien national en 1793, sa nef sans bas-côtés a été coupée à l'intérieur par trois étages de planchers et par de nombreuses cloisons. Nous n'avons aperçu aucun reste de clocher.

Pour se douter de sa valeur monumentale, il faut comme nous être guidé par un hasard heureux, quitter la grande

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