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dans le rapport seulement avec le premier de tous, avec le jugement final.

Or, les mille reproductions de la parabole des dix Vierges se résument en deux sortes de circonstances; celle où on la voit seule et isolée, et celle où elle se relie et rentre, comme épisode, dans un thême général. Seule, comme on nous dit qu'elle est sur un vitrail de la cathédrale de Troyes, comme nous la voyons sur un grand nombre de livres et de petits meubles enluminés, émaillés et orfévrés, la parabole des dix Vierges résume d'une manière simple et absolue la pensée de Jésus-Christ, qui en est l'auteur, de saint Mathieu et des Pères, qui en sont les historiens et les commentateurs; elle résume cette pensée doctrinale et morale: la venue de Dieu et la vigilance chrétienne, la venue de Dieu dans notre chair, dans nos ames ou sur les nuées du ciel, et la préparation de nos cœurs à cette triple évangélisation de la paix, de la miséricorde et de la justice, vigilate quia nescitis quả horâ dominus vester venturus sit. C'est-à-dire que, seule et détachée, cette parabole offre un champ d'autant plus libre à la méditation, que le sujet en est moins déterminé, et, peut être choisi également dans l'Evangile ou dans les explications qui en ont été faites; mais c'est-à-dire aussi que la lettre de l'Evangile, le Jugement dernier, doit toujours être la base et la forme de toute contemplation de ce sujet. Cette condition est tellement essentielle et fondamentale, que le Guide de la peinture en fait la matière de son instruction élémentaire à l'article: La parabole des dix Vierges, où il fait sortir les Vierges des tombeaux au bruit de la trompette des anges représentés au-dessus (1).

Dans les monuments où ce sujet se rattache à un ensemble

(1) Manuel d'Iconographie grecque et latine, par MM. Didron et P. Durand, p. 217.

plus ou moins complet, le sens littéral ou accommodatif y est naturellement indiqué. Ainsi à Chartres, portail du nord, à la voussure, du troisième porche, les dix Vierges précèdent immédiatement la représentation des vertus et des vices, et accostent un tympan qui est consacré aux mystères de Noël et de l'Epiphanie. A Notre-Dame-de-Trèves, M. de Caumont les a rencontrées dans des conditions à peu près analogues.

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Elles y encadrent l'église dans la voussure et les trois principales manifestations de Jésus-Christ décrites au tympan. Evidemment, l'interprétation mystique a la préférence dans ces deux monuments. Au contraire, les ordonnateurs et artistes

ont été esclaves de la lettre à Notre-Dame de Reims, portail nord, et à Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris, à Saint-Denys, à Rouen, portail des libraires, et ailleurs, où le rapport direct et intentionnel se fait certainement au jugement dernier.

Mais l'emploi le plus intelligent et le plus savant de ce moyen iconographique, si populaire et si pieux, n'aurait-il

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pas été de l'encadrer de telle sorte dans les vastes champs de sculpture sacrée des grandes églises, qu'il se reliât à la fois aux

trois avènements et se produisît dans toutes ses acceptions, soit littérales, soit mystiques et morales? Or, c'est ce qu'on a fait à Chartres, portail du midi, à Paris, portail de l'ouest, et surtout à Amiens; surtout à Amiens, parce que là seulement l'œuvre a été faite et consommée avec un ordre et une précision toute doctrinale, sans omission ni superfétation, comme dans d'autres monuments. A Amiens, les dix Vierges se rangent à droite et à gauche sur les jambages du grand porche, escortant Jésus-Christ, Messie venu, au trumeau; attendant Jésus-Christ, juge qui descend des nuées au sommet du tympan; à leurs côtés est l'Eglise prêchant, dans la personne des apôtres, le royaume de Jésus-Christ dans les ames par l'Evangile; sous leurs pieds, la conséquence et la pratique de cet avènement et de cette prédication; au-dessus de leur tête le ciel, que nous décrirons bientôt. Que l'on compare tous les monuments et que l'on voie si cette célèbre parabole est quelque part ailleurs plus à sa place, autant à sa place qu'à Amiens.

Suivant l'ordre topographique de nos annales historiées, nous avons décrit, jusqu'à présent, les scènes qui se passent dans le temps; sur le point d'arriver dans l'éternité, en abordant le tableau du jugement dernier qui se déroule dans l'étage supérieur, il nous a fallu passer par la parabole des dix Vierges. Pour faire autrement, il aurait fallu sauter par dessus; il aurait fallu entrer dans la cité du ciel sans passer par la porte, pénétrer le palais de Dieu sans traverser la salle d'attente. Notre parabole devait être où elle est, ou bien il y eût eu confusion. Elle marque la station nécessaire sur la grande route qui part de la naissance temporelle du Messie et aboutit à l'éternité. L'œil, en voyageant par ce monde de sculptures, est conduit comme l'esprit, comme la mémoire de tout homme sachant l'Evangile.

Ainsi justifiée quant à la raison de sa présence et du rang

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qu'elle occupe ici, la parabole des dix Vierges se trouve appréciée sous son rapport le plus intéressant. Les dessins, dont nous accompagnons le texte, doivent suppléer les détails monographiques que nous aurions à ajouter. On y remarquera la différence de costume et d'attitude que les exécuteurs ont affecté de mettre entre les cinq sages qui sont à droite et les cinq folles qui sont à gauche. Aux premières, la modestie du visage et la grave simplicité du vêtement. Aux

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