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Notre-Seigneur-Jésus-Christ je vous commande, anges de Satan, vous qui portez Simon dans les airs de ne pas le porter davantage, mais de le lâcher. » Et aussitôt Simon tomba, et s'étant fracassé la tête, il expira. Néron fut profondément affligé d'avoir perdu un tel homme, et il dit aux Apôtres : « Vous avez agi ainsi par mauvaise intention contre moi; et je ferai de vous un exemple » (1). Et c'est en effet pour venger la mort de Simon, dit St. Isidore, que Néron fit crucifier l'Apôtre (2). Cette histoire de Simon le magicien, appuyée sur des autorités meilleures que celles de Métaphraste, d'Abdias de Babylone et de Jacques de Voragine, tient une grande place dans toutes les vieilles légendes du Prince des Apôtres; il n'y a donc rien d'étrange à ce qu'elle ait été consignée ici, à Chartres, à Bourges, et probablement ailleurs, pour annoncer le triomphe de la foi sur l'hérésie en même temps que pour offrir aux dispensateurs des saints mystères qui franchissent le seuil de la maison de Dieu le double exemple du pasteur fidèle et dévoué et du mercénaire égoïste et sacrilège. A Chartres, la leçon est plus énergique encore qu'à Amiens: une bourse d'argent est suspendue au cou de Simon en mémoire de son crime et du trafic infâme des choses saintes qui tire son nom de lui.

St. ANDRÉ. La tradition est unanime sur le genre de martyre de cet Apôtre et sur la belle prière qu'il adressa à l'instrument de son supplice aussitôt qu'il l'aperçut de loin.

Salut, Croix qui as été consacrée par le corps de JésusChrist et que ses membres ont ornée de tant de pierres précieuses! O bonne Croix, long-temps désirée.... reçois-moi du milieu des hommes et rends-moi à mon maître, afin que celui qui m'a racheté par toi, me voie arriver à lui par

(1) Légend. aur, de S. Petro.

(2) S. Isid. Hispal. chronic. sexta ætas sæculi.

toi (1). » La croix que le saint tient respectueusement des deux mains, la droite gantée d'un pli de son manteau, est de même dimension et de même figure que celle de St. Pierre. Celle qui consiste en deux traverses d'égale longueur, croisées obliquement par le milieu, et qu'on a appelée Croix de St. André ne se voit que beaucoup plus tard aux mains de cet apôtre. Nous la trouvons au tombeau de Ferry-de-Beauvoir, à la fin du XIV. siècle; mais elle ne paraît pas encore à nos verrières du XV. Le P. Giry qui, en 1667, vénérait, à l'abbaye de St. Victor de Marseille, le bois précieux sur lequel fut attaché notre apôtre, assure que les bras en étaient disposés à angles droits (2). Aux vitraux de Bourges le saint porte, couchée horizontalement, une croix ordinaire à tige allongée.

Ce fut Egeas qui ordonna le supplice de St. André dans la ville de Patras en Achaïe; on l'a eu probablement en vue dans le personnage couronné qui est condamné à porter le socle.

St. JACQUES-LE-MAJEUR est reconnaissable entre tous à la pannetière, pendante du côté gauche et ornée de coquilles, que soutient une bandoulière ou baudrier descendant de l'épaule droite. Apôtre de l'Espagne durant sa vie, objet vénéré après sa mort d'un pélerinage qui le cède à peine en célébrité à celui de Rome ou de Jérusalem, il doit à ces deux circonstances d'avoir été paré de l'insigne du voyageur qui traverse les mers, et qui n'abandonne pas ses rives sans rapporter un souvenir de ses pérégrinations lointaines, ne serait-ce qu'un vain et inutile coquillage. A l'époque où les apôtres ne recevaient pas dans les monuments d'attribut spécial, St. Jacques ne portait ni le bourdon ni l'escarcelle;

(1) Leg. aur.- Brev. rom. Brev. d'Am. antérieurs à 1746. (2) P. Giry, vie de St. André.

mais il est un des premiers auquel on donne son insigne. Parmi les apôtres des verrières de Bourges, son long bâton de pélerin le désigne clairement; et si le peintre n'a pas osé encore semer sur son vêtement, comme au portail de Chartres, les célèbres coquilles, il n'a pu se défendre de les faire figurer dans l'encadrement de son tableau, un peu au-dessous du nom du personnage. Notre grand portail d'Amiens ne lui donne que la pannetière sans le bâton; au portail St. Honoré, un peu plus avancé dans le XIII. siècle, il porte l'un et l'autre, mais non la large épée, instrument de son martyre que nous lui voyons ici engaînée dans le fourreau, la garde en haut et la buffleterie s'enroulant par dessus dans toute la longueur.

Sous le socle, un personnage en qui nous reconnaissons Hérode Agrippa, par l'ordre de qui St. Jacques-le-Majeur fut décapité à Jérusalem, et qui a le front ceint d'une couronne parce que l'empereur Caligula lui avait décerné le titre de Roi.

St. JEAN, dans le costume duquel on remarque, comme dans sa figure, quelque chose de plus simple et de plus naïf que dans celui des autres apôtres, soutient de ses deux mains contre sa poitrine, la coupe miraculeuse dont parlent tous ses historiens. « Un prêtre des idoles, Aristodême, lui disait un jour : « Si tu veux que je croie en ton Dieu, je te donnerai du poison à boire, et s'il ne te fait pas de mal, tu auras montré que ton Dieu est véritable. » L'apôtre lui répondit : « Fais ce que tu voudras. » Aristodême répliqua : « Je veux que tu en voie mourir d'autres avant toi. » Il alla trouver le gouverneur et il lui demanda deux hommes condamnés à mort qui lui furent accordés. Il leur donna du poison, en présence de tout le peuple, et aussitôt qu'ils l'eurent bu, ils tombèrent morts. Et alors l'Apôtre prit la coupe, il fit le signe de la croix, il but tout le venin et il

n'eut aucun mal » (1). Quelque populaire que fût ce récit au moyen-âge, il nous paraît peu plausible qu'il ait seul donné lieu à la représentation de St. Jean avec l'attribut du calice. On ne se rend pas compte, en effet, du choix de ce miracle d'un ordre tout-à-fait secondaire, pour caractériser une vie qui brille d'un si vif éclat parmi celles des apôtres et qui abonde en faits d'une importance capitale. Il faut, selon nous, pour avoir le sens complet de l'attribut tel que l'entendaient nos pères, rapprocher de l'histoire légendaire le texte de l'évangile où il est raconté que la mère de St.-Jacques et de St. Jean vint demander au Fils de Dieu que ses deux fils fussent assis dans son royaume, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. « Pouvez-vous boire le calice que je dois boire, demanda le Sauveur aux deux jeunes gens ? Nous le pouvons, lui dirent-ils, Jésus leur répartit: Il est vrai, vous boirez mon calice.» Ce qui signifie, disent les interprètes, qu'ils souffriront et qu'ils mourront comme lui. Le calice dans les mains de St. Jean est donc ce qu'est la croix dans celles de St. Pierre ou de St. André, l'épée dans celles de St. André ou de St. Jacques-le-Majeur : le signe de son martyre, le mémorial du courage avec lequel il affronta la mort, soit en buvant chez les Barbares la coupe empoisonnée d'Aristodême, soit en descendant chez les Romains dans la cuve d'huile bouillante. Le dragon que les peintres et les sculpteurs ne manquent pas de poser, les aîles éployées, sur le vase mystique, ne serait qu'une métaphore assez malheureuse et peu intelligible pour signifier le poison; mais il devient un symbole vraiment noble et bien choisi s'il figure principalement l'ennemi du salut usant de violence et de ruse pour ravir aux apôtres la vie qu'ils employaient à ruiner sa puissance

(1) Leg. aur. de S. Joanne.

et à abolir son règne. Notre interprétation nous semble confirmée par la manière dont on a fait usage de ce symbole à Chartres; au lieu que ce soit St. Jean lui-même qui tienne. comme chez nous le calice, on l'a mis dans les mains d'Aristodême sous le socle qui porte la statue, c'est-à-dire à la place, toujours réservée dans ce portail, aux auteurs ou aux complices du supplice des apôtres. Il est donc bien évident qu'on a voulu rappeler moins le miracle des légendes que le Calice dont parle Jésus-Christ, le martyre du saint. Le signe de la Croix par lequel St. Jean conjure le danger du venin, fait encore mieux comprendre que toute la force des martyrs vient de la croix du Sauveur : aussi l'a-t-on rappelé aux verrières d'Amiens où le vase empoisonné se trouve aux pieds de l'image de St. Jean qui le bénit, et aux verrières de Reims, où le calice n'est pas représenté, mais seulement le signe de la bénédiction par la main levée de l'apôtre.

On sait les raisons pour lesquelles St. Jean, dès le IX®. ou X. siècle, est distingué au milieu des apôtres par sa jeunesse et par son visage complètement rasé. Pierre Cousturier les résumait, au XV. siècle, en réfutant ceux qui blâmaient cet usage « lequel est fondé, dit-il, sur ce que St. Jean était jeune encore au temps de la dernière cène, qu'il garda la virginité toute sa vie, et qu'il est digne de servir de modèle aux jeunes gens, afin qu'ils se montrent jaloux de consacrer au Seigneur, à son exemple, la fleur de leur jeunesse » (1). On remarque aussi la tonsure, couronne cléricale, qu'on ne lui a donnée sans doute que parce qu'il fut le premier qui célébra la messe en habits sacerdotaux, et que la tonsure fait partie de la vêture ecclé

ou

(1) Petr. Jutor. de tripl. connub. div. Annæ. C. 5.

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