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compositions a capella, la fugue est religieuse par convention; à mon sens, elle est plutôt un problême mathématique à résoudre, un thême d'école, qu'un élan de l'âme en prière. Seulement, comme elle ne peut pas être écrite par tout le monde, et qu'il faut être excellent harmoniste pour l'exposer, la développer et même pour la comprendre, elle s'est trouvée nécessairement reléguée dans les ouvrages sérieux, et la sévérité de ses allures lui a interdit pour jamais l'accès du théâtre. C'est le seul avantage que je voie à l'employer à l'église, encore bien que les organistes doivent en être excessivement sobres et ne prendre pour leurs sujets que les motifs du chant liturgique. Néanmoins, me préserve mon zèle d'en sottement conclure que les grands maîtres ont manqué de sentiment religieux; ils ont admirablement senti, et traduit leurs impressions dans le sublime langage du génie. Mais le génie et surtout le génie musical ne parle pas intelligiblement à tous les esprits, c'est pourquoi si la musique sublime prie, elle prie seulement pour ceux qui l'ont écrite et les rares auditeurs qui peuvent la comprendre.

Et si nous doutons du genre religieux de la fugue, de l'imitation, du style sévère, que dire de ces romances modernes sous prétexte de cantiques? Que dire de ces chants frivoles, de cette musique théâtrale, qui semblent avoir élu domicile à l'église, si ce n'est que le goût public se pervertit, que le sens religieux est profondément abaissé.

Si la musique dite religieuse ne prie pas, elle ne fait sans doute pas prier. Et cependant la plus noble attribution du chant catholique n'est-elle pas de donner à tous les cœurs croyants une expression pour l'amour et l'adoration ? N'estelle pas de toucher et d'émouvoir l'âme de l'indifférent par cet accent unanime de la grande famille chrétienne? N'estelle pas d'humilier le front orgueilleux de l'impie, de le courber malgré lui dans la poussière pour lui faire confesser

son néant en présence du Créateur? Qui jamais aura l'idée de prétendre qu'un motet sautillant chanté par un petit nombre de voix au milieu d'une assemblée muette qui ne peut s'y associer en aucune façon de cœur ou d'esprit, puisse atteindre à cet édifiant résultat? S'il appartenait à notre siècle froid et insouciant de populariser cette musique égoïste de laquelle la foule est si dédaigneusement exclue, il appartient aux réformateurs de l'art chrétien de protester énergiquement et de tous leurs moyens contre cet abus scandaleux. Au surplus, ce qui prouve qu'il n'est pas d'exagération dans ces paroles, est le spectacle qu'offre une église où l'office est chanté plus habituellement en musique. Les curieux, les promeneurs y remplacent l'édifiante assemblée des fidèles.

Je résume. Comparée au plain chant, la musique est inconvenante. Comme exécution, elle est presque toujours mauvaise. Mieux exécutée, elle n'est pas religieuse.

Je n'ai point épuisé la matière, il s'en faut; on pourrait écrire des volumes, et après avoir tout dit, il resterait encore quelque chose à dire. Cependant, j'en finis avec la musique, je crois en avoir assez dit pour les hommes qui raisonnent, les seuls auxquels je m'adresse, je les ai plutôt mis sur la voie des observations que je n'ai traité les hautes questions que soulève cette nouvelle polémique. Le cadre trop circonscrit de ces lettres ne me le permet pas. Puisqu'il s'agit de réforme dans le chant liturgique, la première à mon avis sera l'exclusion de la musique proprement dite.

Le chant catholique n'est pas plus à inventer que l'architecture chrétienne, ce que nous avons de mieux à faire est de respecter les monuments de l'un et de l'autre art.

Le plain chant est la seule musique religieuse. Je n'en connais pas d'autre. Mais le plain-chant est-il ce qu'il devrait être? Tel sera, si vous voulez bien me le permettre, Monsieur, l'objet de la troisième lettre que j'aurai l'honneur de vous adresser.

EXCURSION

ARCHÉOLOGIQUE

AUX ENVIRONS D'ORLÉANS,

EN AVRIL 1846;

Par M. le Vte. DE CUSSY,

Membre de l'Institut des Provinces.

L'Institut des provinces de France venait de clorre sa session de 1846 dans la capitale de l'Orléanais. Déjà, les délégués des sociétés savantes accrédités près de lui, allaient rendre compte de leur mission, qui à Rouen, qui à Bordeaux, Autun, etc.

Nous avions cimenté une douce alliance avec des correspondants étrangers de Russie et d'Allemagne ; enfin, les personnes érudites de la ville qui, à divers titres, avaient assisté à nos séances et donné des preuves multipliées d'hospitalité et de savoir, avaient repris leurs travaux habituels. Toutefois, notre directeur, toujours le premier et le dernier sur la brèche, ralliait encore autour de lui quelques membres de la Société pour la conservation des monuments, et leur proposait une dernière course en ville et dans les environs.

Permettez, Messieurs, à l'humble historiographe désigné

EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE AUX ENVIRONS D'ORLEANS. 595 de cette pérégrination, de vous offrir quelques détails sur les objets qui ont le plus particulièrement attiré nos regards.

Nos premiers pas appartenaient de droit à la collection déjà nombreuse et du meilleur goût, de M. l'abbé Desnoyers, dont nous avions pu apprécier le zèle et l'obligeance.

Mettant merveilleusement à profit un court séjour sur la terre classique des arts et des grands souvenirs, Monsieur le Vicaire-général du diocèse a réuni un heureux choix des restes de la civilisation romaine ou gauloise; de jolies statuettes en bronze, dont un Camille d'un travail remarquable; une curieuse emboiture de plaustrum; une balance au grand complet; des vases de toutes les formes et dans toutes les matières; enfin des bijoux, pierres gravées et médailles. Le mobilier entier d'une tombe gauloise consistant en agrafes de ceinturons, ciselées et argentées, un graphium et une petite urne en terre grise renfermant une pièce de monnaie.

Mais ce qui, dans cette collection, nous a semblé devoir passer en première ligne, ce sont les antiquités provenant des fouilles récentes faites pour les chemins de fer dont le réseau étreint l'ancienne Genabum.

Collecteur attentif et vigilant, M. Desnoyers a pu de cette manière recueillir un grand nombre d'objets qui donnent sur l'importance des localités, théâtres de ces fouilles, d'utiles renseignements. Ce sont des anneaux et fibules plus ou moins riches, des instruments de sculpture en bronze et en os; un fragment de mosaïque ; des meules à double système horizontal et conique. Il n'est pas jusqu'au mémorable siége de 1429 qui n'ait fourni son contingent.

Après avoir félicité M. Desnoyers sur son trésor archéologique, nous avons franchi la rue pour visiter dans le séminaire, des boiseries qui nous avaient été signalées, certes, à bon droit; c'est une série de sujets religieux et d'un faire audessus de tout éloge. Il s'agit ici, Messieurs, d'une com

mande royale; ces sculptures ont été faites par ordre de Louis XIV et devaient orner la chapelle de son palais de Versailles les marbres et les dorures ayant pris leur place, il fallut de hautes combinaisons de cour, des précautions matérielles, à peine croyables, pour qu'un des évêques d'Orléans, fort en crédit, pût obtenir ces boiseries; et le chapitre de Notre-Dame de Paris qui les revendiquait, ne prit son parti qu'après l'achèvement de celles qu'il possède aujourd'hui. Je vous ferai grâce des vicissitudes qui de la cathédrale, sa véritable place, ont relégué ce chef-d'œuvre dans la chapelle du séminaire dont il orne le pourtour entier.

Pendant les préparatifs indispensables pour notre course à l'extérieur, nous avons pu visiter une autre collection d'antiquités, également digne d'attention, c'est celle de M. Vergnaud-Romagnési, connu par ses nombreux travaux historiques et archéologiques.

M. Vergnaud s'est attaché principalement à recueillir des monuments français, importants au point de vue de la marche de la civilisation et des arts, ou à celui de la célébrité de leurs anciens possesseurs.

C'est ainsi qu'après un choix de verrières des meilleurs maîtres, nous avons trouvé le siége de justice de la célèbre abbaye de St.-Mesmin; un cabinet remarquablement bien sculpté, ayant appartenu au cardinal Briçonnet; et parmi de belles armes, une pertuisanne attribuée au connétable de la Vieuville. Nous nous sommes occupés, avec intérêt, d'un bas-relief représentant la bataille de St.-Aubin-du-Cormier et la prise du duc d'Orléans, depuis Louis XII. Il vient du château de Sully, ainsi que l'arme citée plus haut. Enfin, une grande et belle bannière, dite de Jeanne-d'Arc, autrefois portée pendant la procession commémorative de la délivrance de la ville, par l'héroïne de Donrémy !

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