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teurs qu'il pouvait recevoir; car il serait absurde de penser que vingt mille personnes eussent pu entrer et sortir par les huit escaliers mesquins dont deux se voient encore. Ces escaliers, malgré leur mesquinerie, étaient sans doute réservés aux personnes éminentes de la cité; quant à la foule, elle parvenait aux gradins par les plate-formes latérales mentionnées tout-à-l'heure, et arrivait à ces plate-formes par des rampes spacieuses en terre plein que nous pouvons encore reconnaître aujourd'hui. Ces rampes étaient soutenues par des constructions voûtées en coquille qui n'ont pas fléchi d'une seule ligne depuis tant de siècles, pas plus que les autres murs de soutènement qui paraissent sur plusieurs points de l'escarpement du vallon.

Après ce long et minutieux examen, vous vous êtes demandé, Messieurs, s'il serait exact de penser avec Bourignon que l'édifice en a été simple et sans ornements, et quelle date on pourrait assigner à sa construction.

D'abord vous n'avez pu vous résoudre à regarder comme simple un édifice dont vous retrouviez tant et de tels détails.

En second lieu, le revêtement des murs extérieurs qui dessinent la grande et la petite ellipse ayant disparu entièrement, vous n'avez pu reconnaître si l'édifice avait été orné de colonnes, de bas-reliefs et d'inscriptions. Mais vous vous êtes demandé si le revêtement existait du temps de Bourignon, et Bourignon disant lui-même qu'il n'en restait de son temps aucun vestige, vous avez été d'avis que le savant antiquaire, au lieu de se prononcer d'une manière aussi absolue aurait du moins pu rester dans le doute, si quelques comparaisons ne lui eussent pas paru suffisantes pour admettre que, l'architecte n'avait pas dû refuser à son amphithéâtre les ornements qui se retrouvent sur les autres.

En troisième lieu, arrivant à la fixation de la date, vous

avez examiné avec une scrupuleuse attention le système de construction des massifs, tous composés de blocages noyés dans un bain de ciment, la solidité de ce ciment dans lequel vous n'avez reconnu aucun fragment de brique, le petit appareil smillé qui se voit tant sur les parois intérieures des cavea que sur les murs de soutènement; et, ne rencontrant aucun des caractères généralement remarqués dans les constructions romaines du commencement du III. siècle, vous n'avez pas hésité à déclarer que la construction de notre amphithéâtre date de l'espace compris entre la fin du Ier. et le milieu du II. siècle de l'ère chrétienne.

Vous avez ensuite examiné la question de savoir si des naumachies avaient pu être représentées dans l'amphithéâtre de Saintes. La question toute seule vous a paru hardie, quoique soulevée par plus d'un antiquaire. En effet, on ne connaît qu'un très-petit nombre de spectacles de ce genre, donnés à Rome dans un amphithéâtre, par exemple celui qui, au rapport de Suétone eut lieu par ordre de Domition dans l'amphithéâtre de Vespasien. Les naumachies avaient, vous le savez, leur théâtre spécial, ce qui fait regarder comme un fait exceptionnel à Suétone lui-même celui dont il parle dans la vie de Domitien. Mais ce qui vous a surtout déterminés à rejeter l'opinion de Bourignon, ce sont les considérations. suivantes.

D'où aurait-on tiré l'immense masse d'eau nécessaire à la naumachie? De la Charente? mais les moyens empruntés à l'hydrodynamique étaient inconnus aux Romains. D'un aqueduc? on n'a constaté jusqu'ici l'existence d'aucun conduit d'aqueduc dans l'amphithéâtre, à moins qu'on ne veuille voir la bouche d'un conduit de cette nature dans une des portes cintrées qui ouvrent sur l'arène. Et de quelle source assez abondante l'aqueduc aurait-il tiré l'eau qu'il aurait dû fournir? Ce n'est pas sans doute de la fontaine du Douhet

dont la masse d'eau connue de nous tous devait être économisée avec soin pour suffire aux besoins ordinaires d'une ville populeuse qu'elle alimentait. Serait-ce d'une autre fontaine ? mais quelle est cette fontaine ? A-t-on trouvé les restes d'un autre aqueduc que celui de la fontaine du Douhet?

Ensuite, vous êtes-vous dit, comment l'aqueduc du Douhet, ou tout autre, aurait-il amené son eau à l'arène dont le sol est placé à un niveau si inférieur comparativement à celui de l'ancien Mediolanum. Faire tomber si brusquement l'aqueduc du coteau de St.-Macoul, n'était-ce pas épuiser en une demi-heure non seulement le contenu de l'aqueduc, mais la fontaine elle-même ? Supposerait-on que l'eau nécessaire à la naumachie était tenue en réserve pour le besoin dans un château d'eau, où aurait donc été ce colossal château d'eau ? Dans quels livres, dans quelles traditions, dans quelles ruines en a-t-on retrouvé les vestiges? D'ailleurs l'énorme dépense qu'il eût fallu faire aurait-elle été en rapport avec le but, on n'ira pas sans doute jusqu'à prétendre que ce genre de spectacle était souvent donné aux Santons?

car

Enfin, remarquant que le sol actuel de l'arène, surhaussé de plus de trois mètres au-dessus du sol primitif, est au niveau de la Charente, peut-être même un peu au-dessous, vous vous êtes demandé par quel moyen on aurait fait écouler l'eau de l'intérieur de l'arène dans la rivière, après la représentation de la naumachie; et, s'il était en effet impossible de diriger vers la rivière l'inclinaison d'un canal d'épuisement, vers quel autre point on l'aurait dirigée. Enfin vous nous avez interrogés pour savoir quel aurait pu être l'emplacement du lac de décharge.

Toutes ces questions restées sans réponses, mettaient en relief de trop fortes objections contre l'hypothèse des naumachies. Vous avez dû regarder cette hypothèse comme réfutée par l'impossibilité de résoudre les objections; et vous l'avez

péremptoirement déclarée inadmissible. Le monde savant ratifiera votre jugement, nous en avons la confiance.

En s'éloignant de l'amphithéâtre avec nous, M. de Caumont a fait la remarque qu'il existe de curieux et intéressants rapports de similitude entre ce monument et l'amphithéâtre de Trèves. Comme celui de Saintes, a dit M. de Caumont, l'amphithéâtre de Trèves est assis dans un vallon courant de l'est à l'ouest; ses axes ont la même direction, ses flancs s'appuyent également sur deux coteaux nord et sud, l'appareil est le même; etc., chose singulière, une fontaine en arrose aussi l'intérieur : seulement, au lieu d'être au bas du coteau sud, elle coule au pied du coteau nord. Enfin les murs de soutènement qui bordent l'escarpement du vallon, sont comme ici, pourvus à l'intérieur de voûtes en coquilles destinées à résister plus efficacement à la poussée des terres (1).

Ici je termine, Messieurs, le rapport que j'avais à vous faire, et qui a dû vous paraître bien long. Mais les détails à reproduire étaient si nombreux, quoiqu'il ne s'agît que d'un monument en ruines, qu'il m'a été impossible d'être plus court. Le nombre même des détails me fait craindre de n'avoir pas réussi à mettre dans leur exposé tout l'ordre et toute la clarté désirables. Vos souvenirs répareront sans doute les défectuosités de mon travail; j'espère par conséquent qu'ils me viendront en aide non moins que votre indulgence.

(1) V. pour plus de détails le 3o. volume du Cours d'antiquités de M. de Caumont, p. 490 et suivantes.

RECHERCHES

RELATIVES

A LA

SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE BRATUSPANTIUM ;

PAR M. L'ABBÉ BARRAUD,

Membre de l'Institut des provinces, inspecteur des monuments du département de l'Oise.

Les géographes et les historiens sont très-partagés au sujet de l'emplacement qu'a occupé Bratuspantium, oppidum des Bellovaques, dont il est parlé dans les Commentaires de César.

Cluvier, dans la carte de la Germanie, cis. Rhénane, place Bratuspantium au midi de Samarobrive (Amiens), vers le centre du Beauvaisis, au point où est aujourd'hui la ville de Beauvais, et il en fait une même ville avec Cæsaromagus, qui était, du temps de Ptolémée, capitale des Bellovaques. Cette opinion a été adoptée par Scaliger, Sanson, Clarke, Ondendorp, Hadrien de Valois, et par Loysel, Simon et Hermant, qui ont écrit sur le Beauvaisis.

Le chanoine Lamorlière, dans son histoire des antiquités d'Amiens, et M. Grégoire d'Essigny, dans celle de Roye, ont prétendu que Bratuspantium était la ville actuelle de Montdidier.

Perrot d'Ablancourt, l'un des traducteurs français des

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