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Ainsi donc, reniant vos pères

Qui bâtissaient à Jésus-Christ

Des temples merveilleux en des jours peu prospères
Leurs étonnants travaux votre loi les proscrit.
La flèche vous effraie et l'ogive vous blesse ;
Et toujours vous montrez la Grèce

Aux artistes chrétiens, nouveaux révélateurs,
Dénonçant comme des coupables

Ceux dont les efforts admirables

D'un autre art catholique atteindraient les hauteurs.

Il faut garantir votre école

Des doctrines que nous prêchons.

Du génie et des arts à vous le monopole!

Fermez aux lauréats la route où nous marchons.

A vous l'autorité, la raison, la puissance!

A vos clients l'obéissance!

Car ainsi l'ont voulu Delorme et Jean Bullant.
N'exigeons pas plus que l'Église,

Chez le bon Jupiter admise,

Et de ses jours d'exil parfois s'y consolant.

O vous, à qui la vieille France

Doit ces témoins religieux,

Ces monuments d'amour qui parlent d'espérance
Aux fidèles croyants dignes de leurs aïeux,
Vous, à qui Reims a dû sa merveille élancée,

Vous dont la féconde pensée

Créa la métropole, ornement de Paris,

De vos noms présentant les listes,

Nul de vous, glorieux artistes,

Au palais des beaux-arts n'obtiendrait le grand prix.

Légion qu'un jour pur éclaire,
Evitez de plus longs débats,

Laissez, laissez passer cette vaine colère
Qui ne peut ramener de sérieux combats.

La victoire est à vous, le peuple se prononce;

Son hommage est une réponse A qui méconnaîtra cet art national,

Cet art français et catholique

Dont l'expression symbolique

Pour l'œil de la pensée est un brillant fanal.

Si dans ce jour j'ose répondre

A ces décrets impériaux,

D'autres plus éloquents d'avance ont su confondre
Nos cruels ennemis, en chevaliers loyaux.
Caumont, Hugo, Didron, Montalembert, Deville,
Ensemençant un champ fertile,

Après Châteaubriand ont ranimé la foi.

Qui veut arrêter comme un crime,
Cet élan puissant, unanime? –

L'Institut, rude et fier, répondra-t-il : « C'est moi! »>

Il nous parle de l'Italie,

Mais avons-nous son ciel d'azur?

Nos aïeux clairvoyants, dont la foi nous rallie,
Bâtissaient sous un ciel que l'hiver rend obscur.
Ils avaient leur génie et n'empruntaient à d'autres,
Du même culte saints apôtres,

Ni leur ciseau léger, ni leur marbre charmant.
Dans leur âme grande et profonde

Ils trouvaient une voix féconde,
Une inspiration, un cé'este élément.

Si l'insurgé voulait entendre
Ce que Vitruve n'apprend point,
A la vérité seule empressé de se rendre,
Il serait avec nous en accord sur tout point.

Qu'il apporte à son tour son zèle et sa science

Au service d'une croyance

Par Dieu même accordée aux élus, comme un don.

Il a commis, docteur profane,

Plus d'un péché qui le condamne,

Ah! qu'il se convertisse, il aura son pardon.

Alors, fils de la Normandie,
Alors vous applaudirez tous;

Il sera glorieux de ce qu'il répudie,
Vous verrez ses succès sans en être jaloux
Comme le fier Sycambre il courbera la tête,
En bénissant de sa conquête

Le Dieu de tous ces dieux par lui trop encensés ;

Et sans brûler ce qu'il adore,

Il permettra qu'il naisse encore

Des monuments nouveaux dignes des temps passés.

Oui, déjà plus d'un puissant maître,
Rattachant un lien rompu,

Sur notre sol a fait renaître

Le grand labeur interrompu.

La religion de nos pères
Des générations prospères
Sera toujours le ferme appui ;
Et Dieu conservera mémoire
Des artistes qui pour sa gloire
Se seront inspirés de lui!

ARCHÉOLOGIE MUSICALE.

DU CHANT CATHOLIQUE;

Par M. de SAINT-GERMAIN,

Inspecteur de la Société française pour le département de l'Eure, correspondant du ministère de l'Instruction publique

pour les travaux historiques.

Seconde Lettre (1).

A M. de Caumont, directeur de la Société française pour conservation des monuments historiques.

MONSIEUR,

la

Si jamais, dans le sanctuaire, on voyait paraître, affublé des oripeaux du théâtre, un Ministre de nos autels, qui ne serait saisi d'indignation? qui ne crierait au scandale? A cette

(4) Il s'est glissé dans la première lettre plusieurs errata typographiques dont voici les trois principaux à la page 235, au lieu de exécute encore la marche : lisez exécute la marche. A la page 237, an lieu de déconvenance: lisez déconvenue. A la page 239, au lieu de pétillants lisez frétillants.

inouïe profanation, répondrait un anathème universel; le sceptique lui-même ne pourrait se défendre d'un sentiment d'horreur.

Quiconque voudra bien raisonner, ne sera guère moins scandalisé d'entendre à l'église de ces motets dramatiques et païens qui feraient à volonté une introduction ou un final d'opéra, une cavatine ou une romance, qu'il ne serait révolté d'y voir des prêtres comédiens. Car, s'il est une langue ecclésiastique, une architecture chrétienne, une ornementation (1) sacrée, des vêtements sacerdotaux, il doit exister également un chant catholique. Or, nous en avons déjà constaté l'existence et l'opportunité, nous avons saluć le plain chant comme seule musique digne de l'église.

Cependant la musique moderne y est entrée par tant de portes, y est exécutée de tant et de si différentes façons, qu'il y aurait encore force objections à réfuter et longs comptes à régler avant de pouvoir prononcer son exclusion définitive à la satisfaction générale. Mais on ne doit, en

(1) A quoi bon citer l'ornementation chrétienne, comme si ellemême n'avait pas été mondanisée ? On pourrait trouver la comparaison essentiellement fausse, puisqu'hélas le goût frivole a travesti l'architecture, l'ornementation et jusqu'aux ornements sacerdotaux. Il y a des limites, je le sais, il y a de pieux usages fort respectables auxquels la foi commande de ne point toucher. Mais que signifient dans le lieu saint ces patères en cuivre doré, ces passementeries de restaurant, ces petites faveurs, ces cuivres soufflés qui arrivent en droite ligne de la boutique du tapissier décorateur ? Et ces ignobles rideaux de cotonnade rouge tant affectionnés pour les fenêtres de chapelles, rideaux qui n'ont leur pareil que dans les tavernes de bas étage? Et ces peintures, ces marbrures, ces tableaux de toutes dimensions, ces tentures coloriées, tout cela appartient-il à la décoration sévere du temple catholique? Quant aux vêtements sacerdotaux, mieux que personne les archéologues savent combien ils sont ridiculement modifiés. Ainsi toutes les formes du culte sont flétries. Le chant ne devait pas être épargné.

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