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comme pour doubler nos regrets. Le Mesnil-Saint-Denys relevait de la célèbre abbaye de ce nom. Il y a même, d'après un manuscrit de la bibliothèque de Versailles, quelque lieu de supposer qu'il faisait partie de la donation dont le roi Pepin gratifia cette abbaye en 768.

En face du château, et à une portée de fusil environ, s'élève une ferme que l'on nomme Baurain. Au XIIIe siècle, on appelait ce lieu Laferté-Baurain, parce que les seigneurs de Chevreuse y avaient une forteresse, dont on voit encore un pan de mur dans la cour de la ferme; autour de cette forteresse devait s'étendre un bourg ou village aujourd'hui détruit. En effet, dans toute l'étendue de la plaine, en labourant et surtout en creusant, on rencontre des restes de constructions ou de fondations; de plus, les titres sur lesquels j'ai jeté les yeux portent, quand ils énoncent des redevances ou fermages en nature, ces mots : Mesure de Beaurain, ce qui indique un centre de population, une sorte de chef-lieu.

A l'ouest, et environ à 700 ou 800 mètres du château, le plateau sur lequel il est construit s'abaisse brusquement, et l'on aperçoit un charmant vallon encadré dans des côteaux boisés, et semé çà et là de blanches maisons: c'est le val et le hameau de Levy-Saint-Nom, (Livicia dans un diplôme de 774). L'église s'élève sur une éminence qui domine la vallée; elle n'a rien de remarquable à l'extérieur, si ce n'est une porte à cintre surbaissé et à nervures qui reposent leurs extrémités sur des consoles, dont l'une, celle de gauche, représente un joueur de cornemuse assez bien conservé. Celle de droite n'offre guère qu'un débris informe. La disposition de cette porte et le style de la figure dont je viens de parler, concordent assez avec la date de la consécration de l'édifice, qui aurait eu lieu en 1537; l'intérieur est une véritable grange; dans le sol, on voit deux pierres sépulcrales, presque complètement effacées, et une autre portant la date de 1692, et annonçant

que là repose un duc d'Uzès. C'est celui que le P. Anselme mentionne comme gouverneur de Saintonge et d'Anjou, et colonel du régiment de Crussol, en 1673. Sur l'autel, une Vierge dont la tête et les mains, d'un beau travail paraissent être d'une sorte de stuc fort dur, plus poli que le marbre, quoique la Gallia Christiana prétende que cette Vierge est d'ivoire, et que c'est la seule semblable qui existe en France. Nous ne quitterons pas le hameau de Levy sans mentionner des ruines extrêmement pittoresques, qui s'élèvent, au fond de la vallée, à quelques pas d'un petit ruisseau; ce sont des pans de mur formés de moëllons et de briques, séparés les uns des autres par de larges déchirures et couverts en partie d'épais rideaux de lierre en un mot, cela a l'air de quelque chose; mais en y pénétrant, on reconnaît bientôt que l'archéologie ni l'histoire n'ont rien à récolter sur cet aride terrain. En effet, ces ruines, sont les débris d'un château qui n'a jamais été terminé, et qui fut commencé dans les premières années du XVI. siècle par Jacques de Crussol, grand pannetier de France, qui rendit, en 1515, hommage à François Ier. pour la vicomté d'Uzès, qu'il tenait de sa femme, et pour cette baronnie de Levy, qui relevait de la tour du Louvre.

Entre le château et le vallon de Levy, il existe un clos d'une superficie de deux ou trois hectares au plus, entouré de murs; au milieu s'élèvent une chapelle et des bâtiments d'habitation; à l'extérieur, la maison présente le même style que le château du Mesnil, la construction de brique et de pierre, et sa distribution intérieure est toute moderne ; mais dans la partie la plus rapprochée de l'église, bien que l'extérieur soit aussi récent que le reste, si l'on pousse une porte vermoulue qui s'ouvre à côté d'une fenêtre carrée à vîtres épaisses, au rebord chargé de poteries domestiques, on est tout étonné de se trouver au milieu

d'une salle assez vaste, aux voûtes fleuronnées, ornées de moulures qui retombent d'un côté sur des consoles de feuillages adhérentes au mur, et de l'autre se réunissent en faisceau au centre de la salle, sur le chapiteau octogone d'un pilier central monocylindrique, à base enterrée dans le sol; la cheminée est une pesante construction du temps de Louis XIII, mais elle en a probablement remplacé une autre plus ancienne et fort regrettable, si l'on en juge par le chambranle de gauche qui subsiste encore; c'est une svelte colonnette à chapiteau de feuillage hardiment fouillé et contourné, et qui donne l'idée la plus avantageuse de ce qui a disparu sous la lourde maçonnerie du XVIIe siècle; deux cabinets adjacents à cette salle, et qui ont dû en faire partie, présentent la même disposition des arceaux, les mêmes nervures, les mêmes consoles. A côté s'élève l'église.

Le portail est précédé d'une sorte de vestibule en maçonnerie moderne; mais reproduisant tant bien que mal celui qui a dû y exister jadis. Il est flanqué de deux piliers quadrangulaires, terminés par des gradins de briques surmontés d'une boule, et parfaitement semblables à ceux qui ornent la grille du potager du château. Au fond, dans l'ombre, s'élève le véritable portail.

Il est formé par des colonnettes à chapiteaux de feuillage, d'où s'élancent de triples nervures se réunissant en ogive sous une figurine, qui tient la main droite levée comme pour bénir ceux qui entrent; au milieu de l'entablement, un trèfle autrefois garni de vitraux, plus tard bouché avec des moëllons, et que le temps, réparant ici l'œuvre de l'homme, dégage chaque jour un peu ; au-dessus de ce petit portail, qui garde encore des traces de la peinture pourpre dont il a été couvert, le tympan de l'édifice est percé d'une rose à meneaux fleuronnés, et entourée d'un cercle taillé en pointe de diamants; elle est en partie bouchée, en partie garnie de vitraux blancs

soutenus par une croix de fer. Cette seconde rose, tout-à-fait moderne, est seule visible à l'intérieur ; au-dessus, une fenêtre ogivale, sans ornements et complètement bouchée; les murs de droite et de gauche sont soutenus par des contreforts saillants, mais sans sculpture; dans l'angle septentrional du transept, une tourelle octogone dont le toit ne dépasse pas celui de l'église, contient l'escalier qui conduit au clocher; celui-ci carré, peu élevé et percé de deux fenêtres à chaque face, couronne le point d'intersection de la croix; le long du mur de droite, on a fait dernièrement des fouilles qui ont mis à découvert les fondations d'un petit cloître sur l'une des galeries duquel ouvrait la salle dont j'ai parlé en commençant. On a trouvé, en outre, près de l'église, plusieurs tombes sans intérêt sous le rapport de l'art ou sous celui de l'histoire; l'une d'elles est restée ouverte pendant plusieurs mois et renfermait un squelette que j'ai vu, et qui avait deux mètres de long. Le côté méridional du transept, c'est-à-dire le bras gauche de la croix, car cette église est parfaitement orientée, se trouve adossé aux bâtiments d'habitation, sans espace entre eux; le chevet est percé de trois fenêtres ogivales, celle du milieu plus haute que les autres; elles ont toutes trois conservé leurs vitraux, non pas, bien entendu, leurs vitraux primitifs, qui, d'après les gracieux détails de cet édifice, devaient être de splendides verrières; mais du moins n'ontelles pas été gâchées en plâtre comme les autres. On pénètre dans la chapelle par une porte qui s'ouvre dans le transept septentrional, non pas, comme à l'ordinaire, à son extrémité, mais dans une des parois; cependant, on peut ouvrir aussi les ais vermoulus qui ferment le portail principal; c'est par là que je commencerai la description de l'intérieur.

La chapelle entière a environ 28 mètres de longueur. La nef qui a 6 mètres de large sur 13 de long, du portail au transept, se compose de deux berceaux d'arcs à nervures

s'élançant de consoles de feuillage adhérentes au mur, et se réunissant sous une clé fleuronnée; de chaque côté, l'on remarque les croix consécratives peintes sur le mur, et portant à leur centre un cercle dans lequel est représentée une figure de saint.

Au transept, les consoles, au lieu de feuillage, offrent des figures variées dont plusieurs m'ont paru dignes d'être dessinées; celle de l'angle méridional, la plus rapprochée de la nef, est un triple visage où je croyais voir la Trinité, mais cela m'a été contesté par de plus forts iconographes que moi, leur humble élève. Celle qui lui fait face est un personnage couronné, qui semble supporter avec peine le poids dont on a chargé ses épaules. Les autres figures sont des grotesques hideux, des sortes de crabes à tête humaine. L'intersection du transept forme un berceau dont les nervures se réunissent, comme dans la nef, sous une clé fleuronnéc et ornée en outre d'une petite figure sculptée dans la pierre, et qui semble bénir les assistants.

Le chœur, dans lequel est compris le transept, est séparé de la nef par une grille de bois peint, surmontée d'un Christ, entre saint Jean et Marie, qui pourrait être du XVI®. siècle; la partie la plus rapprochée de la nef est garnie de stalles et boiseries en fort mauvais état et sculptées dans le style de transition de la fin de ce siècle; au milieu du chœur, à l'endroit où est ordinairement la grille, s'élève une marche, puis une balustrade à hauteur d'appui, et un peu plus loin l'autel appuyé à une boiserie peinte et dorée dans le style du XVII., s'élevant à 3 mètres environ du sol, et percée à droite et à gauche d'une porte conduisant dans une sacristie ménagée entre cet autel et le mur du chevet; au-dessus de la porte de droite, un reliquaire surmonté d'une tête d'évêque, en bois peint et doré, d'un assez bon travail. Celle de gauche portait un reliquaire semblable, orné d'une tête de sainte

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