Page images
PDF
EPUB

carreaux sont en briques vernies; on en voit de semblables à l'abbaye des Vaux de Cernay et dans bon nombre de vieilles églises. Celles des Vaux de Cernay portent des arabesques variées et de pure fantaisie, tandis que celles de Notre-Damede-la-Roche portent alternativement une fleur de lys et une tour probablement le lys de France et la tour de Castille, les armes de saint Louis et de sa mère. En effet, l'église de l'abbaye fut consacrée en 1232. On peut, je crois, admettre que, dans le principe, le chœur et peut-être la chapelle entière a été pavé de la sorte. A une époque plus rapprochée, vraisemblablement, au commencement du XVII. siècle, on éleva l'autel à colonnes, la boiserie, et l'on forma ainsi une sacristie dans laquelle se trouvèrent enfermés les tombeaux; c'est alors qu'on aura transporté les statues le long des murs du chœur, on aura renouvelé le dallage que quatre siècles avaient pu détériorer, et l'on aura employé comme rognures, morceaux de rebut, bons à boucher un orifice de tombe, au fond d'une sacristie, ces briques, qui ne sont pas une des moindres curiosités archéologiques de cet endroit : quant à la troisième statue, je n'ai pu découvrir la place de la tombe sur laquelle elle était couchée; peut-être était-elle au milieu du chœur ou dans l'une des chapelles latérales.

Maintenant deux mots, pour terminer, sur les personnages que représentent ces statues, et sur l'histoire de l'abbaye de la Roche. Les statues ont été peintes, probablement même repeintes, et portent encore des traces de cette peinture, notamment sur l'écu où l'on distingue, assez facilement, des chevrons jaunes et noirs; or, nous avons vu plus haut, que les Levis portent d'or à trois chevrons de sable; ce sont donc trois Levis, et trois Levis du XIII. siècle; celui qui est complètement mutilé, serait le plus ancien, et, selon moi, le fondateur de la Roche, Guy, premier du nom, chef de toutes les branches de cette

famille, qui se croisa dans la guerre des Albigeois, et y reçut le titre de maréchal de la foy, qu'il transmit à ses descendants. Il fonda ce monastère en 1190, cette fondation fut confirmée par Maurice, évêque de Paris, en 1196, et par Eudes, aussi évêque de ce siége en 1201; l'église ne fut consacrée qu'en 1232; nous ne connaissons pas de documents qui attestent positivement le fait de sa sépulture en cet endroit, mais il était assez ordinaire, on le sait, que les fondateurs d'abbayes se fissent ensevelir à l'ombre des voûtes qu'eux-mêmes avaient construites, au milieu des saints hommes qu'ils avaient comblés de leurs largesses.

Guy, deuxième du nom, est mentionné, à tort, dans le nécrologe de Port-Royal, comme le fondateur de la Roche; or, il est plus que probable que cette erreur provient de ce qu'il y avait sa sépulture; ce serait lui, selon moi, que représenterait la statue la mieux conservée.

Quant au troisième, Guy de Levis, seigneur de Mirepoix, de Monségur et de Florensac, le P. Anselme énonce que dans son testament, daté du 4 des ides d'août 1276, il élut sa sépulture à l'abbaye de la Roche; ce serait lui dont la statue aurait tué, dans sa chûte, le vilain sacrilège qui osait porter la main sur l'image d'un de ses anciens seigneurs, ce serait lui dont la statue a été maladroitement baptisée du nom de saint Victor, que l'on voit écrit, en lettres toutes modernes sur son piédestal.

La fondation d'une abbaye dans cet endroit appelé au XII. siècle le Bois Hugon, était justifiée par la présence d'une source miraculeuse qui y existe encore et où l'on venait faire des pélerinages à la Vierge, aux cinq fêtes de Marie; elle fut desservie par des religieux de l'ordre de saint Augustin; à différentes époques, et surtout dans ses commencements, elle reçut des donations importantes des membres, hommes et femmes, de la famille des Levis; plus

tard, elle passa aux Habert de Montmort qui la transmirent, avec leur domaine du Mesnil, à leurs successeurs. M. Gauthier, avocat à Versailles, ayant acquis, en 1836, cette terre, de la famille de Roulée, les Levis, qui voient, non sans raison, dans les statues du chœur trois de leurs ancêtres, et qui d'ailleurs, ont à coup sûr dans cette chapelle les restes d'un de leurs grands oncles, le jeune Roger, qui dort depuis 500 ans sous la tombe si richement ornée que nous avons décrite plus haut, les Levis achetèrent N.-D.-de-la-Roche et y mirent un gardien; depuis dix ans bientôt, tous ceux qui visitent ce curieux monument s'étonnent de l'état de délabrement dans lequel il est resté jusqu'à ce jour; on m'a même affirmé que la plupart des fenêtres ogivales aujourd'hui bouchées en plâtre, l'ont été depuis que cette maison est rentrée entre les mains de ses fondateurs. Cependant, quelques menues réparations faites dans ces derniers temps, permettent d'espérer que cette chapelle ne tardera pas à reprendre, aux applaudissements de tous, archéologues ou non, un aspect digne de son origine, digne des preux qui reposent sous ses dalles, digne enfin des Maréchaux de la foi dont elle est le St.-Denis.

EXTRAIT

D'UNE NOTICE

SUR LES

ANTIQUITÉS PRIMITIVES DES ILES DE LA MANCHE (1);

(Traduit de l'Archeological Journal).

Par M. CAMPION,

Membre de la Société française.

La forme et la construction des dolmens des îles de la Manche, à l'intérieur desquels on a découvert, mêlés à des ossements humains, des instruments en pierre en rapport avec les besoins, la simplicité et l'ignorance d'un peuple naissant, présentent des variations analogues à celles qui ont été observées dans d'autres pays.

Il en est dont l'ouverture est tournée vers le levant. Dans les îles de la Manche, aussi bien qu'en France, ils ont,

(1) Nous donnons un extrait de ce mémoire inséré dans le 1er. volume de l'Archeological Journal, parce qu'il renferme des détails curieux sur quelques monuments celtiques des îles de la Manche qui ont fait partie de la France et qui se lient physiquement à la Bretagne et à la Basse-Normandie : nous comptons, plus tard, nous livrer à quelques considérations nouvelles sur les monuments celtiques de la France et sur les poteries diverses qu'on y a trouvées.

(Note de M. de Caumont ).

en général, cette direction: mais il est difficile de décider si elle leur a été donnée à dessein. En Bretagne, on en rencontre un certain nombre qui font face au nord, A l'Ancresse, dans l'île de Guernesey, deux dolmens sur trois sont disposés de la même manière; dans l'île de Herms, à 30 pieds environ d'un dolmen tourné vers l'est, se voit un autre monument de ce genre qui regarde le nord-ouest. A cette exception près, tous les dolmens de grande dimension, au moins ceux de l'île de Guernesey, sont ouverts dans la direction du levant.

Les pierres qui les composent ressemblent, pour la figure et la disposition, à celles dont sont formés les dolmens des autres pays; elles n'en diffèrent que sous le rapport de la dimension et de la matière. D'énormes blocs de granite, reposant sur des supports massifs qui touchent ordinairement le sol par leur extrémité la moins épaisse, constituent les parois du caveau mortuaire. Dans les interstices des supports, on trouve des pierres de dimension moins considérable, ajustées de façon à prévenir l'éboulement du tumulus qui couvre le tombeau. Une large enceinte formée de pierres isolées, posées verticalement et à égale distance les unes des autres ainsi que des pierres d'appui, complète la structure extérieure du monument.

A l'intérieur du caveau, le sol est souvent recouvert d'un lit de mortier ou de sable. Là où le terrain est nu, on remarque ordinairement qu'il a été battu et nivelé. Les légères différences qu'on observe dans l'arrangement des dolmens sont dues, pour la plupart, à des circonstances locales. Ces monuments ont reçu des dénominations diverses, suivant leurs proportions et leur forme ou en rapport avec une hypothèse qui s'était produite et qu'on voulait maintenir. Du reste, que les dolmens soient ronds ou de forme quadrangulaire, qu'ils soient tournés vers le levant ou vers le nord, leur plan est le même.

« PreviousContinue »