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visé en trois âges ou classes ces monnaies plus ou moins grossières et il en fait graver une planche entière. La liste que donne Cambry des médailles celtiques qu'il a recueillies à Breteuil est très-étendue. Ayant souvent accompagné mon père dans ses voyages archéologiques, je puis assurer que les cultivateurs des communes de Vendeuil, Caply et Beauvais, lui présentaient ordinairement beaucoup plus de monnaies gauloises que de monnaies romaines. Je possède encore une soixantaine de médailles gauloises la plupart barbares et grossières qui viennent de la vallée de St.-Denis. Cette localité m'a fourni des fragments de haches en silex.

3o. Nous pouvons encore regarder comme indubitable que cette ville gauloise était la plus forte et peut-être la seule du pays des Bellovaques; car nulle part ailleurs on n'a trouvé autant d'objets gaulois, nulle part ailleurs on n'en a trouvé sur une étendue aussi considérable.

4. Mais cette ville gauloise était-elle l'oppidum Bratus pantium dont parle César? Tout porte à le croire. Car en admettant que les Bellovaques aient eu plusieurs oppida, quoique César ne parle que d'un seul, n'est-il pas convenable de supposer qu'à l'approche d'un ennemi si puissant, ils se seront retirés dans la place qui était la plus importante et qui pouvait leur offrir plus de ressources et une défense plus certaine. Nous ne voyons pas pourquoi ils auraient choisi une autre forteresse; le chemin que César devait prendre en venant du Soissonnais ne pouvait les y déterminer.

L'hypothèse qui place Bratuspantium près de Breteuil se concilie parfaitement avec le passage des commentaires où il est dit que César ayant quitté Bratuspance parvint aux frontières des Ambianais; car Vendeuil n'est qu'à une forte lieue ou une lieue et demie de poste de la frontière de l'Amiennois, frontière très-bien marquée par une côte escarpée que

franchit au-dessus et au-dessous du village de Bonneuil la grande route de Paris à Amiens, et qui longe dans la direction du sud à l'ouest les plaines du Beauvaisis. Cette côte ayant été probablement couverte de bois dans les temps reculés a dû alors mieux encore qu'à présent, marquer la limite naturelle des deux cités Bellovaque et Ambianaise.

Enfin une preuve convaincante en faveur de l'opinion qui place Bratuspantium dans la vallée de St.-Denis est celle qui se tire de la constante tradition du pays. Ayant consulté, dit Cambry, plusieurs vieillards âgés de quatre-vingts ans, ils m'ont dit tenir de leurs aïeux que de tout temps l'espace près de Vendeuil où l'on trouve une si grande quantité de médailles et de débris de l'antiquité porta le nom de Bratuspance. C'est cette tradition qui avait formé la conviction du judicieux Danville; il dit que son premier sentiment avait été pour Beauvais, mais qu'il a été ébranlé en apprenant qu'il existait, il y a deux siècles, des vestiges d'une ville connue sous le nom de Bratuspance.

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NOTE

SUR LE MANOIR DE RONSARD;

Par M. A. VOISIN,

Membre de la Société française.

Auprès du bourg de Coutures, au milieu de ces riants vallons connus sous le nom de Vaux-du-Loir, on voit s'élever le château de la Poissonnière, construit par Louis Ronsard, maître-d'hôtel de François Ier. Ce gentilhomme eut son tombeau dans l'église paroissiale, et sa statue, avec celle de Jeanne Chandrier, son épouse, ont été enlevées et se trouvent à l'entrée du presbytère. Le moulin qu'ils possédaient porte encore le nom de Ronsard. Louis et Jeanne donnèrent naissance à Pierre ; il vint au monde le 11 septembre 1524.

Sa vie n'offre rien de bien remarquable; il l'a tracée luimême en vers. Coutures faisait alors partie du diocèse du Mans. Pierre Ronsard embrassa la carrière ecclésiastique, et obtint plusieurs bénéfices dans ce même diocèse. Il eut ainsi la cure d'Evaillé auprès de St.-Calais, et cependant jamais il ne fut prêtre, comme il le déclare lui-même ; il fut abbé commendataire de Croix-Val auprès de Coutures, et il obtint, en outre, auprès de Tours, le Prieuré de St.-Côme. Sa tenue était bien décente à l'église, si l'on veut s'en rapporter à son propre témoignage, mais ses poésies érotiques annoncent en

lui des passions très-vives. Il prévoyait alors que la postérité le raillerait un jour à cause de ses intrigues amoureuses de bas-étage, qu'il prônait tant; mais on voit que de son vivant même ce clerc voluptueux excitait le dédain de celles que dans ces vers il adorait. Partout il n'éprouva que des refus. Sa vie ne fut pas de longue durée; de vives souffrances la terminèrent; il mourut dans les sentiments d'une grande piété.

Le manoir où ce poête naquit était, dit-on, intact encore il y a quarante ans; aujourd'hui, ce qui en reste annonce tous les caractères du XVI. siècle, une riche ornementation, et donne lieu de regretter ce qui manque. L'enclos de cette habitation est entouré de murs et a la forme d'un carré long. La première cour paraît avoir été destinée pour la ferme, pour le logement du colon, pour la grange et comme avantcour pour l'entrée du logis.

Autour de la cour principale, étaient rangés les édifices, dont une partie s'appuyait sur les rochers, creusés pour les caves et les communs. Mais ce qui distinguait ces constructions, c'était des inscriptions en latin et en français, répandues en profusion de toutes parts, aux portes et aux fenêtres. La destination d'une des excavations dans le rocher se fait encore reconnaître par ces mots: LA BVANDERIE BELLE. Une autre par ceux-ci : LA FOVRRIERE, et des bottes de foin sculptées aux pieds-droits indiquent le magasin à fourrages. Auprès, sont les caves diverses: VINA BARBARA, pour les vins étrangers; CVI DES VIDETO, pour les vins moins estimés; le fruitier, CVSTODIA DAPUM; le garde-manger, SVSTINE ET ABSTINE. Cet aphorisme des disciples d'Epitecte était placé quelquefois chez les payens à la porte des temples, et au XVIo. siècle, on remplissait ainsi de sentences tous les édifices. TIBI SOLI GLORIA se lit sur le tympan d'une porte d'escalier; VERITAS, FILIA TEMPORIS, au

dessus d'une croisée, enrichie de sculptures, etc. Sur le côté opposé de la cour, on remarque la chapelle du manoir, édifice d'une architecture fort simple.

Enfin, l'habitation proprement dite, à l'entrée de la cour, est flanquée d'une gracieuse tourelle, où l'on admire surtout des fenêtres très-ornées. Le fronton de la porte offre le buste d'une femme avec le costume du XVI. siècle, la devise sur le linteau : VOLVPTATI ET GRATIIS. Quelques-uns ont cru reconnaître ici le portrait d'une des femmes que le poète aima; Marie, la servante d'hôtel de Bourgueil, par exemple; mais c'est à tort, sans doute. Sur les fenêtres des principaux appartements, on lit: DOMINE CONSERVA ME! RESPICE FINEM; sur la porte de l'antisalle: AVANT PARTIE.

L'intérieur de cette partie du manoir bien conservée, n'offre rien de remarquable, si ce n'est, dans une salle au rez-de-chaussée, une vaste cheminée couverte de magnifiques sculptures en pierre. Elle est décorée de fresques fort gracieuses, d'une grande salamandre et de deux écussons; celui de France et celui de Ronsard de gueules à trois poissons d'argent, avec la devise NON FALLVNT FVTVRA MERETE.

Ainsi que nous venons de le dire, la statue de Louis Ronsard, qui fit élever ce manoir, et celle de Jeanne Chandrier, son épouse, sont déposées dans le jardin du presbytère de Coutures. Elles sont d'un bon style et bien conservées. L'art qui règne dans les sculptures du manoir n'a point fait défaut pour ces statues, et il n'est aucun ami de la conservation des monuments qui ne s'indigne de les voir exposées aux injures du temps et du vandalisme.

Nous faisons les vœux les plus ardents pour que l'architecte zélé, qui s'est chargé des restaurations dans l'église paroissiale, s'empresse de replacer ces précieuses statues dans l'endroit. qu'elles n'auraient jamais dû quitter, et veille soigneusement à leur conservation. Le propriétaire actuel du manoir les ré

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