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l'élévation des reliques; mais le personnage placé à droite a le nimbe crucifère, d'où je conclus que le sculpteur a voulu faire intervenir le Christ lui-même à cette cérémonie; l'autre personnage peut être un évêque. Une main figurée entre la tête et la crosse de l'archevêque, et qui a été omise dans le dessin ci-joint, représente peut-être Dieu le père.

On distingue dans le second tableau deux anges debout ayant chacun deux paires d'ailes et enlevant dans un nimbe ou draperie l'âme de Ste. Marthe figurée selon l'usage par un corps nu. Dans la partie supérieure du bas-relief paraît une main représentant peut-être Dieu le père comme dans le précédent tableau (1).

Le troisième des petits bas-reliefs qui surmontent l'inscription représente la consécration de l'autel principal de l'église ;

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l'autel se compose d'une table portée sur des colonnettes, les évêques consécrateurs sont placés aux extrémités. Ils tiennent chacun leur crosse d'une main, et de l'autre ils font les onctions sur l'autel au milieu s'élève la croix, aux

(1) Il serait possible pourtant, ainsi que d'autres l'ont pensé, que ce tableau représentat l'Assomption de la Ste. Vierge, parce que l'église était sous le vocable de Ste. Marthe et l'invocation de la mère de Dieu dans son Assomption.

côtés de laquelle sont deux vases renfermant les Saintes Huiles.

Comme on le voit, rien n'est plus intéressant, que cette inscription: j'ai prié M. le curé de Ste. -Marthe de la faire mouler en plâtre, et il m'a paru très-disposé à suivre cet avis ces épreuves seront d'autant plus utiles que les détails du costume n'ont pu être rendus dans les petits dessins qui en ont été faits. J'ai trouvé les dimensions suivantes à la table de marbre sur laquelle sont gravés les bas-reliefs et l'inscription.

Hauteur 1 pied 7 pouces.

Largeur 1 pied 9 pouces.

Le portail latéral, au sud, sur lequel est fixée l'inscription est avec la chapelle qui précède la crypte ce qu'il reste de plus intéressant de l'église du XII. siècle. L'archivolte de la grande porte cintrée est ornée de sculptures très-délicates et fort élégantes, les chapiteaux des colonnes très-bien fouillés. Un attique orné de colonnettes romanes surmonte ce portique, et cette disposition que j'ai trouvée en Italie montre de plus en plus les affinités qui rapprochent le roman de la Provence de celui de cette région classique.

On remarque à l'extrémité occidentale des figures d'appareil semblables absolument à ceux que j'ai trouvés à AiguesMortes.

Plusieurs objets très-curieux ont attiré mon attention à l'intérieur de l'église. En allant à l'ouest pour descendre dans la chapelle basse, j'ai d'abord remarqué, dressée le long d'un pilier, la pierre tumulaire de Guillaume Crespin, capitaine du château de Tarascon, sous le roi René, natif de la ville de Château-Gonthier. Ce capitaine, représenté au trait, est couché, les mains jointes, revêtu de son armure : ses armoiries sont aux angles de la pierre, et l'inscription suivante est gravée à l'entour :

Si gist le noble home

Guille Crespin de la ville de Chatelguntier en levesché du Mans cappiteine du chastel de Tharascon

et trespassa lan m cccc et xl le xxv
jour de juing

a qui dieux pardonc ame.

En descendant l'escalier qui mène à la chapelle du Crucifix, puis à la crypte, j'ai été frappé et vivement intéressé par la présence d'un autel fort ancien et très-carieux, apporté, m'at-on dit, d'une église des environs. La table carrée qui a 48 centimètres environ sur chaque face repose, comme le montre la figure ci-jointe, sur cinq colonnes, dont une correspond au centre et les autres aux angles. La partie antérieure de la table, les chapiteaux des colonnes de face et la partie antérieure du socle portent des croix grecques. Il est à remarquer que tout a été taillé dans un même bloc de pierre calcaire c'est donc, malgré les colonnes, un autel monolithe; la hauteur excède un mètre (environ 1. 10c.). Au centre de la table est une ouverture carrée de 11 centimètres qui a renfermé des reliques. Je n'oserais fixer l'âge de

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cet autel, mais tout porte à croire qu'il est d'une assez haute antiquité. J'en ai vu pourtant de très-étroits et d'une forme à peu près semblable figurés dans des bas-reliefs du XII. siècle.

Près de cet autel antique, dans la chapelle du Crucifix, en est un autre beaucoup moins intéressant qui est orné en avant de quatre arcatures ogivales, portées sur des colonnettes alternativement rondes et à pans coupés. Il peut dater du XIII. siècle.

L'église basse ou crypte offre quelques monuments: on y voit à droite un sarcophage en pierre qui renfermait, dit-on, les reliques de sainte Marthe. La sainte est représentée sur la face du sarcophage, foulant aux pieds la Tarasque, monstre qui désolait le pays et dont sainte Marthe délivra les habitants de Tarascon : ils éprouvaient alors, dit la légende, les fureurs de cette bête farouche qui se tenait près de leur ville, et dévorait les hommes et le bétail. De la crainte ils étaient passés à la vénération; et cet animal, regardé comme sacré, était pour toute la contrée l'objet d'une superstition aveugle. Frappés des miracles que sainte Marthe opérait à Avignon, ils la prièrent de venir les délivrer d'un si horrible fléau. Elle se rendit à leur désir, dans l'espérance de gagner ce peuple à l'Evangile ; et, s'avançant vers la caverne du monstre sans autre défense qu'une croix, elle lui commanda, au nom de Jésus-Christ, de venir à elle sans faire aucun mal à personne. Le monstre obéit, et s'abaissa aux pieds de la sainte. Elle le lia avec sa ceinture et le conduisit vers le peuple qui, tournant sa vénération en mépris, mit en pièces l'animal. Cette partie de la légende de la sainte cst, comme on le voit, conforme à celles qui existent dans un grand nombre de diocèses où le paganisme a toujours été personnifié sous la figure d'un serpent ou d'un dragon, vaincu par les évêques qui y ont prêché l'évangile tel est, dans le diocèse de Bayeux, le serpent enchaîné par l'évêque saint Loup avec son étole, puis précipité dans la Drôme.

Le nom de Tarasque, et qui dans l'idée du peuple ne signifie qu'une chose horrible à voir, vient sans doute de celui de la

ville appelée Tarascon avant l'arrivée de sainte Marthe, et ne peut rien nous apprendre sur la nature de l'animal. Les descriptions que plusieurs auteurs du moyen âge en ont laissées ne sont pas d'un plus grand secours, ni même les figures qui nous en restent, à cause des variétés considérables qu'elles offrent entre elles. Cet animal, d'une forme assez simple et naturelle sur le bas-relief de l'ancien tombeau de sainte Marthe, paraît sous une forme nouvelle, au XII. siècle, sur les sceaux, et ensuite sur les monnaies de Tarascon; et enfin, après l'institution des jeux de la Pentecôte par le roi René, il se montre différent encore. Ce fut sans doute alors qu'on lui donna la carapace, ou le bouclier armé de cornes, afin de loger plus commodément dans cet énorme simulacre les hommes qui devaient en faciliter le transport; et ce changement passa aux sceaux de la ville (1).

Le tombeau dont je viens de parler n'est pas le plus ancien de ceux qui ont renfermé le corps de sainte Marthe: le plus ancien, aujourd'hui caché par le monument moderne, est en marbre et représente la multiplication des pains, la résurrection du Lazare, Moïse faisant jaillir l'eau du rocher, etc.

(1) Le jour de la fête de sainte Marthe, on porte devant la procession une représentation de l'animal, qu'une jeune fille, vêtue de satin bleu, et en voile rose, tient attachée avec une ceinture de soie : elle a un bénitier et un aspersoir à la main, et figure sainte Marthe triomphant de la Tarasque. Pour rendre l'allégorie plus frappante, le simulacre ambulant détourne de temps en temps sa masse sur les groupes qui bordent le passage; il avance sa tête, et ouvre sa large gueule, comme pour les dévorer. La jeune fille fait alors aspersion sur lui, et incontinent l'animal s'apaise, et semble oublier sa férocité. Devant et derrière le monstre, des hommes armés de vieilles piques ou de masses d'armes, et revêtus d'habits légers qui imitent, par leur forme singulière, les armures de fer du moyen âge, désignent, dit-on, le peuple de Tarascon qui mit en pièces la Tarasque.

V. Notice sur l'église St.-Marthe, par M. F***.

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