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nous pas à citer, attestant le sens judicieux et la compétence juridique de leur auteur. De tous ces écrits d'un genre un peu spécial, nous ne voulons en retenir qu'un seul le rapport sur les oiseaux insectivores, qui est tout un traité sur la matière et qui forme pour ainsi dire le préambule de la loi destinée à assurer la protection efficace des petits oiseaux, ces utiles auxiliaires de nos producteurs. agricoles.

On a déjà beaucoup écrit sur M. de La Sicotière, on écrira beaucoup encore sans arriver à mettre complètement en relief tous les traits de cette mobile et attachante physionomie. Au Sénat, à la Société historique de l'Orne, aux Bibliophiles normands, des voix autorisées ont prononcé son éloge; dans une revue bretonne, M. Louis Duval s'est occupé de ses travaux comme historien militaire de la Vendée; nous-mêmes, à l'Association. Normande, nous avons essayé de faire connaitre les services de toute sorte rendus par lui à cette compagnie pendant près d'un demi-siècle.

Pour en juger, disions-nous, il suffit de parcourir les tables des Annuaires. Jamais collabo

ration n'a été plus active, plus persévérante. «Non seulement il écrivait, mais il payait de sa

personne, prenant part aux enquêtes, guidant les < excursionnistes et intervenant avec sa compé«tence et sa bonhomie habituelles dans les dis<cussions. Aux Congrès d'Alençon, de Mortain,

d'Avranches, de Conches, il se prodigua véritable«<ment et contribua singulièrement au succès. >

Ce que La Sicotière fut à l'Association Normande, il le fut, vous le savez, aux Antiquaires de Normandie, il le fut aux innombrables Sociétés historiques, archéologiques, héraldiques et bibliographiques auxquelles il était affilié, comme aux journaux, aux recueils et aux revues de toute couleur et de tout format auxquels, quotidiennement et sans se lasser, il apportait le concours de sa plume alerte et toujours prête.

L'œuvre de notre ancien directeur comme littérateur, comme historien, comme archéologue, comme numismate et comme folk-loriste est considérable. Elle touche aux sujets les plus divers, elle a été disséminée à tous les vents du ciel. Pour dresser le catalogue des productions d'un polygraphe aussi infatigable, il faudra les investigations consciencieuses et l'application soutenue de MM. Le Vavasseur et Appert. C'est une bibliographie étrangement compliquée, dont les éléments ne seront faciles ni à réunir, ni à classer.

La Sicotière a en effet touché à tout, à l'économie politique comme à l'agriculture, aux monuments comme aux anciens textes, aux légendes, aux traditions, aux chansons populaires, comme à la biographie des hommes célèbres et à la discussion des problèmes historiques, littéraires et philosophiques. Mégalithes, monnaies, poteries,

sculptures du moyen àge l'attirent également, et il disserte avec la même ardeur et la même compétence sur les ruines romaines d'Oisseau, sur les stalles de l'église de Mortain, sur les vitraux de Notre-Dame d'Alençon, sur les faïences de Rouen et de Nevers, sur une infinité de personnages appartenant aux mondes les plus différents : l'abbé de Rancé, Béranger, Charlotte Corday, MarieAntoinette, Mme Roland, Jean Chouan, le curé Pons, le curé Cantiteau, le patriote d'Héron, sans compter les négociateurs dans l'Ouest, les Rosières de BasseNormandie et les faux Louis XVII. Correspondant assidu du journal Le Droit et très appliqué aux choses judiciaires, M. de La Sicotière est en même temps un admirateur fervent des écrivains romantiques et un très actif zélateur du mouvement archéologique. Chez lui, l'érudit se double en outre d'un bibliophile et d'un collectionneur passionnés. Comment ne pas être un peu troublé par cette étourdissante variété d'aptitudes? Comment se reconnaitre au milieu d'un pareil amoncellement de feuilles volantes, de livres et de brochures? Et ce qu'il y a de véritablement remarquable, c'est le soin méticuleux que cet homme, dont toutes les minutes étaient prises par des occupations professionnelles, apportait cependant à la rédaction de tous ces écrits, même les plus humbles: notes, récits d'excursions, observations, rapports, comptesrendus. Quelques-unes des biographies qu'il nous

a laissées se distinguent par la précision des détails, la justesse des appréciations, l'abondance, la sûreté des informations. Nous citerons notamment les notices relatives à Valazé, au dominicain Piel, au graveur Godard, au dessinateur Monanteuil, à Charles Vatel, l'amoureux de Charlotte Corday, au savant conservateur de la bibliothèque de Caen, Georges Mancel. Les Recherches relatives à Julien Riqueur, à Corneille Blessebois, à Me Cosard, à la Cour de la reine de Navarre, en même temps qu'elles faisaient revivre sous nos yeux des épisodes piquants de notre histoire ou des personnages oubliés, témoignaient des mêmes qualtiés. Ces dispositions d'esprit se maintinrent jusqu'à la fin : nous n'en voudrions, au besoin, d'autres preuves que les dernières productions auxquelles M. de La Sicotière a attaché son nom la notice sur Gaultier-Garguille, les Observations sur un plat de Nevers de sa collection, le mémoire si curieux sur Marie Dugué et sa complainte et, surtout, le discours qu'il prononça comme directeur de la Société des Antiquaires en 1894, et dans lequel, en quelques lignes, il dessine avec tant de conscience et de légèreté de main la physionomie de tous ses prédécesseurs au fauteuil présidentiel.

Quels intéressants recueils de Miscellanées il y aurait à faire avec tous ces fragments, qui ne seront probablement jamais réunis! Fort heureusement, M. de La Sicotière a écrit deux œuvres capitales qui

nous le rendent tout entier. Nous voulons parler de l'Orne archéologique et pittoresque, publié en collaboration avec Poulet-Malassis, et de l'Histoire de Louis de Frotté et des Insurrections normandes, couronné par l'Académie française. Dans le premier de ces ouvrages, M. de La Sicotière a dit tout ou presque tout sur l'histoire des communes du département de l'Orne, sur ses châteaux, ses églises, ses ruines, ses forêts et ses sites. On pourra exploiter, peut-être, quelques filons oubliés, mettre en lumière quelques détails laissés dans l'ombre, mais on n'ajoutera rien d'essentiel. Notre ami avait parcouru le pays dans tous les sens, il avait vu et étudié sur place et, avant de prendre la plume, il avait lu tout ce qui pouvait éclairer son sujet, depuis les in-folios vénérables jusqu'aux plaquettes les plus humbles, les plus dédaignées. « On est effrayé, ⚫ écrivait dernièrement Gustave Le Vavasseur, de la « somme de travail que représente cette œuvre « considérable, aujourd'hui fort recherchée, qui s'appelle l'Orne pittoresque ».

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Dans son étude sur les Insurrections normandes, M. de La Sicotière s'attaquait à un ensemble de faits non moins importants, mais d'une constatation plus difficile. L'histoire de la chouannerie est en effet, si l'on peut parler ainsi, une histoire dispersée sans centre bien défini et se composant d'une infinité d'escarmouches, d'engagements, de marches en avant, de retraites, de négo

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