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NOTICE

SUR

L'ÉGLISE NOTRE-DAME DE SAINT-LO

(Sancta Maria de Castro Sancti Laudi. J

Par M. DUBOSQ,

Archiviste du département de la Manche.

Considérée dans son ensemble, l'église Notre-Dame de St.-Lo a quelque chose de monumental. Le portail surmonté de deux tours hautes, y compris les flèches, de plus de 200 pieds (1), présente un aspect grandiose et produit un très-bel effet; mais considérée de près et dans ses détails, c'est un monument irrégulier qui manque d'unité.

La cause de cette incohérence est due aux difficultés du terrain et à ce que l'édifice a été construit à différentes reprises.

Commencée dans les premières années du XIV. siècle sur l'emplacement de l'ancienne église, N.-D. fut agrandie, entre 1409 et 1430, de toute la partie connue sous le nom de chapelle St.-Thomas pour ce quelle nestoit pas assez grant qui peust suffire pour la grant multiplication du peuple dicelle.

(1) Hauteur des tours: du pavé de la rue au sommet du pyramidion, sous la croix, 68m. 80o.

La construction de la chapelle de la Vierge ou du Rosaire remonte à l'année 1497. Elle fut édifiée derrière le chaur pour croistre améliorer et amplifier la dite eglise pres et joingnant de la maison et chapelle de Reverend père en Dieu Mg. Gieffroy evesque de Coustances et joingnant aussy a hostel de la monnoie. - Au dit lieu avoit esté erigée en 1470 par les Bourgois, manans et habitans de St.-Lo une librairie et estude pour illec mettre leurs livres qui leur avoient esté donnez par M. Jean Boucart evesque dAvranches et par Mr. Ursin Thyboult vicaire de lEvesque de Bayeux.

Le portail et la tour du midi datent de l'année 1464, ainsi qu'il résulte d'une inscription gravée sur une pierre calcaire, enclavée extérieurement dans la muraille de l'église, et laquelle est ainsi conçue :

A LA LOUENGE et honeur de DIEU DE N DAME ET DE SAINT
JEHAN LE VIRGE CE PORTAL ET LA TOUR FURENT ENCOMMENCÉS
A EDIFFIER DES DENIERS DES PROISSIENS ET BIENFACTEURS

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DE CESTE EGLISE AU MOYS DE MARS LAN MIL IIII. LX. IIII.
PAR JEHAN DE CAUMONT, JEHAN FARRY, ET RICHART LE
ROSSIGNOL LORS TRESORIERS DICELLE DIEU LEUR FACE
PARDON. AMEN. PATER NOSTER.

La tour du nord est d'une époque antérieure; les piliers qui la supportent, comme tous les autres détails d'architecture, annoncent le XIV. siècle. Elle s'appelle la tour de l'horloge, Vers 1480 elle céda ses cloches à la tour du midi, qui prit alors le nom de tour des cloches, nom qu'elle conserve encore maintenant.

Les flèches qui les couronnent l'une et l'autre sont du XVII. siècle. Frappée maintes fois par la foudre, celle du midi a beaucoup souffert. Mais elle sera prochainement reconstruite en partie et surmontée d'un paratonnerre.

Les nombreuses statues qui enrichissaient la façade du portail ont disparu sous le marteau des huguenots et des révolutionnaires; les niches seules sont restées.

Les bas-reliefs de la même façade ont été aussi en partie brisés. Cependant on peut reconnaître dans le tympan du portail de gauche le trespassement de St. Jehan le Vierge. Dans cette scène, St. Jean est étendu sur une couche décorée de draperies retombantes. Au-dessus plane un ange dans un cercle de nuages. Il est envoyé vers le mourant par le Père éternel, dont il ne paraît que la tête ornée d'une longue barbe.

Le tympan du portail central est occupé par la Nativité de Notre-Seigneur; ce groupe nous semble d'un travail mo

derne.

Il faut des yeux exercés pour distinguer plus loin le Crucifiement et les quatre Evangélistes.

Sur cette même façade et au pourtour de l'église se voient assez bien conservés un singe habillé en moine, jouant d'un instrument semblable à un violon; un berger jouant de la loure ou bignou; un personnage couvert d'un manteau, tenant de la main droite une tasse ou godet et versant dedans avec la gauche un liquide contenu dans une chopine d'étain; un hermite disant son chapelet, une serpe ou serpette de jardinier pendue à la hauteur de sa tête; un maître d'école frappant avec la paume de la main sur le postérieur dénudé d'un enfant qu'il tient adenté sur ses genoux; une maîtresse d'école dans l'attitude de frapper sur un objet mutilé (sans doute une petite fille) posée de même sur ses genoux ; un Monsieur et une Dame se disant des mots d'amour. . . . Plusieurs figures grotesques, quelques obscénités, etc. Enfin Samson combattant le lion sur lequel il est affourché et David serrant dans ses bras et cherchant à étouffer l'ours dont il est parlé au Ier. livre des Rois.

En 1773, les chapelles de l'église N.-D., non compris celle du Rosaire, étaient au nombre de vingt-quatre. Quatre étaient adossées aux piliers de la grande nef. C'étaient les chapelles (ou autels) de St. Clair et de St. Martin, par devers le chœur; celles de St. Joseph et de N.-D. -du-Pilier, à l'autre extrémité. Ces deux dernières existent encore.

Les autres chapelles étaient placées contre les murailles et entre les piliers des basses nefs, au-dessous des fenêtres. A l'exception de deux ou trois le souvenir en a même disparu.

C'étaient, en commençant par la gauche: 1°. la chapelle St. Charles, où se trouvent les fonts baptismaux ;—2o. la chapelle St. Louis. Le saint Roi de France se voit encore peint en pied avec les attributs de la royauté, sur la vitre, audessus de la porte qui a été percée à la place de cette chapelle; -3°. la chapelle St. Michel ;-4°. la chapelle St. JeanBaptiste ;-5°. la chapelle St. Laurent ;-6°. la chapelle St. Sébastien ;-7°. la chapelle de la Madelaine ;-8°. la chapelle St. Jacques;-9°. la chapelle St. Pierre et St. Paul. LA CHAPELLE DU ROSAIRE ;-10°. la chapelle de la Trinité, de St. Lo, ou des Reliques;-11°. la chapelle St. Honoré;-12°. la chapelle St. Crespin et St. Crespinien ;-13°. la chapelle St. Jeanl'Evangéliste ;-14°. la chapelle St. Georges (où est l'autel de St. Thomas);-15°. la chapelle St. Catherine;-16°. la chapelle St. Simon et St. Jude ;-17°. la chapelle St. Anne; -18°. la chapelle St. Julien ;-19°. la chapelle St. François; -20°. la chapelle St. Blaise.

Aucun des beaux vitraux qui décoraient les fenêtres de cette église n'est conservé intact. Celui qui présente le plus d'ensemble est le vitrail de la chapelle de la Trinité ou des Reliques. Les trois personnes de la Ste.-Trinité entourées d'un grand cercle bicolore, azur et or, composé d'anges et de chérubins, y sont représentées assises, couvertes de chappes riches et ornées. Le Père porte la tiare. Les deux autres ont

la tête nue. Le St.-Esprit est à la gauche du Père et se distingue d'ailleurs par un pigeon nimbé, placé sur sa poitrine. Le Père éternel tient le globe crucifère sur son genou gauche et bénit de la main droite. Au-dessous, la St. Vierge couronnée est placée sous une ogive d'or et d'azur, composée d'anges et de chérubins, comme le cercle qui entoure la Trinité.

Cette chapelle avait été fieffée aux bouchers de la ville. Nous l'apprenons des archives de la fabrique et d'une inscription qui existe au bas du précédent vitrail :

A LHOUNEUR DE LA TRINITÉ

LES MAISTRES BOUCHIERS DE LA VILLE

ONT RESTABLI PAR UNITÉ

CESTE VITRE BELLE ET UTILE. 1632.

elle est accompagnée des armes de la corporation des bouchers, c'est-à-dire, à gauche d'un écusson portant huit moutons posés 3, 2 et 3 et, à droite d'un autre écusson portant deux bœufs accolés.

:

Sur le vitrail de la chapelle St. Sébastien on remarque ce saint martyr attaché à une colonne et percé de flèches; le patron des avocats, St. Yves, en costume de docteur, l'aumônière pendue à la ceinture; un tableau représentant le jugement de Salomon.

Ce saint Yves a été pris pour le rei Louis XI par plusieurs antiquaires. Cependant le nimbe, marque de la divinité, dont la tête est entourée, aurait dû leur éviter cette erreur. D'ailleurs on lit à la hauteur de la tête l'inscription S. Yve et sur le même vitrail ce fragment d'inscription qui sert à corroborer notre assertion :

..... NUNC TE DEPOSCIMUS IVO

.... MERITIS COMPLEAT ILLE TUIS.

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