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Pierre de Bréauté, après avoir fait campagne en Flandre à la tête d'une compagnie levée à ses frais, venait de rentrer en France quand il apprit que l'officier qu'il avait laissé à la tête de ses troupes devant Bois-le-Duc, s'était laissé enlever par Grosbendonc, gouverneur de cette place.

Bréauté revint vivement en Hollande, et envoya défier Grosbendonc de lui tenir tête dans un combat réglé à vingt contre vingt.

Le défi fut accepté et vingt-deux français contre vingt-deux espagnols armés d'épées et de pistolets se rencontrèrent en vue de Bois-le-Duc.

Les deux petites troupes se chargèrent vigoureusement. Bréauté tua de sa main le lieutenant de Grosbendonc qui s'était fait remplacer, et blessa encore un homme; ses compagnons en avaient abattu trois autres, et les Français avaient deux morts et trois blessés.

Les deux pelotons avaient repris du champ pour se charger de nouveau quand Grosbendonc fit tirer le canon sur les Français. Devant cette attaque déloyale, une partie des cavaliers se tirèrent à quartier. Bréauté resté seul avec un de ses gentilshommes reçut vaillamment la charge des ennemis, il en blessa encore deux, mais son cheval fut tué, et lui saisi et entraîné dans Bois le Duc où il fut odieusement assassiné. Il avait dix-neuf ans, neuf mois et onze jours.

A la nouvelle de sa mort, Adrien de Bréauté, son

jeune frère accourut en Hollande pour venger son aîné. Il fallut les ordres du roi adressés à l'ambassadeur de France et au prince de Nassau pour obliger le jeune homme à rentrer en France.

La jeune veuve de 'Pierre de Bréauté, Charlotte de Harlay entra aux Carmélites de Paris, où elle vécut jusqu'en 1655.

Ces souvenirs de gloires, de sang et de larmes sont derrière ces comptes de tutelle que dressait en 1600 le père du jeune mort.

L'an de grâce 1600 le 13 jour d'avril, au château et manoir seigneurial de Néville, de matinée, devant nous Jehan Toustain escuyer sieur de Palleuzemare et de Beaumont, conseiller du Roy, lieutenant au baillage de Caux au siège de Cany, présence de Me François Gasquerel greffier ordinaire de Mr le bailly de Caux au dit siège de Cany, s'est comparu en personne hault et puissant seigneur Adrien sire de Bréauté chevalier de l'Ordre du Roy, capitaine de cinquante hommes. d'armes de ses ordonnances, conseiller du Roy en son Conseil privé dit d'estat, collonal général des arrière baons de Normandie, et chastellain du dit lieu de Néville et aultres terres et seigneuries, lequel à présence de noble dame Charlotte de Harlay veufve de feu noble et puissant seigneur Pierre sire de Bréauté, chevalier de l'Ordre du Roy, seigneur chatellain, viconte hérédital et haut justicier de Hautot-en-Auge, collonal du régiment de Normandie, tutrice principalle de Adrien de Bréauté soubzage, seul fils du dit feu sieur de Hotot, ung estat et mémoire en forme de

compte cy après pour estre par elle veu et accepté, présence du procureur du Roy, duquel compte et mémoire la teneur ensuit.

Mémoire des mises que j'ay faictes pour mon fils de Hotot depuis la consommation de son mariage.

Premièrement j'ay baillé à Néville au fourbisseur pour la despence que mon fils avoit faicte à lesquier à Rouen quatre vingts escus.

A ung boucher de Poissy 105 escus.

Au mercier Doublet de Rouen dix escus.

Pour dix harcquebuses qui furent achaptés à Rouen

25 escus.

Baillé à Saint Amand pour des mousquets 20 escus. Plus baillé pour deux longues arquebuses appelées carabines, et deux fourreaux 20 escus 40 s.

Pour des bas de soye verds, et une ceinture en brouderie quinze escus.

Baillé à mon dit fils pour aller à Rouen six vingts

escus.

Plus, baillé par ma femme pour avoir des armes, quatre cents escus.

Plus à Monsieur de Rouen pour despens qu'il a payé au logis de mon dit fils à Paris, soixante et quatorze

escus.

Plus à un saincturier qui a fait le fourreau de sa picque, douze escus.

Plus pour restes d'arquebuses et ung mousquet, huict escus, 40 sols.

Au Cadet d'Avignon pour des passements qu'il avait

achaptés pour oustrer le manteau de mon fils et celuy de son paige, huit escus.

A Goupil cordonnier à Rouen dix escus.

Plus à Monsieur de Rouen pour bailler à ma fille,

deux cents escus.

Plus baillé à mon dit fils dernièrement qu'il partit pour aller à l'armée, comprenant 52 escus, baillés au bailly de Hotot cent escus pour des chausses et bottes, des brousquins avec des passements d'argent, six vingts escus 40 sols.

Pour deux chevaux pour mettre en sa charette, cent

escus

Pour la charette, colliers, selle et tout l'esquipaige, vingt escus.

Baillé à monsieur d'Escajeu pour aller à l'armée avec mon fils 300 escus.

Plus baillé à mon dit fils 20 escus.

Plus je envoye à mon fils en deux fois par ses lacquais qui le sont allé trouver en l'armée, dont il y avait 200 escus soleils à soixante et cinq sols pièce : 416 escus et 40 sols, sans plusieurs aultres parties que j'ay oubliées, qui se montent à plus de 200 escus.

Plus à l'armeurier de Rouen vingt escus.

Baillé par le Fauconnier à Bouffay 100 escus. Par le Bucquet l'aîné, envoyé de La Murdraquière un sieur d'Eschajeul qui estoit au Vaudery.

Par Bunel lacquais de mon fils 30 escus.

Plus pour despences faites au Vaudery par ledit sieur d'Eschajeul, tant en vin que en viande que argent, sept

escus.

Baillé au page de mon fils, à ung sergent et un cui

sinier qui s'en allaient trouver mon fils à l'armée, le recepveur du Vaudery 3 escus.

par

Baillé à Saint-Amand pour avoir des armes quarante

escus.

Plus baillé au sieur d'Eschajeul pour aller trouver mon dit fils, et pour conduire ses compaignons 8 escus. Rendu à monsieur de Galleville qu'il avoit presté mon dit fils estant à Argentan 10 escus.

J'ay baillé à mon fils 400 escus.

Baillé à ma fille étant au dit lieu d'Argentan deux cents escus.

Plus il a reçu de Monsieur Médavy 20 escus.

A deux de ses lacquais pour luy porter par deux fois son argent à l'armée, en chacun voyage 4 escus, font 8 escus.

Plus j'ay baillé à son charestier et à son maréchal pour aller en l'armée avec luy 6 escus.

Plus à son pifre et à ung suisse pour aller en l'armée

4 escus.

A ung sergent et à son paige 3 escus, qui passaient par Bouffay.

Plus payé par Monsieur de Rouen pour retirer ses hardes qui étaient dans une hotellerie 33 escus.

Plus payé par Monsieur de Rouen à l'Hostel du plat d'étain à Paris, et à ung mercier du Pallais huit vingt

escus.

Plus a été porté à Paris au logis de Mr de Sency par Le Bucquet l'aisné lorsque mon fils estait en Flandres avec M le Maréchal de Biron viron 500 escus.

Pour le voyage et dépense du dit Bucquet d'aller et

et venir 6 escus.

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